André Laugier

Messages : 7141 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 80 Localisation : Marseille
 | Sujet: Poésie fugitive (Prosodie) Mar 21 Juin - 18:51 | |
| PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
POÉSIE FUGITIVE On regroupe traditionnellement sous ce nom de petit genres poétiques tels que les "madrigaux", les "épigrammes", les "épitaphes", les "énigmes", etc. et quelques poèmes à forme fixe comme le "triolet", la "villanelle" ou encore le "rondeau". Ce sont des poèmes courts, parfois badins, spirituels ou émouvants, qui sont souvent plus charmants que profonds. Leurs modèles viennent de l'Antiquité. Ils apparaissent au XVIe siècle avec Clément MAROT et les poètes de cour.
Exemple :
À RONSARD
L'art de faire des vers, dût-on s'en indigner, Doit être au plus haut prix que celui de régner. Tous deux également nous portons des couronnes ; Moi, roi, je les reçois ; poète, tu les donnes.
CHARLES IX, roi de France, XVIe siècle.
Ce genre de poèmes légers sur des sujets pouvant être dérisoires, donnaient l'occasion aux beaux esprits de dévoiler leur habileté. Difficile à définir, aussi fuyant que son nom, il fut aussi illustré par la poésie précieuse au XVIIe siècle : poésie mondaine, permettant de briller en société, elle fut en honneur dans les salons, y compris ceux de la bourgeoisie.
Mais c'est au début du XIIIe siècle que ce genre devint particulièrement prolifique. Voici un texte de VOLTAIRE, adressé à Mademoiselle GAUSSIN :
Jeune Gaussin, reçois mon tendre hommage, Reçois mes vers au théâtre applaudis ; Protège-les, Zaïre est on ouvrage ; Ol est à toi puisque tu l'embellis.
Ce sont tes yeux, ces yeux si pleins de charmes, Ta voix touchante et tes sons enchanteurs Qui du critique ont fait tomber les armes : Ta seule voix adoucit les censeurs.
Cette poésie fugitive ne l'était sans doute pas tant que ça, puisqu'elle fut connue, recopiée, conservée et qu'elle a traversé les âges pour venir jusqu'à nous. On considère qu'elle est le plus souvent une poésie de circonstance. Elle ne fut pas toujours badine, puisque les épitaphes sont aussi, à leur manière, une poésie fugitive comme en témoignent des vers qui ont été parfois gravés sur des tombeaux ou des cadrans solaires. Les inscriptions en font partie - même si l'auteur prétend les faire durer en les gravant sur la pierre.
Ce genre devait être bien présent (et pesant) pour le jeune Alfred de VIGNY qui avait dix-neuf ans, lorsqu'il affirmait pompeusement :
... Le vers le plus obscur d'un auteur sérieux À plus de vrai mérite et vaut plus à nos yeux Que l'inutile amas de légères paroles Qui forme le tissu de ces œuvres frivoles Qui sans rien peindre au cœur cherche à nous éblouir, Qu'on dit vers fugitifs parce qu'ils sont à fuir.
Mais, tout de même, la poésie fugitive peut être tantôt souriante, tantôt grave - et ne pas inciter à la fuite :
SUR UN ALBUM
Rien qu'un vers ! C'est tout votre vœu. Vous le voulez, je vais l'écrire : - Qui donne aux pauvres prête à Dieu. Et j'ajoute, car c'est trop peu : - Qui donne aux albums prête à rire.
Victor HUGO _________________ La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André Laugier)
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