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| La poésie Gourmande | |
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Auteur | Message |
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André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Dim 18 Déc - 12:39 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Dim 18 Déc - 12:43 | |
| Achille OZANNE
LA SAUCE MAYONNAISE
Dans votre bol en porcelaine Un jaune d'oeuf étant placé : Sel, poivre, puis vinaigre à peine Et le travail est commencé !
L'huile se verse goutte à goutte, Et votre sauce prend du corps Epaississant sans qu'on s'en doute, En flots luisants jusques aux bords !
Quand vous jugez que l'abondance Peut suffire à votre repas Au frais mettez-là par prudence... ... Jusqu'au moment n'y touchez pas ! __________________
Achille OZANNE
TERRINES DE CANARDS
Si les Rouennais sont fiers de Boïeldieu, Corneille, Ils n'ont pas moins au cœur un gourmet qui sommeille Et, malgré leur amour des lettres et des arts, Ils ont au plus haut point le culte des canards !
Vous savez les honneurs qu'on leur rend en cuisine ; Hânni vient aujourd'hui les offrir en terrine. Puis, pour les parfumer, avec art il y joint La truffe et le foie gras, ce succulent appoint.
Et sur sa chair rose, Exquise volupté, La truffe se repose Comme un grain de beauté.
Lorsque sa renommée aura conquis le monde, Que de canards auront les terrines pour tombe ! _________________
Achille OZANNE
LE BOUDIN DE NOEL
LES cloches dans les airs, en joyeux carillons, Appellent les chrétiens aux prières divines, Des parfums odorants s'échappent des cuisines, Symptômes précurseurs des joyeux réveillons !
Les étalages sont féeriques Et partout, dans tous les quartiers, Ce ne sont qu'assauts homériques A la porte des charcutiers.
L'on voit apparaître, agapes magistrales ! Ces monceaux de boudins, d'aspect appétissant, S'enroulant sur les plats en immenses spirales, Où le porc a versé le plus pur de son sang !
C'est le boudin qu'il est de mode De fêter en ce jour chrétien. Je dirai comme il s'accommode, Lecteur, si vous le voulez bien.
RECETTE
Préparez des oignons hachés menus, menus, Qu'avec autant de lard sur un feu doux l'on passe Les tournant tant qu'ils soient d'un beau blond devenus Et que leur doux arôme envahisse l'espace... Mêlez le tout au sang, puis bien assaisonnez, De sel, poivre et muscade, ainsi que des épices, Un verre de cognac; après, vous entonnez Dans les boyaux du porc, dont l'un des orifices Est d'avance fermé, et dès qu'ils sont remplis, Ficelez l'autre bout, et dans l'eau frémissante, Plongez tous les boudins ! Ces travaux accomplis, Egouttez-les après vingt minutes d'attente.
Près de la bûche de Noël Qui dans l'âtre flambe et pétille, Veillons d'un oeil paternel Le boudin qui doucement grille.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Lun 19 Déc - 18:51 | |
| Achille OZANNE
BOUTADE DE NOEL
HOSANNAH! Bethléem ! mystères de l'étable, Naissance de Jésus! — C'est fête, amis, veillons ! On l'ébauche à l'église, on la termine à table. En joyeux réveillons !
Aujourd'hui le cochon, bon prince, Soumis au sacrifice acquis ; De sa tête... Au bout le plus mince Fournit les mets les plus exquis.
Son sang versé comme un pactole, Pour le bonheur des citadins Se change, généreuse obole, En des spirales de boudins.
Son lard si blanc, sa chair si rose Font ensemble, bien apprêtés, Une farce dont se compose Des saucisses, pieds et pâtés.
Puis, enfin tout son corps y passe, Dans les apprêts les plus divers, Et cet « animal-roi » trépasse En bienfaiteur de l'univers.
La légende est là qui nous prouve Qu'en maints endroits, longtemps épiés, Lui-même, en terre, il nous découvre La truffe, pour garnir ses pieds.
Les charcutiers, dans leurs boutiques, Souriants et l'air paternel, Songent au nombre de gastriques, Qu'ils nous procurent pour Noël.
L'immense appétit s'aiguillonne, On mange, on boit, on réveillonne, Sans se demander quel rapport A cette fête avec le porc !
Hosannah ! Bethléem ! — Mystères de l'étable, Naissance de Jésus! — C'est fête, amis veillons ! On l'ébauche à l'église, on la termine à table En joyeux carillons ! _________________
Achille OZANNE
BEIGNETS DE PECHES
ROSES, fraîches, fermes et belles, Comme des seins de jouvencelles ; De dix pêches, il est besoin D'enlever la robe avec soin.
Dans un sirop que l'on compose D'arômes odoriférants, Pendant une heure l'on arrose, Leur chair tendre et leurs tons friands.
J'avais oublié de vous dire Qu'il faut couper vos fruits en deux. Puis, faites une pâte à frire De farine, de lait et d'oeufs.
Trempez alors dans cette pâte Chaque morceau séparément, Que l'on précipite à la hâte Dans la friture vivement.
Quand vos beignets sont d'un blond tendre, Ainsi qu'en août on voit les blés ; Sucrez et sans plus faire attendre, Servez aux gourmets assemblés.
Ce sont des délices suprêmes, Que donne ce mets recherché ; Nous l'aimerons comme nous-mêmes, Qui sommes le fruit d'un pêché. _________________
Achille OZANNE
CHARLOTTE DE POMME
PROLOGUE
ON dit : de la pomme nous vient D'ici-bas l'existence amère ? Oui, mais... que de bons plats l'on tient Du péché de notre Grand'Mère !
Si je choisis parmi le cent D'entremets, dont ce fruit nous dote, J'en sais un bien appétissant. Je veux parler de la Charlotte...
RECETTE
Parfumez de cannelle et zeste de citron Une compote de reinettes Et puis, dans un pain mat, vous taillez environ Trente morceaux en bandelettes.
Dans un beurre fondu sitôt qu'ils sont plongés Sur les parois de votre moule Dressez-les côte à côte et surtout bien rangés Pour que l'édifice ne croule.
Maintenant, pour finir, il faut que dans ce puits Vous y versiez votre compote Poussez le tout au four pendant une heure... et puis Vous démoulez votre Charlotte.
ÉPILOGUE
C'est un bon plat que la maman Peut confectionner en famille C'est simplet comme le roman Qu'on permet à la jeune fille.
Aussi que de soins amoureux Je l'entoure, je la mijote En souvenir du temps heureux Où j'aimais tendrement Charlotte. _________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Mer 21 Déc - 18:28 | |
| Achille OZANNE
ÉPIGRAMMES D'AGNEAU
BOILEAU nous cite l'épigramme Comme un trait mordant incisif... Et la Fontaine, lui, proclame L'agneau doux et inoffensif
Ce n'est point de cet amalgame Que l'on a fait un plat nouveau, C'est du caprice d'une femme Qu'est né l'épigramme d'agneau
De deux carrés d'agneau prenez les côtelettes Mettons douze environ, belles et bien coquettes. En arrondir la noix et puis les apprêter Pour cuire avec du beurre, en un plat à sauter.
D'autre part, ayant fait braiser les deux poitrines, Vous les mettez sous presse entre deux plaques fines, Froides, vous les taillez à peu près en façon De poire ; — puis à l'oeuf, panez chaque tronçon.
D'une belle couleur les ayant laissé frire Avec les côtes, donc, que vous avez fait cuire En couronne dressez et, tout en alternant, Les côtes et tronçons chacun se soutenant
Lorsque le rond est fait et de bonne figure Dans le milieu du plat mettez la garniture Que vous accommodez au mieux de votre choix, Soit de la macédoine ou bien des petits pois !
Dans votre plat que rien ne cloche. Qu'il soit exempt de tout reproche ! Car, vraiment, il serait fâcheux Que quelques invités grincheux Ne vous lancent, ces bons apôtres Des épigrammes sur les vôtres ? __________________
Achille OZANNE
LE POTAGE
CE que je sais le mieux, c'est mon commencement, S'écriait l'avocat des Plaideurs de Racine ; C'est le début qu'on doit soigner pareillement, Pour qu'un grand dîner soit un chef-d'oeuvre en cuisine
Ainsi que pour un opéra, On le juge dès l'ouverture : Pour vous le potage sera De bon ou de mauvais augure.
POTAGE A LA BISQUE D'ÉCREVISSES
Vous taillez dans un pain de gros croûtons carrés. Au beurre passez-les, bien blonds et bien dorés ; Puis, comme un dieu vengeur, veillant aux sacrifices, Vivantes, en cuisson plongez vos écrevisses !
Pour faire un beurre après, vous en aurez ôté Les plus rouges morceaux de toutes les coquilles, Coupez les chairs en dés, mettez-les de côté, Et, dans votre mortier, pilez bien les broutilles
Que vous mouillez alors avec un consommé. Mêlez-y les croûtons, cuisez à point nommé Et, pour en obtenir une farce très fine, Avec le plus grand soin passez à l'étamine.
Ainsi votre potage étant presque achevé A point détendu, puis, de poivre relevé, En y mêlant les chairs, vous y joignez encore Votre beurre bien cuit, rose comme l'aurore.
Que, pour certains époux, ce potage a de prix ! On voit, le lendemain, plus d'un mari surpris ! A sa femme vanter, les yeux pleins de malices, Les heureux résultats du coulis d'écrevisses ! __________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Jeu 22 Déc - 19:56 | |
| Achille OZANNE
SOLES AU VIN BLANC
THERMIDOR
A CHAQUE instant l'orage gronde, De la chaleur nous gémissons ; Alors, nous nous plongeons dans l'onde, Le vrai domaine des poissons.
Ah ! s'ils usaient de représailles ! S'ils nous traitaient en mécréants, Que de gigantesques batailles ! On verrait dans les océans !
Les turbots seraient chefs de file, Les soles, rougets et harengs, Comme une masse qui s'empile, Les suivraient en serrant les rangs.
Mais ne cherchons pas la victoire Que procure un combat sanglant ; On n'a, certes, pas l'âme noire Quand on fait la sole au vin blanc.
RECETTE
D'abord, pour débuter sans plus de paraboles, Des deux peaux, avec soin, vous dépouillez vos soles. Dans un plat bien beurré, pour lors, avec amour, Couchez-les gentiment, et mettez tout autour Du thym et du laurier, avec persil en branches, Vous salez et poivrez — quelques oignons en tranches Pour en finir le goût. — Ensuite de vin blanc, Mouillez-les comme il faut — non pas faire semblant, Et, dès que vos poissons auront fini de cuire, Vous passez la cuisson, que vous faites réduire, Liez aux jaunes d'œufs — beurrez-la ; puis, après, Versez sur le poisson, et votre plat est prêt. _________________
Pierre-Jean de BÉRANGER
À MESSIEURS LES GASTRONOMES
Gourmands, cessez de nous donner La carte de votre dîner : Tant de gens qui sont au régime Ont droit de vous en faire un crime. Et d'ailleurs, à chaque repas, D'étouffer ne tremblez-vous pas ? C'est une mort peu digne qu'on l'admire. Ah ! pour étouffer, n'étouffons que de rire ; N'étouffons, n'étouffons que de rire.
La bouche pleine, osez-vous bien Chanter l'Amour, qui vit de rien ? A l'aspect de vos barbes grasses, D'effroi vous voyez fuir les Grâces ; Ou, de truffes en vain gonflés, Près de vos belles vous ronflez. L'embonpoint même a dû parfois vous nuire. Ah ! pour étouffer, n'étouffons que de rire ; N'étouffons, n'étouffons que de rire.
Vous n'exaltez, maîtres gloutons, Que la gloire des marmitons : Méprisant l'auteur humble et maigre Qui mouille un pain bis de vin aigre, Vous ne trouvez le laurier bon Que pour la sauce et le jambon ; Chez des Français quel étrange délire ! Ah ! pour étouffer, n'étouffons que de rire ; N'étouffons, n'étouffons que de rire.
Pour goûter à point chaque mets, A table ne causez jamais ; Chassez-en la plaisanterie : Trop de gens, dans notre patrie. De ses charmes étaient imbus ; Les bons mots ne sont qu'un abus ; Pourtant, messieurs, permettez-nous d'en dire. Ah ! pour étouffer, n'étouffons que de rire ; N'étouffons, n'étouffons que de rire.
Français, dînons pour le dessert : L'Amour y vient, Philis le sert ; Le bouchon part, l'esprit pétille ; La Décence même y babille, Et par la Gaîté, qui prend feu, Se laisse coudoyer un peu. Chantons alors l'aï qui nous inspire. Ah ! pour étouffer, n'étouffons que de rire ; N'étouffons, n'étouffons que de rire. _________________
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| | | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Mar 24 Jan - 19:04 | |
| BAUDELAIRE
L'ÂME DU VIN
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles : « Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles, Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme, De peine, de sueur et de soleil cuisant Pour enregistrer ma vie et pour me donner l’âme ; Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux, Et sa chaude poitrine est une douce tombe Ou je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant ? Les coudes sur la table et retroussant tes manches Tu me glorifieras et tu seras content :
J’allumerai les yeux de ta femme ravie ; À ton fils je rendrai sa force et ses couleurs Et serai pour ce frêle athlète de la vie L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie, Grain précieux jeté par l’éternel Semeur, Pour que de notre amour naisse la poésie Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! » _________________
Guillaume APOLLINAIRE
Te souviens-tu mon Lou de ce panier d’oranges Douces comme l’amour qu’en ce temps-là nous fîmes Tu me les envoyas un jour d’hiver à Nîmes Et je n’osai manger ces beaux fruits d’or des anges
Je les gardai longtemps pour les manger ensemble Car tu devais venir me retrouver à Nîmes De mon amour vaincu les dépouilles opimes Pourrirent J’attendais Mon cœur la main me tremble !
Une petite orange était restée intacte Je la pris avec moi quand à six nous partîmes Et je l’ai retrouvée intacte comme à Nîmes Elle est toute petite et sa peau se contracte.
Et tandis que les obus passent je la mange Elle est exquise ainsi que mon amour de Nîmes Ô soleil concentré riche comme mes rimes Ô savoureux amour ô ma petite orange !
Les souvenirs sont-ils un beau fruit qu’on savoure ? Le mangeant j’ai détruit mes souvenirs opimes Puissé-je t’oublier mon pauvre amour de Nîmes ! J’ai tout mangé l’orange et la peau qui l’entoure
Mon Lou pense parfois à la petite orange Douce comme l’amour le pauvre amour de Nîmes Douce comme l’amour qu’en ce temps-là nous fîmes Il me reste une orange Un cœur un cœur étrange __________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Mer 8 Fév - 11:40 | |
| Mme Suzanne BURGUES PEYREFITTE
LE CASSOULET DE CASTELNAUDARY
Il trône, solennel, le prince de la table, Captivant notre vue et tous nos sens ravis, Familles et voisins par ses soins réunis, Viennent pour déguster un mets si délectable.
Juste sorti du four, craquelé, savoureux, Son fumet odorant embaume la cuisine, Camarade empressé d'une dive voisine : Une vieille bouteille au bouchon poussiéreux.
Autour de la « cassole » en terre vernissée, Leur chair pleine de suc, des cuisses de canard, Appellent notre envie et s'offrent au regard : Le trouble du plaisir effleure la pensée.
Chaque convive est là, venu pour le festin ; Le propos est léger, l'anecdote fourmille, On sert les haricots, la parole s'égrille Devant leur succulence en chapeau de gratin.
Qu'ils soient "lingot", "coco" ou de nom plus modeste, Dans leur robe pulpeuse, et leur ventre dodu, Ils n'ont pas leurs pareils pour le gourmand vaincu : Ce sont eux, les vainqueurs, les phénix de la fête.
De la simple masure au fastueux château, Ce plat convivial aux titres de noblesse, Réunit à la fois l'aïeul et la jeunesse Dans un bonheur joyeux qu'on se donne en cadeau.
Tel est le cassoulet, des agapes complices Qui par son art sublime atteint le Rubicon. Digne de Rabelais, roi de la région ! Passant, arrête-toi pour goûter ce délice. __________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Jeu 9 Fév - 11:35 | |
| Claude JONQUIERES
LES CRÊPES
Crêpe de la chandeleur, Saute, crêpe de bonheur! Sors de la poêle qui trébuche Sur les bûches, Et danse jusqu’au plafond Où les jets de flamme font Danser leurs reflets en rond. Le beurre chante en grésillant. Oh ! comme la pâte a bonne mine ! On dirait que la lune, en prenant son élan, A perdu son teint de farine. Allez, sautez, sautez plus haut, Crêpe ardente, ô lune dorée ! Si vous ne pouvez plus, d’un saut, Rejoindre la voûte éthérée, Allez donc, au moins, vous loger Au-dessus de la vieille armoire Et de cet observatoire Vous pourrez nous protéger. _________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Ven 10 Fév - 11:26 | |
| ANONYME
LES MOULES FRITES
Elle, avec ses cheveux blonds Posés dans le vent du soir, Lui, avec ses grands yeux noirs Fermés, entr'ouverts ou ronds,
Tous deux réunis enfin, Là, l'un près de l'autre, à table, Grisés par le sel marin Et un petit vin de table.
Ils ont pris la décision De faire le grand plongeon, S'offrir au plus beau des rites,
Se marier devant la foule, Elle, une assiette de frites Et lui, un grand bol de moules. _________________
Albert SAMAIN
LE MARCHÉ
Sur la petite place, au lever de l’aurore, Le marché rit joyeux, bruyant, multicolore, Pêle-mêle étalant sur ses tréteaux boiteux Ses fromages, ses fruits, son miel, ses paniers d’oeufs,
Et, sur la dalle où coule une eau toujours nouvelle, Ses poissons d’argent clair, qu’une âpre odeur révèle. Mylène, sa petite Alidé par la main, Dans la foule se fraie avec peine un chemin,
S’attarde à chaque étal, va, vient, revient, s’arrête, Aux appels trop pressants parfois tourne la tête, Soupèse quelque fruit, marchande les primeurs Ou s’éloigne au milieu d’insolentes clameurs.
L’enfant la suit, heureuse ; elle adore la foule, Les cris, les grognements, le vent frais, l’eau qui coule, L’auberge au seuil bruyant, les petits ânes gris, Et le pavé jonché partout de verts débris.
Mylène a fait son choix de fruits et de légumes ; Elle ajoute un canard vivant aux belles plumes ! Alidé bat des mains, quand, pour la contenter, La mère donne enfin son panier à porter.
La charge fait plier son bras, mais déjà fière, L’enfant part sans rien dire et se cambre en arrière, Pendant que le canard, discordant prisonnier, Crie et passe un bec jaune aux treilles du panier. ___________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Sam 11 Fév - 11:12 | |
| SULLY-PRUDHOMME.
LA SAUCE MAYONNAISE
Dans votre bol en porcelaine Un jaune d'oeuf étant placé : Sel, poivre, puis vinaigre à peine Et le travail est commencé !
L'huile se verse goutte à goutte, Et votre sauce prend du corps Epaississant sans qu'on s'en doute, En flots luisants jusques aux bords !
Quand vous jugez que l'abondance Peut suffire à votre repas Au frais mettez-là par prudence... ... Jusqu'au moment n'y touchez pas !
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Dim 12 Fév - 18:26 | |
| LES ÉCREVISSES A LA BORDELAISE
RECETTE
Dans les règles de l'art, commençons le travail! « Faire une mirepoix comme suit — combinée De carottes, oignons, thym, persil, laurier, ail, De sel et poivre en grains dûment assaisonnée, Parures de jambon, pour la corser un peu ; Puis dans le beurre fin, sur un tout petit feu Que cette mirepoix doucement se consume. Alors d'un vin blanc sec, mouillez-la du volume
Nécessaire à ces crustacés ; Et de ce court-bouillon leur offrant les prémices, — Sans remords, en cuisson, plongez vos écrevisses, Vingt minutes et c'est assez.
Du bain les sortant toutes roses, Au chaud il vous faut les tenir Attendant les saveurs écloses Que la sauce doit contenir. __________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Lun 13 Fév - 12:24 | |
| ANONYME
PLAT D’EPINARDS
RECETTE
Voici pour débuter ce que vous devez faire : Lavez vos épinards à l'eau limpide et claire Puis, dans une eau salée et dont les tourbillons Tournent dans la marmite en immenses bouillons, Jetez-les d'un seul coup, et là laissez les cuire Vivement, pour garder le vert qui doit séduire. Rafraîchissez-les bien, hachez-les très menus, Et quand ils sont à point, sur le feu revenus, Mettez sel et muscade et, pour le goût suprême, Etoffez-les de beurre et d'une double crème. Ils sont pour la saison régal délicieux Qui pour notre santé semble tombé des cieux.
De ce mets que je vous propose Usez, mesdames, sans façons. Il donne le teint frais et rose De l'églantine des buissons ! _________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Mer 15 Fév - 11:23 | |
| ANONYME
LA TRUFFE
JE parcours la forêt de l'aube au crépuscule, Pour suivre les progrès de sa fécondité, Espérant bien trouver, précieuse tubercule, Quelque jour, le secret de ta paternité !
Que les femmes surtout adorent sans retour Son parfum capiteux leur montant à la tête Stimule doucement la face qui reflète, En des yeux flamboyants, de longs frissons d'amour !
De ce mets que je vous propose, Usez, mesdames, sans façon : Il donne le teint frais et rose De l'églantine des buissons.
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Jeu 16 Fév - 9:06 | |
| Il y a bien des poètes anonymes qui ont un joli brin de plume !!! Merci pour ces bonnes recettes ! | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Jeu 16 Fév - 12:11 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Jeu 16 Fév - 12:12 | |
| RECETTE DES ROIS
RECETTE
Sur votre table vous mettez Deux litres de bonne farine A laquelle vous ajoutez Deux tas de gros sel de cuisine. Un litre de crème, quatre œufs, Une livre d'excellent beurre, Ensuite, mélangez sur l'heure La pâte en lui donnant un tour, Puis un autre et mettez au four.
Ce jour-là, croyez-le sans peine, Je prends le Sceptre sans effroi ; Et mon bonheur, quand je suis roi, C'est... c'est d'embrasser la reine.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Lun 20 Fév - 12:37 | |
| Raoul PONCHON
LE NAVARIN
Des tous récents sujets de glose Sur quoi les langues vont leur train, Si j’en connais un qui s’impose, C’est bien celui du navarin.
Ah ! si nos députés frivoles Hâblaient cuisine en leurs discours Et laissaient là leurs fariboles, Nous aurions encor de beaux jours.
Le navarin, on peut le dire, Est un vrai mets national Il était donc temps que ma lyre En dise un mot dans le Journal.
Dire que depuis le déluge, Sans avoir avancé d’un zest, Ce vieux litige est sous le juge, Adhuc sub judice lis est ;
Que jusqu’à ce jour nous vécûmes Sans savoir au juste, messieurs, Quelle viande et quels légumes Font ce rata digne des cieux !
Les uns, d’une atroce ignorance, Veulent qu’il comporte du bœuf ! Du bœuf ! entends-tu, pauvre France ! Et pourquoi pas du drap d’Elbœuf ?
D’autres poussent la frénésie Jusques à réclamer du veau ! Du veau ! C’est la pire hérésie Qui puisse entrer dans un cerveau.
Ceux-ci tiennent pour les carottes, Ceux-là proscrivent les oignons : Ce sont des anti-patriotes, Des esprits chagrins et grognons.
Sachez qu’un navarin comporte Des navets emmi du mouton, De là même le nom qu’il porte De navets navarin - dit-on.
Le solané tubercule Se marie agréablement Avec le navet qui succule ; Mais ça n’est là qu’un sentiment.
Maintenant, comment faut-il faire Pour avoir un bon navarin . Ah ! Ceci n’est pas mon affaire, Et je ne suis pas dans le train :
Je sors de la Nouvelle-Zemble. Pardine ! si je le savais !… Je crois que l’on doit mettre ensemble Et du mouton et des navets.
Un sorcier des plus authentiques, Vêtu de blanc, jette sur eux Des paroles cabalistiques Et… le résultat est heureux.
Mais, bonnes gens, n’allez pas croire Que vous rencontrerez ce mets En quelque cabaret notoire Dit à la mode. Oh ! non, jamais.
En ces cuisines fort communes Officient des ratatouilles Qui vous noient dans leurs sauces brunes, Dans les jus de toutes couleurs.
Nos cuisiniers si beaux naguère Se sont arrêtés en chemin, Ils ont perdu depuis la guerre Le tact avec le tour de main.
S’il vous fut ma pensée entière : Voulez-vous un bon navarin ? Demandez à votre portière, C’est la seule qui veille au grain.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Dim 26 Fév - 12:24 | |
| Raoul PONCHON
LE VEAU DE NOTRE ONCLE
" Au temps où j'avais une vache (Il y a longtemps de cela), Pour avoir du lait pur, sans tache, Voilà qu'un jour elle vêla.
" Un veau magnifique, superbe, Au poil soyeux, au fin museau Semblant déjà renifler l'herbe, Aux yeux... autant dire, de veau.
" Une violente bisbille Alors, au sujet du pauvret, Sévit au sein de la famille, A savoir ce qu'on en ferait.
" Je ne pouvais me mettre en tête Que cet animal chez moi né Et fils d'une excellente bête Fût pour moi-même condamné
" A passer en des mains hideuses, Connaîtrait le couteau rageur Et tout ça, pour quelques semeuses Que me paierait son égorgeur.
" Ce n'est pas pour ses beaux yeux, certes, Que j'hésitais à le lâcher ; Mais je le voyais, gorge ouverte, Déjà, chez un affreux boucher.
" Cela m'était insupportable. Je voyais encore mon veau Sur de l'oseille et sur ma table, En fricandeaux, en godiveau...
" Mon veau de mine si gentille ! Est-ce qu'en somme il n'était pas Un petit peu de la famille ? M'en voyez-vous faire un repas ?
'' J'aime les veaux d'amour extrême, Je l'avoue, en sage, en chrétien. Et c'est parce que je les aime Que je suis végétarien.
" Or, quelqu'un de mon entourage Me dit, non sans quelque raison, Que tout de même il n'est pas sage D'avoir un veau dans sa maison.
" Un veau, c'est encombrant, stupide... Encor si c'était un cochon ! Un cochon est au moins lucide Et bien autrement folichon.
" Et puis, faut songer à la bourse : On nourrit un cochon pour rien. Enfin on a cette ressource De l'appeler Fabricien...
" On me fit remarquer ensuite Que mon veau ne serait pas veau Tout le temps... il grandirait vite, Et ce veau deviendrait taureau ;
" A moins qu'en des laboratoires Il ne fût un jour rendu veuf De ses - comment dirai-je ? - histoires, Et ne devint, de ce chef, bœuf.
'' Je me rendis, c'était plus sage, A ce puissant raisonnement ; Mais j'ai toujours gardé l'image Dans mon cœur, de ce veau charmant.
" Donc, il me quitta. C'est la vie ! Il faut en prendre son parti. Ayons quelque philosophie En ce monde si mal bâti.
" Si tu veux de la gibelotte Que fais-tu ? tu prends un lapin ; Comme tu fauches, saperlotte ! Le blé pour te pétrir du pain.
" Eh bien, pour le veau à l'oseille, Vois-tu, c'est kif-kif bourricot : Il te faut d'abord de l'oseille, Et puis, hélas ! tuer un veau. "
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Lun 27 Fév - 19:40 | |
| Raoul PONCHON
A M. LOUIS DIDON qui avait envoyé une terrine de foie gras du Périgord au Courrier Français, à l'occasion du Réveillon
Un poème, Didon, ta terrine de foie ! Des gens seraient sortis volontiers de prison Pour flairer seulement sa douce exhalaison. A son seul souvenir l'oeil du Courrier flamboie.
Pour payer ce chef d'oeuvre il n'est point de monnoie, Et c'eût été trop peu de l'antique Toison : La truffe ambrosiaque y tenait garnison Et l'emplissait de grâce et d'amour et de joie.
Aussi, pour cet envoi gracieux, ô Didon, Nous te remercions en masse, mais, dis donc, Je vais te dire ici, - la vérité m'y pousse -
Quel est mon désespoir et le regret que j'ai : Je n'en eus, pour ma part, que gros comme le pouce ; Ce bougre de Quinzac a presque tout mangé.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Mer 1 Mar - 11:47 | |
| Raoul PONCHON
Parbleu, je les trouve sublimes Et merveilleux ces médecins Qui nous prescrivent des régimes Bouillons de culture et vaccins
Chargés de partir en croisade Contre les microbes sournois, Petits vagabonds en balade, Qui se glissent en lapinois
À travers le sombre dédale Du grêle ou du gros intestin, chez lesquels ce que l'on avale A toujours le pire destin.
Nous serions tous, à les entendre De noirs foyers infectieux Pleins de bacilles à revendre... Mais comment faisaient nos aïeux ?
Je ne vois pas qu'à leur époque Ils aient vécu moins vieux que nous. Même leur souvenir évoque Des gaillards buvant à grands coups,
Se nourrissant d'un tas de choses Qu'aujourd'hui l'on nous interdit, Et qui n'avaient pas de névroses Ni estomac en discrédit.
Ils ignoraient que l'appendice Était chez eux en supplément Et pouvait prêter préjudice Au reste de l'ameublement.
Quand ils dégustaient sans vergogne De bons vins entre compagnons, Ils ne disaient pas : " ce Bourgogne Va brûler nos pauvres rognons. "
Et certes, ils riraient bien, je pense, Car c'est un suggestif tableau, D'apprendre, que par correspondance, On met en bouteilles... de l'eau !
Or, si, sans faire un tel manège, Nos anciens se portaient fort bien, Avaient-ils donc le privilège De n'avoir rien de microbien ?
Faut-il croire que le bacille Ait attendu jusqu'à nos jours Pour venir prendre domicile Dans le ventre et ses alentours ?
Non, je crois que ces petits êtres, Intrépides explorateurs, Ont de tout temps traîné leurs guêtres Dans nos maquis intérieurs ;
Seulement on n'y songeait guère, Ils vivaient chez nous incompris ; Au lieu de leur faire la guerre, On les traitait par le mépris.
Maintenant, comme nourriture, Pour exaspérer ces intrus, On prend des bouillons de culture Plein d'innombrables détritus.
Par ordonnance, l'on consomme Du lait tourné, doux aliment, Ou le ferment du jus de pomme (N'allez pas lire : le Serment
Du jeu de Paume) ; l'eau filtrée A remplacé les vins de choix ; Et les farineux en purée, L'artichaut et les petits pois.
Enfin une chose m'épate, Tout le fait me paraît inouï : Hier on condamnait la tomate, On nous la prescrit aujourd'hui.
Hier les œufs étaient une chose Saine... à présent on les défend, Et c'est de la tuberculose Que dans le lait gobe un enfant.
Au fond, ce n'est que de la frime, Et ceux qui suivent les avis Devraient choisir comme régime Le millet et le chènevis.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Lun 6 Mar - 19:17 | |
| Raoul PONCHON
ALIMENTS PURS
A peine étais-je assis à table, Dans un cabaret confortable Assez connu pour son Vatel, Que surgit un maître d’hôtel, Bouche en cœur, avec le sourire, Et superbe, je dois le dire. Tout d’abord, il se crut tenu De m’exciter sur le menu, Sur des veloutés, des suprêmes, Des jus, des coulis et des crèmes Fort réputés dans la maison, - Disait-il, - mais dont le blason Fut toujours pour moi sans prestige. « Non, non. Pas de sauces, lui dis-je. Non plus de vos salmigondis…
Ecoutez bien : beurre et radis. Je dis beurre et non margarine Et autres, de même farine. Après cela, je mangerais Assez volontiers des œufs frais. J’appelle œufs frais, sans équivoque, Ceux-là que l’on mire… à la coque. Puis, ce sera des escargots En escargot de tout repos, Non en mou de veau qu’on maquille Et qu’on met dans une coquille. Ensuite… un rouget, - mais, pardon ! Que ce ne soit pas un gardon. Vous ferez suivre l’entrecôte, Avec quelques pommes pont-neuf. Mais, je le dis à voix bien haute : Une entrecôte est cette viande Prise entre deux côtes d’un bœuf, Selon une ancienne légende, Et non, si ça vous est égal, Dans la « culotte » d’un cheval.
Après… voyons… que mangerai-je ? Je m’appuierais bien un perdreau, S’il est assez frais et pas trop. Surtout, merci du privilège, Si vous me servez un corbeau N’ayant que les os et la peau. Qu’une salade l’enjolive, Si toutefois l’huile est d’olive, Comme le vinaigre de vin. Je veux bien, si je suis en verve, Pourvu qu’il ne soit de conserve, Un légume quelconque. Enfin, Je consens à quelque fromage, S’il n’a pas subi l’écrémage Et s’il ne marche pas tout seul, Bref, si ça n’est pas un aïeul…
Quant au vin que je compte boire, Qu’il soit simplement péremptoire, Voilà tout, en sa probité, Pur jus de raisin fermenté. Entremets… desserts, je m’en passe. Mais je veux une demi-tasse De café. J’appelle café, Vous savez, non du gland râpé, De la chicorée… aussi pire, Mais le seul café, je veux dire Des grains de café, quoi ! Sans plus, Torréfiés et bien moulus, Que dans l’eau, si je ne m’abuse, Très soigneusement on infuse.
Les liqueurs, je n’en parle pas. On n’en trouve plus ici-bas. Vous m’en donnerez tout de même ; Mon estomac, un vrai poème, Depuis longtemps, vous pensez bien, Ne va plus s’étonnant de rien. Je finirai par un cigare? Que s’il est en feuilles de chou, Vous pouvez le garder pour vous ; Mon goût, jusque-là, ne s’égare. J’aime les choux en tant que choux, Et non pas en tant que cigares. D’ailleurs, j’y puis mettre le prix. Ainsi donc, vous m’avez compris ? »
« Oui, me dit-il, je vous écoute. Mais monsieur veut rire, sans doute ? En vérité, si tous les gens Etaient à ce point exigeants, Ce serait notre mort subite, Nous aurions bientôt fait faillite. »
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Sam 11 Mar - 19:00 | |
| BARBELLION (Londres, 1891)
« Des pleurs du ciel, prenez un litre seulement Huit onces de beurre fin, puis mettez promptement, Dans une casserole au feu vif exposé, Et qu’au premier bouillon, elle en soit retirée. Du sel plein un grand dé, puis le double de sucre. Elle prend peu, rend beaucoup, nul esprit de lucre. Seize onces de farine a point bien tamisée, Dans l’ébullition vivement mélangée. Desséchez un instant, trois par trois ajoutez Une douzaine d’œufs, a tours de bras battez, Battez, battez longtemps. Dans le four, on vroirait qu’elle dort, Mais non, elle se mire en la flamme brillante. Son gonflement secret ressemble au sein naissant, Dont le cœur se remplit d’un amour bienfaisant Puis se pare de rayons et bientôt opulente, Eclate et resplendit dans une robe d’or. »
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Mar 14 Mar - 12:39 | |
| Raoul PONCHON
SYMPHONIE DES FROMAGES
On va me dire que ça pue, Le fromage. Allons donc, vraiment ? Tout ça dépend du point de vue, De l’occasion… du moment. Moi, j’en mange et point ne m’en cache. Je serais un vrai veau de vache, Privé de tout discernement, Si je n’aimais jusqu’au délire Le fromage, que sur la lyre Chanta le bon gros Saint-Amant.
O fromages de ma patrie, Et vous de l’étranger aussi, Accourez ça, la coterie… Diable ! On vous sent déjà d’ici. Trop tôt, Livarot, sâle bête… Mais voici la flore complète, Si j’en crois mon flair d’artilleur. Ne bougez plus, que l’on vous goûte. Allons, experts, on vous écoute ; Dites-nous quel est le meilleur ?
Oui, mais voilà : chacun en pince Pour le fromage familier, Qui se fabrique en sa province, Et qu’il prise sur un millier. Ainsi l’habitant de la Brie Traitera de saloperie Tel fromage que vous nommiez, Jurant sur les Saintes Images Que sur tous les meilleurs fromages Prévaut celui de Coulommiers.
Le gars normand triomphe avecque Le Camembert, le Port-Salut, Le Livarot, le Pont-Lévêque ; L’Auvergnat jamais ne voulut - Tel est son sale caractère - Démordre de son Saint-Nectaire, De sa fourme et de son Cantal ; Le Flamand prend de son Maroilles A témoin le ciel, les étoiles, Qui fleure l’ambre et le santal.
Le Dauphiné dit Sassenage ; Le Poitou répond Chabichou. Ne leur niez pas leur fromage, Vous seriez un abouchouchou. Le Lorrain ne voit sur sa table Qu’un Géromé de présentable. Pour un Picard, son Manicamp, Près duquel tout est faribole, Va défiant toute hyperbole, Surtout quand il fiche le camp.
Le Parmesan, en Italie, J’ai lu ça dans Zola, Est inattaquable et ne plie Que devant le Gorgonzola. La Suisse se montre assez fière De son grand pleurant de Gruyère ; Le Stilton avec le Chester Sont les deux « cracks » de l’Angleterre ; L’allemand ne fait pas mystère De son effroyable Munster.
On voit qu’il y a ballottage. Et j’en passe, bien entendu. Mais n’insistons pas davantage, A quoi bon ? c’est du temps perdu. Les dénombrer, quelle chimère ! Quand j’aurais la lyre d’Homère, Je m’arrêterais en chemin ; Disons que le meilleur fromage, Tout en rendant à tous hommage, C’est celui qu’on a sous la main.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Ven 17 Mar - 12:52 | |
| Raoul PONCHON
TABLE D'HÔTE
Etant à la table d’hôte D’un hôtel très fréquenté, Sur je ne sais qu’elle côte Où l’on se baigne l’été,
Ma surprise fut extrême Quand au bout d’un temps je vis Que beaucoup mieux que moi-même Mes voisins étaient servis.
On les accablait de viandes, De ragoûts faits pour les dieux De mille choses friandes Et de vins coquentieux.
Moi j’avais des roustissures Et des mégots de poulet, Des lavasses, des rinçures, Du vin on ne peut plus laid.
Si j’attrapais une miette Ce n’est qu’en catamini ; On m’enlevait mon assiette Avant que j’eusse fini.
Je pensai : c’est un usage Qui m’est encore inconnu De traiter comme un Osage * Le client dernier venu ?
On veut peut-être - mystère ! - Avant que de l’accueillir Lui tâter le caractère Ou l’empêcher d’orgueillir.
Je n’y prêtai pas sur l’heure Davantage attention, Etant d’humeur la meilleure En pareille occasion.
Lorsque le lendemain même Je dus inscrire à côté Des autres noms mon nom blême Sur un registre affecté.
Avec une immensurable Stupéfaction j’appris Que tous mes voisins de table Etaient des clients de prix ;
Des seigneurs considérables, Des dames du plus haut rang Pour lesquels sont misérables Deux cents mille francs par an.
Fallait pour que je le crusse Que je lusse, vraiment. Or tout ce monde était russe Comme on ne l’est seulement
Qu’en France. Et chaque était prince, Princesse nés Troubetzkoï ! * Troubetz-quoi ? Troubetzkoï ? Mince, Alors ! Jusqu’au moindre boy.
Ma foi, qu’à cela ne tienne, S’il faut être Troubetzkoï Et de nation russienne Pour vivre ici, troubetzkoï -
Sons-nous. Et sur le registre Où mon nom se tenait coi Comme un nom très terne, bistre, J’ajoutai : Né Troubetzkoi.
A partir de cette époque On fut plein d’égards pour moi. Au lieu d’être comme un phoque Traité, je le fus en roi.
Je pouvais à table d’hôte Dévorer n’importe quoi, Puisque j’était de la côte De l’illustre Troubetzkoi.
Après ça, je m’imagine Qu’on est toujours plus ou moins Troubetzkoï dès l’origine, Chacun selon ses besoins.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Lun 20 Mar - 19:33 | |
| Raoul PONCHON
L’ŒUF AU RIZ
Ah ! Mes pauvres enfants ! Tout de suite, qu ‘apprends-je Comme je sors d’ici ? Une chose incroyable, absurde autant qu’étrange. Ecoutez bien ceci :
Croulerions-nous sous les désastres Peu nous chaut, et qui s’en soucie Désormais, puisqu’un médicastre, Tous, nous invite à l’euphorie…
Venez ça, petites chéries De lys et de rose pétries Laissez-vous déplacer mes mies Voici le temps de l’euphorie
Las, pauvre poète burlesque Tintamarro-funambulesque. Qu’est-ce que je viens faire ici ? Voici le temps de l’euphorie…
Qui de lui, de moi le plus saoul ? Aussi vrai qu’on me dit Raoul Ne voilà-t-il pas qu’un ivrogne Ayant sans doute mal compris, Au caboulot, le rire en trogne Commande au patron l’œuf au riz ?
L’Œuf au riz, je vous le demande Est-ce là plat que sur commande A mitonné le Paul Bocuse Maître queux à la science infuse ,
Ou bien, mais je n’en suis point sûr, De cette Nouvelle cuisine Sur laquelle, Mesdames, j’urine Sauf votre respect bien sûr ?
Muse, dis-moi donc, je te prie, De quoi donc est fait l’œuf au riz Ce régal qui n’a pas de prix Et qui nous met en euphorie.
Et si c’est un plat rationnel Pour l’enfançon qui sur la paille Avec un âne et des volailles Est né le beau jour de Noël.
Mais soudain un doute m’effleure Moi qui, du vin, cherche la fleur. L’oeuf, au dire des spécialistes, Fait de tout nectar un vin triste, Un pissat d’âne, un reginglard Un tord-boyaux. Est-il si tard, Sommelier, pour qu’on ne nous porte Ce vin qui ouvre les portes De cette euphorie, justement ? Foi de Noë, de Saint Amand.
Foi de Ponchon, et que ce vin Descendant au profond ravin Qui est notre gosier grandiose Le fasse de pure métal rose…
Ce bruit qui sent bon, que je meure Si ce n’est celui des oignons Qui se trémoussent dans le beurre. Prélude à la cuisson du riz? Cré nom, Par tous les gnons et les trognons, Un riz sans oignons n’est pas bon ! Et que la savante industrie Des Vatel de ma patrie Y ajoute un œuf qui soit frit A point, la voilà l’euphorie !
Je suis de candeur sans pareille Et de presque tout revenu, Mais si Bacchus trouvait en ses bouteilles La meilleure à ce plat reconnue, Je crierais « vive l’œuf au riz ! » Et sortirais de cette vie N’ayant que ma chemise au c.. Tant d’autres, mal buvant d’ailleurs, n’en ont pas plus !
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Mer 22 Mar - 17:04 | |
| L’œuf au riz avec des petits oignons, c'est très bon !!! Il a raison notre ami poète ! | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Mer 22 Mar - 18:56 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Jeu 23 Mar - 12:06 | |
| Suzanne BURGUES
LE CASSOULET DE CASTELNAUDARY
Il trône, solennel, le prince de la table, Captivant notre vue et tous nos sens ravis, Familles et voisins par ses soins réunis, Viennent pour déguster un mets si délectable.
Juste sorti du four, craquelé, savoureux, Son fumet odorant embaume la cuisine, Camarade empressé d'une dive voisine : Une vieille bouteille au bouchon poussiéreux.
Autour de la « cassole » en terre vernissée, Leur chair pleine de suc, des cuisses de canard, Appellent notre envie et s'offrent au regard : Le trouble du plaisir effleure la pensée.
Chaque convive est là, venu pour le festin ; Le propos est léger, l'anecdote fourmille, On sert les haricots, la parole s'égrille Devant leur succulence en chapeau de gratin.
Qu'ils soient «lingot», «coco» ou de nom plus modeste, Dans leur robe pulpeuse, et leur ventre dodu, Ils n'ont pas leurs pareils pour le gourmand vaincu : Ce sont eux, les vainqueurs, les phénix de la fête.
De la simple masure au fastueux château, Ce plat convivial aux titres de noblesse, Réunit à la fois l'aïeul et la jeunesse Dans un bonheur joyeux qu'on se donne en cadeau.
Tel est le cassoulet, des agapes complices Qui par son art sublime atteint le Rubicon. Digne de Rabelais, roi de la région ! Passant, arrête-toi pour goûter ce délice.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: La poésie Gourmande Ven 24 Mar - 12:11 | |
| Raoul PONCHON
ESCARGOTS
La fraude - nerf du commerce - A notre époque s’exerce Sur les escargots itou : Ainsi des gens, sans vergogne, Vont déclarant de « Bourgogne » Ceux qu’ils cueillent n’importe où.
Tel escargotière cupide, Dans une coquille vide Et Bourguignonne, vous vend Un escargot fantaisiste... C’est le geai du Fabuliste Paré des plumes du paon.
Mais ceci n'est rien encore : Tel autre, nul ne l'ignore, Sans surmener son cerveau Autrement, vaille que vaille, Ses escargots il les taille Dans un simple mou de veau.
C'est ce qui fait qu'en Bourgogne Les Bourguignons sont en rogne, Mènent un grand branle-bas : " - Les escargots de nos vignes - Disent-ils - sont les seuls dignes, Les autres n'existent pas."
Ils exagèrent sans doute, Des escargots, somme toute, Viendraient-ils de Chicago, Des Balkans ou de la Flandre, Peuvent de même prétendre À ce titre d'escargots.
A parler franc, j'irai jusques A dire que ces mollusques Rappellent ce caoutchouc, Soit cette élastique gomme Mâchée au collège comme Si c'eût été du cachou. *
Mais la savante industrie Des Vatels de ma patrie Est admirable à ce point, Qu’ils vous feraient, ma parole, Bouilli dans leur casserole, Manger votre propre poing.
Aussi, quand ils s’accommodent Ces rudes gastéropodes, Selon les lois d’un « farci » D’essence supérieure, En les maniant de beurre, Force épice, ail et persil ;
Ma foi, leur chair élastique Devient assez sympathique. - Tout dépend de la façon - Ici, plus qu’ailleurs, j’estime Que c’est la sauce qui prime Et fait passer le poisson.
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