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| LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT | |
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Auteur | Message |
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Lucienne MARTEL
Messages : 3013 Date d'inscription : 14/10/2015 Age : 70 Localisation : LIMOUX
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Sam 27 Jan - 6:51 | |
| Bonjour André : Monsieur Ponchon est excellent et j'adore en particulier ce quatrain, lequel je verrais bien, un peu transformé, dans un poème érotique !!!! "Tout aussitôt les lourds épis Réveillés, sans plus de répits, Gonflés de sèves, Se tiendront droits comme des glaives..." Merci de ce divin nectar pour les passionnés de Dyonisos. Belle journée et gros bisous | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| | | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 29 Jan - 10:20 | |
| Raoul PONCHON
SONNET DE L’AMOUR SANS PHRASES
Et puis l’Ennui nous vint qui fana sous ses doigts Notre Amour, cette fleur absurde et printanière Éclose souviens-toi, boulevard Poissonnière, Quand les nids commençaient à chanter sous les toits.
On s’est bien aimé deux — à n’en plus finir — mois. Moi d’après ma façon, toi selon ta manière. Deux mois ! Ce n’est pas rien pour ma moelle épinière, D’autant que l’on comptait trente et un jours, je crois. L’amour a son mystère et le cœur ses abîmes. Je ne me souviens plus sur quel mot nous rompîmes, Mais je suis bien certain que ce fut galamment,
Sans phrases de dépit, sans nous faire de scènes : Tandis que tu partais au bras d’un autre amant, Pour Auteuil, je prenais l’omnibus de Vincennes.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 30 Jan - 20:54 | |
| Raoul PONCHON
LE SENS DE L’HEURE
Le Voyageur. — Le train de 8 h. 47 ? s. v. p. Le Chef de Gare. — Oh ! vous avez le temps. Il n’est que 9 h. 15.
Je le dis tout à trac, je considère comme Une calamité Que l’on soit à ce point rebelle à ce qu’on nomme La ponctualité.
N’importe où vous allez — mettons dans une gare — On vous dit : tel train part À sept heures vingt-cinq, qui souvent ne démarre Qu’à huit heures un quart.
Ou bien, vice versa : l’on en attend un autre, Annoncé pour midi, Qui n’arrive… jamais. Et telle est l’humeur nôtre, Que l’on lui fait crédit. Au théâtre… voyez… c’est la même romance : Vous avez remarqué Qu’il est rare de voir spectacle qui commence Dans l’instant indiqué.
Qu’est-ce que c’est que ça que telle heure précise, Chez nous ? Vous savez bien Que cette heure précise est une heure indécise, Et qui ne rime à rien.
Ils vous répondent tous, directeurs, chefs de gare… Que si, par un hasard, Ils étaient ponctuels, c’est le public ignare Qui serait en retard !
Il en va tout ainsi quand vous allez en ville, Dîner chez l’habitant. C’est bien plus grave. Ici, la négligence est vile. On voit, à chaque instant,
Un repas n’être prêt, convenu pour huit heures, Qu’à neuf heures un quart, On vous dira pour des raisons supérieures ?… Peste de ces écarts !
Vous maugréez tout bas. Vous avez une envie Folle de vous enfuir. Quand on vient annoncer que Madame est servie, Loin de vous réjouir, Vous admirez bientôt que le potage est tiède. Autre horrible détail : Le gigot archicuit, qui plus tard lui succède, N’est même pas à l’ail !
Mais laissons ces horreurs. Parmi vos connaissances, Je serais étonné, S’il en est bien beaucoup ayant la conscience Du rendez-vous donné.
Celui-ci vous dira : toi qui n’as rien à faire, Tu peux m’attendre un peu. Celui-là, qu’il demeure en un autre hémisphère, Au tonnerre de Dieu…
Ou… votre montre avance… il faut y prendre garde. Jamais il n’avouera Que c’est peut-être bien la sienne qui retarde, Le triple scélérat !
Je n’en retire rien… c’est la pire crapule. Il peut épiloguer Tant qu’il voudra, celui qui n’a du tout scrupule De me faire droguer.
J’estime les instants, que le souverain Maître M’accorde, tout aussi Précieux que les siens. Il dira non, peut-être. Et moi je dis que si. Il n’est, à mon avis, qu’un seul être sur terre, Un seul, de qui j’admets L’inexactitude, et c’est mon propriétaire. Mais il ne l’eut jamais.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Dim 4 Fév - 19:31 | |
| Raoul PONCHON
SUR MON PORTRAIT PAR CAPPIELLO
Cappiello, mon bon ami, Ce portrait, dessiné trop vite, Ne me ressemble qu’à demi, Bien que le génie y palpite.
Vraiment, par le Dieu d’Isaac Je ne croyais pas, je te jure, Ressembler autant à Reinach, Cela lui soit dit sans injure.
Je sais bien que tu me diras : « On ne se connaît pas soi-même ». Mais, franchement, suis-je aussi gras ?.. J’en aurais une peine extrême. Sans être maigre comme un loup, J’attends que la graisse me vienne ; Je bedonne un peu, voilà tout, C’est rapport à mon hygiène.
Je n’ai pas ce cou de taureau, Dont se prévaudrait un hercule ; Sur un corps de mon numéro Ce serait plutôt ridicule.
Tu me fais des mains d’assassin, Moi, de qui les doigts sont si vagues, Qu’à peine, et malgré mon dessein, Je les puis illustrer de bagues.
Mais, qui m’a le plus contristé, Vois-tu, dans ta caricature, C’est l’air dur que tu m’as prêté. Il n’est du tout dans ma nature.
D’abord, je n’ai pas, tant s’en faut, La moustache aussi provocante ; Avec ces crocs à la prévôt, J’ai l’air d’en défier cinquante.
C’est de moi beaucoup présumer, Qu’un vol d’abeilles effarouche, Et qu’une rose fait pâmer. Je n’ai pas non plus cette bouche Dédaigneuse, je te promets, Surtout quand je regarde un verre… De plus, pour personne, jamais Je n’eus le droit d’être sévère.
Et je n’ai pas non plus cet œil De magistrat dans son prétoire. Il est de bien meilleur accueil. Viens y voir, si tu n’y veux croire.
Tu ne m’as jamais abordé, Sans quoi, tu saurais que ma haine Tiendrait aisément dans un dé, Sans que cette coupe soit pleine.
Le front… est par trop important, Pour mes ordinaires pensées ; Il n’en roule pas tant et tant, Encor lui fous-je des fessées.
Le chapeau ?.. très bien, le chapeau. Le voilà tel que je le porte. Quant à l’absinthe, ô Cappiello ! Tu me l’as servie un peu forte.
Et puis, n, i, ni, c’est fini. Et je te fais une risette, Pour m’avoir, à propos, fourni Le sujet de cette gazette.
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| | | Lucienne MARTEL
Messages : 3013 Date d'inscription : 14/10/2015 Age : 70 Localisation : LIMOUX
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 5 Fév - 2:38 | |
| Bonjour André. J'ai adore ce portrait personnel à l'antithèse de celui caricatural s(il faut en croire Monsieur Ponchon. Il est malin : il a réussi à glissé son petit dé d'absinthe : très fort ! Merci et excellente journée. Bisous | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 5 Fév - 18:54 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 5 Fév - 18:58 | |
| Raoul PONCHON
UN APÔTRE
Un monsieur Grunn ayant appris Que l’alcoolisme dans Paris, Si ce n’est par toute la France, Sévissait, un beau jour, se dit : « Allons dans ce pays maudit, Pour y prêcher la tempérance. »
Bientôt, un train le déposait À Paris, soit — comme il disait Cette Babylone moderne. Là, sans qu’il perdît un instant, Il se dirigea, haletant, Vers la plus prochaine taverne, Où tout de suite, il demanda Je ne sais quel « brandy-soda » Histoire de se mettre en verve : « — Ladies et gentlemen — dit-il — Qui buvez de cet alcool vil, Quel sort l’avenir vous réserve !… »
Les clients, d’abord ahuris, L’interrompirent par des cris : « — Non… mon vieux… assez… qu’on le sorte — Tu nous embêtes, mon garçon. » Là-dessus, sans plus de façon, Le patron le mit à la porte.
« Allons — pensa-t-il — j’ai gaffé. Et puis, il changea de café. Et certainement notre apôtre. N’eut pas à le chercher bien loin, La Providence ayant pris soin De mettre un café près d’un autre.
Là, vidant « cocktail » sur cocktail. Contre l’affreux poison mortel Il reprit son réquisitoire. Mais il fut derechef semé. Et d’un pas déjà moins rythmé Il dut autre part aller boire. On le vit donc, de bar en bar, Faire le tour des boulevards, Sans pouvoir placer sa harangue ; Cependant que des « gin » hideux, Des whisky combien hasardeux Empâtaient quelque peu sa langue.
Le soir, après un bon dîner, Il résolut d’endoctriner Divers cabarets de la Butte. « J’espère — se dit-il — que là Du moins, quelqu’un me comprendra. À Montmartre on n’est pas des brutes.
Mais tôt il fut édifié. Ces dames… sexe sans pitié ! Dès qu’il avait ouvert la bouche, — Son verre une fois absorbé — Lui criaient : « Ta bouche, bébé ! À quelle heure est-ce qu’on te couche ? »
Alors, il rentra dans Paris. Et vous ne serez pas surpris, Si nous le retrouvons aux Halles, Toujours buvant, et pérorant, Devant un peuple indifférent À ses sottes mercuriales. Tant que, ce Grunn, au petit jour, Affalé dans un carrefour, Disait — la gueule « en palissandre » : « — S’il est de pires saligauds Au monde que ces Parigots, Je veux qu’on me réduise en cendre ! »
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Jeu 8 Fév - 19:42 | |
| Raoul PONCHON
UN APPÉTIT ROYAL
La jeune reine de Hollande Serait, à ce qu’on dit, gourmande, Sans choir dans les pires excès D’une voracité vulgaire. Voilà qui ne m’étonne guère ; Car, aussi bien, je me disais —
Sauf son respect — que si moi-même, Moine quelque peu de Thélème, Tant sobre jadis, qui depuis !… Si, me disais-je, pauvre ivrogne, Je n’ai pas obtenu ma trogne En léchant des cordes à puits ; De même, elle, si grassouillette, Si bien en point, si vermeillette, Je veux croire que ce n’est pas D’un hareng-saur, d’une sardine, Qu’elle déjeune et qu’elle dîne. Elle fait donc ses six repas,
Par jour ! Et l’on la dit friande De saine et de robuste viande, — Sans croire pour cela déchoir — En l’arrosant de vin de France, Qu’elle absorbe, de préférence, Pur, le matin, sans eau, le soir,
Ainsi que fait toute personne Digne de ce nom, qui raisonne, Aimant la table et son confort. Et, qu’est-ce donc que l’on m’assure C’est, qu’au dessert elle se cure Les dents avec un pied de porc…
Mais sans doute l’on exagère. Qui veut, parlant à la légère, Trop prouver, il ne prouve rien. Quoi qu’il en soit, ce fier régime Me paraît excellentissime, Car elle se porte fort bien. Et, qui l’en blâmerait, la chère Enfant, d’aimer la bonne chère ?… Ces conducteurs de nations, Ces chefs d’État et ces dynastes, Malgré leurs pompes et leurs fastes. Ont-ils tant de distractions ?
En définitive, j’estime Qu’un monarque est plus magnanime, Qui jouit d’un bon appétit ; Cependant que d’un autre prince, N’ayant qu’un estomac fort mince, Je me méfierais un petit !
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| | | Lucienne MARTEL
Messages : 3013 Date d'inscription : 14/10/2015 Age : 70 Localisation : LIMOUX
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Sam 10 Fév - 5:29 | |
| Bonjour André. J'aime beaucoup ce portrait gastronomique. Monsieur Ponchon avait un immense vocabulaire culinaire et en usait fort justement. A l'époque des Grands, les plaisirs étaient de bonne chère : ils n'avaient pas d'autre dilettante que de se mettre à table en orgie de victuailles pendant des heures Merci et bisous | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| | | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 12 Fév - 12:43 | |
| Raoul PONCHON
UN GRAND D’ESPAGNE
Ô mon gosier, prépare-toi À recevoir d’une galante Façon le merveilleux convoi D’une bouteille d’Alicante.
Voici venir, ô mon gosier, Un vin d’or parfumé de roses, Fils du Soleil, ce grand sorcier Qui fait un tas de bonnes choses. Ô mes lèvres, entr’ouvrez-vous. Mes dents, alignez vos rangées ; Je m’en vais le boire à genoux, À toutes petites gorgées.
Ce prince, en habit de velours Est un bougre de conséquence, Tâchez de lui faire un discours, Ô ma bouche, plein d’éloquence !
Je veux qu’il trouve en mon palais Une réception royale. Vous, ma langue, rubis balais — Vous allez baiser sa sandale.
Dans mon magnifique estomac Il aura la plus belle chambre ; Je l’encenserai de tabac, De tabac doré comme l’ambre.
Sa noblesse de bon aloi S’est montrée en mainte campagne. Il se couvre devant le roi, C’est un des plus grands… crus d’Espagne.
En se voyant si bien logé, Bu de façon si méritoire, Comme il a beaucoup voyagé Il nous contera quelque histoire. Écoutez son parler charmant, Déjà, mes oreilles, il jase ; Mes yeux, voyez ce diamant Qui luit à son flanc de topaze.
Est-il plus suave parfum, Où trouver un regard plus tendre ? Mais, cher prince, pardonnez, un Peu plus je vous faisais attendre.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 14 Fév - 21:02 | |
| Raoul PONCHON
UN MIRACLE
Sur une route interminable, Et par un soleil qui chauffait Dieu sait !… j’allais, flapi, minable, Mourant de soif. Et j’avais fait
Déjà maint et maint kilomètre, Sans rencontrer un cabaret. Tu m’entends, Saint-Amant, mon maître ! Qu’en dis-tu, son ami, Faret ?
Et, devant mes yeux de presbyte, Pas un toit, pas une maison ! C’est ici que le Diable habite — Pensais-je, avec quelque raison. Enfin, pour comble de disgrâce, Je voyais au loin des rustauds Grouillant, de terrasse en terrasse, Qui vendangeaient sur les coteaux.
On m’eût pris avec une pelle, Tant j’étais flasque et m’affaissant, Quand j’aperçus une chapelle Dédiée au grand Saint Vincent.
Devant son image rustique, Courbant le plus chauve des fronts, Je lui dis d’une voix mystique : « Ô bon patron des vignerons !
Du haut de la voûte éternelle, De grâce, prends pitié de moi. Tu sais que je suis ton fidèle, Tu connais mon culte pour toi.
J’ai là, vois-tu, comme une racle Dans le gosier — ça n’est pas gai. Fais, en ma faveur, un miracle. Et, quand ici je reviendrai,
Je te promets un fameux cierge : Indique-moi de quel côté Se trouve la plus proche auberge, Où te porter une santé. » Alors, voilà bien le prodige : Le saint me tendit un flacon… Je l’ai vu de mes yeux — vous dis-je Un flacon de vin rubicond !
Ce vin me parut sans nuance, Un peu dur… ce qui m’épata, Étant donné sa provenance. N’importe ! il me réconforta.
C’est donc avec plus de courage Que je poursuivis mon chemin, Jusqu’à l’auberge d’un village Où je fus bientôt, verre en main.
Là, se trouvaient en train de boire, Quelques vignerons du pays, À qui je contai mon histoire. Tout d’abord je les ébahis.
Puis l’un d’eux se mit à me rire Au nez : « Eh bien, vrai ! mon ami — Fit-il — permets-moi de te dire Que tu n’es pas « jeune » à demi.
« Tu sauras que c’est la consigne, Chez nous, je dis plus, le devoir, D’offrir au patron de la Vigne Le premier vin hors du pressoir. « C’est ainsi que cette bouteille, Que tu bus comme un innocent, Aujourd’hui — c’est moi qui, — la veille, L’avais offerte à Saint Vincent. »
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 16 Fév - 12:44 | |
| Raoul PONCHON
VA DONC, EH, LA PUDEUR
Était un’ fois quatr’ modèles, Sarah, Suzanne, Manon, Et la quatrième d’elles C’était Yvonne son nom.
L’une châtain, la seconde Rousse comme du pain cuit ; Si la troisième était blonde, La der on eût dit la nuit. Et chacune était très belle, L’une et l’autre étant bonne à Tout faire en tant que modèle, Chez Henner ou chez Bonnat.
Elles posaient la Madone Ou la mère de l’Amour, Ou bien ta « fin, Babylone », Sinon Ève au premier jour.
Un beau jour, on les invite À ce bal dit « des Quat’-z-Arts » ; Elles acceptent bien vite ; S’amuser ! par quel hasard !…
— Puisque nous som' des modèles, Que nous travaillons pour l’Art, Il faut mettre, disent-elles, Un costume un peu flambart.
La première s’était mise Simplement, sans falbalas, N’ayant rien qu’une chemise Qu’elle portait sur son bras.
La deuxième était vêtue D’une rose dans la main ; On eût dit une statue Qui doit s’habiller demain. La troisième, ah ! la troisième ! Fallait la voir, voyez-vous ; Elle avait — Dieu, que je l’aime ! — Des anneaux d’or aux genoux.
La der avait un costume Quelque peu… zizi panpan : Dans les cheveux une plume Que l’on veut croire de paon.
Au bal on leur fit des fêtes À peine franchi le seuil ; Elles étaient si bien faites Qu’on se rinçait — combien ! — l’œil !
Tout à coup passe un vieil homme, Un vieil homme pas très beau ; Il ne tenait pas de pomme, Mais à la main son chapeau…
Il accoste la première Et lui demande pourquoi Cette toilette légère ? Elle répond : Quoi ! de quoi ?
Sache que je suis modèle, Ce qui fait que mon métier Est — d’autant que je suis belle — De montrer mon corps entier. Il demande à la seconde : — Et toi ? — Moi, vilain magot, C’est parce que je suis blonde Et qu’il fait bigrement chaud.
Il demande à la troisième : — Pourquoi si peu te vêtir ? Elle dit : — C’est un problème Que je ne puis définir.
Il interroge l’ultime Qui dit : — Moi, c’est différent, J’ai pas même le centime Qui commencerait un franc.
Alors, lui, pris d’un beau zèle, Prit aussitôt huit mouchoirs Dont il cacha de nos belles Les huit seins qu’il ne put voir.
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| | | Lucienne MARTEL
Messages : 3013 Date d'inscription : 14/10/2015 Age : 70 Localisation : LIMOUX
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Dim 18 Fév - 3:40 | |
| la chute est excellente. Nous avons à faire avec un vieux pudibond qui ne souffre la nudité de ces quatre demoiselles. Mais huit mouchoirs c'est peu pour se couvrir en entier. j'aime beaucoup. Bisous | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 19 Fév - 17:59 | |
| Raoul PONCHON
VERS DE NOËL
Au diable la poésie, Mon ami Ponchon, Mangeons avec frénésie Du rose cochon.
Est-ce que Noël, poète, Ô fleur des couyons, N’est pas la plus belle fête, Dis ? que nous ayons ? En se montrant sur la paille Tel un fin jambon, Jésus dit : « Faites ripaille, Le moment est bon.
Seigneurs ou pauvre canaille, En ce jour divin Mangez de la cochonnaille Et buvez du vin :
Le vin réchauffe et l’eau mouille. » Il dit, et soudain Des kilomètres d’andouille Et de noir boudin
— Ainsi fait la folle vigne — Fleurissent partout. Ô spectacle vraiment digne, Consolant surtout !
Du salon jusqu’à l’office, En chaque maison Ce n’est que de la saucisse Et du saucisson.
Des charcutiers admirables Le galant métier ! En est-il de plus aimables Dans le monde entier ? Maîtres qu’un lard pur enflamme, Ils font de leurs doigts Tout ce qu’ils veulent, madame, Tant ils sont adroits ;
J’en prends à témoin quiconque ! Ces braves gens-là Prennent un cochon quelconque Et disent : « Voilà.
Voilà mille bonnes choses, Pâtés, jambonneaux, Voici des lis et des roses, Mes petits agneaux. »
Par la papale fressure ! Avec — (ça c’est beau !) Du cochon, je vous assure, Certains font du veau.
À cette époque de joie Que nous célébrons, On voit d’elle-même l’oie Chier des marrons.
La dinde, sombre tartuffe Ordinairement, Court au-devant de la truffe — Fer de cet aimant ! — Les bouteilles toutes seules Montent l’escalier, Ivres de rincer nos gueules Et notre gosier.
Les rouges rôtisseries Flambent ; le mois d’août N’a pas plus de pierreries. C’est beau comme tout.
Les huîtres — moules du riche — Jusqu’à cette nuit Dans le sein de la bourriche Ont bâillé d’ennui.
Huîtres, ne pleurez pas, folles Que vous êtes, car Vous ferez des cabrioles Ce soir, sur le tard !
De la cave à la cuisine Je vois tout en l’air, Les jambes de ma cousine Tout d’abord, c’est clair.
Ah ! s’il ne faut que bien boire Et que bien manger Pour complaire au dieu de gloire, Je vais y songer. Pour l’instant je n’ai pas — diable ! Le moindre appétit, Mais l’appétit vient à table Petit à petit.
Je veux que ce soir ma bouche Fatigue ma main. À Noël je ne me couche Que le lendemain.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 20 Fév - 19:36 | |
| Raoul PONCHON
LA VIERGE EN BOUTEILLE
À Édouard Conte.
Une vieille femme de Perpignan prétend que la Vierge lui apparaît dans une bouteille d’eau de Lourdes.
Tais-toi, vieille pucière, Exécrable sorcière, Ta raison fait dodo… Voir la Vierge Marie Dans ta saloperie De bouteille d’eau ! d’eau !!…
Mais outre, pauvre gourde, Que, fût-elle de Lourdes, Une bouteille d’eau Est encor plus stupide Qu’une bouteille vide, S’il se peut. — Secundo, Sache qu’une bouteille N’est, sans du jus de treille, Qu’un récipient vain. Pour qu’elle soit chrétienne, Il faut qu’elle contienne Superbement du Vin !
C’est là, tu peux m’en croire, En ce séjour de gloire, Que, trônant au milieu, Tu vois, non la Madone, — Qu’elle me le pardonne — Mais bien le Seigneur Dieu !
Pour quant à ta bouteille, En dépit, sotte vieille, De tout l’Épiscopat, Il n’y saurait paraître Que le Diable, ton maître, T’appelant au Sabbat.
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| | | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 27 Fév - 11:23 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 27 Fév - 11:23 | |
| Raoul PONCHON
LE VIN DE MON AMI
Ah ! sapristi ! le bon vin D’où qu’il vînt, Ami, que tu m’as fait boire ! Quand il viendrait du Brésil, Je dis qu’il Est digne du Saint Ciboire.
Est-il de belle couleur ! Quelle fleur Lui peut être comparable ! Un rubis auprès de lui N’est que nuit, Tout parfum, que misérable. Il est frais entre les dents, Et dedans La gorge il met de la joie, De même qu’il rend au cœur Sa vigueur, Sans inquiéter le foie.
Il n’est pas de ces vins fous. Lesquels vous Flanquent d’abord une tape. Pacifique et naturel, Il est tel, Qu’il somnolait dans la grappe.
Ses éléments éthérés, Par degrés, Montent, par lente poussée, Mais ne prennent pas d’assaut, En sursaut Le palais de la Pensée.
C’est un paisible et serein Souverain, Qui, dans sa cour enchantée, Avance à pas de velours, Si peu lourds Qu’on ne s’en peut faire idée. Pourtant, à son pas discret, On dirait Que ses courtisans s’éveillent Qui dormaient en l’attendant… Dans l’instant S’éveillent et s’émerveillent.
Et lentement, et petit À petit, Les rythmes, comme des pages, Commencent à frétiller, Babiller, Et mènent de grands tapages.
Un rêve dans mon cerveau, Tout nouveau, Se lève comme une aurore, Plus ingénu mille fois, Qu’en les bois, Une fleur qui vient d’éclore,
Et voici que mon esprit S’attendrit Sur nos misères humaines, Et que je dis des méchants : Pauvres gens ! Pitié pour ces phénomènes !
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 28 Fév - 12:13 | |
| Ce Ponchon était un phénomène...son poème parle du vin mieux que d'une belle femme ! C'est de l'amour incontestable ! | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Jeu 1 Mar - 19:37 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Jeu 1 Mar - 19:39 | |
| Raoul PONCHON
LE VIN DU PAPE Il y a, paraît-il, dans les jardins du Vatican, une vigne qui fournit quelques hectolitres de vin que le Pape vend, chaque année, à des communautés religieuses. Ce pape-là me renverse, Qui, dans un accord divin, Sait joindre à son saint commerce Celui de marchand de vin.
Je ne sais rien de plus digne : Répandre sous le ciel bleu L’auguste sang de la Vigne, Avec le verbe de Dieu !
Mais laissons là le pontife. Parlons du marchand de vin. Une chose m’ébouriffe Toujours d’un marchand de vin ;
Et je me demande, comme Le sage Khèyam, souvent, Quoi peut acheter cet homme De meilleur, que ce qu’il vend ?
Écoutez, buveurs insignes ! Vous auriez cent fois juré Que le Pape avait des vignes Superlatives… pas vrai ?
Et pour tout dire, papales, Capables d’un vin en or, Dignes de Sardanapales, Non seulement, mais encor
De son sacro-saint ciboire ! Si bien que vous vous disiez : Dieu ! que l’on voudrait en boire ! En tapisser son gosier !
Or, sa vigne est ridicule, Chétivement elle croît Dans le vague crépuscule D’un bâtiment morne et froid,
Et le long d’un mur morose Comme un air d’accordéon. Autant vouloir qu’une rose Fleurisse dans l’Odéon.
Il en tire quelques litres D’un vin âpre, aigre, dur, sûr À faire grincer les vitres, À déconcerter l’azur ;
Une piquette hérétique, Un infâme reginglard, Sans âme, sans esthétique, Sans rien là, comme Abélard.
Et propre à salir la nappe Tout au plus, d’un cabaret ; Jamais le gosier d’un pape Ne s’en accommoderait.
N’en voulant pas pour sa table, C’est bien pourquoi — nous dit-on Il vend ce vin impotable, Pour s’en acheter du bon.
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| | | Lucienne MARTEL
Messages : 3013 Date d'inscription : 14/10/2015 Age : 70 Localisation : LIMOUX
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 2 Mar - 4:26 | |
| Excellent. Ce Monsieur Ponchon a une verve poétique qui me plaît. Je sens dans ses mots qu'il avait un réel penchant pour ce nectar et tout ce qui tourne autour. Par contre la piquette du Papa ne fait pas fureur. Vendue pour acheter du meilleur n'est pas digne d'une personne religieuse qui devrait, à mon avis, en faire don à ses fidèles ou s'en servir comme vin de messe. merci André e ces posts fort intéressants.. Bisous à toi | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 2 Mar - 19:26 | |
| - Lucienne MARTEL a écrit:
- Excellent. Ce Monsieur Ponchon a une verve poétique qui me plaît. Je sens dans ses mots qu'il avait un réel penchant pour ce nectar et tout ce qui tourne autour. Par contre la piquette du Papa ne fait pas fureur. Vendue pour acheter du meilleur n'est pas digne d'une personne religieuse qui devrait, à mon avis, en faire don à ses fidèles ou s'en servir comme vin de messe. merci André e ces posts fort intéressants.. Bisous à toi
Bonsoir LUCIENNE,
PONCHON est souvent excessif quand il pense détenir la vérité (sa vérité). Mais il faut reconnaître qu'il est tellement authentique et naturel dans son écriture, que cette petite charge à son endroit est largement compensée par son talent de plume.
Voici, ci-dessous, un autre de ses poèmes sur le vin . Plus satirique, cette fois, et qui lui a valu une réponse tout aussi inspirée. Mais quand il tenait le "morceau", le Raoul, il ne le lâchait pas facilement.
DE GROS marseillais.
Excellent week-end, LUCIENNE.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 2 Mar - 19:35 | |
| Raoul PONCHON
LE VIN SUISSE
Il paraîtrait que les Anglais, Dont on connaît la tempérance, Pour se venger de nos pamphlets, Ne veulent plus des vins de France !
Ni Bourguignon, ni Bordelais. Je veux que m’emporte le Diantre, S’ils ne boudent pas leur palais, S’ils n’en veulent point à leur ventre.
Nos vins généreux et subtils, Ils vont nous les laisser pour compte, Ils ne boiront plus — disent-ils — Que du Vin Suisse, à notre honte. Je ne sais si vous avez bu Jamais du vin de l’Helvétie, Ou seulement même entrevu ? Quant à moi, je vous remercie…
N’en déplaise au docteur Pelet, Qui l’insinue à ses victimes, C’est un vin quelconque, incomplet, Sans nulles qualités intimes.
Il est lunaire, sépulcral, Et de dégustation brève ; Aussi vague que l’amiral Croisant sur le lac de Genève.
C’est à boire du « Cortaillod » Et du « Vinzel » et de l’ « Yvorne », Peut-être bien qu’Édouard Rod Est, en somme, un auteur si morne.
C’est grâce à son vin malplaisant Que la Suisse est pauvre en esthètes, Et qu’on trouve si peu d’accent Aux meilleurs chants de ses poètes.
__________________
RÉPONSE DU POÈTE TISSOT dans un Journal Suisse.
Monsieur Ponchon, dans son « Journal » Dénigre les vins Helvétiques. Il faut croire que l’animal N’en a jamais bu d’authentiques. Il plaisante le « Dézaley » Et se gausse de nos « Yvornes ».
Qu’il vienne donc dans nos caveaux, Tâter un peu de nos bouteilles. Il verra bien si ses Bordeaux Valent le nectar de nos treilles,
Il jugera si nos « Cully » Méritent ses calembredaines Et je l’attends aux clairs « Vinzel » Aux « Féchy », au doux « Villeneuve ».
C’est ce vin-là, méchant vantard, — On en garde ici souvenance — Qui jadis sauva vos lignards Par l’Allemand chassés de France. _________________
RÉPONSE DE PONCHON au poème de TISSOT
Ne fais donc pas tant de musique. Voui, mon vieux Tissot, j’en ai bu Du vin Suisse, et de l’authentique. Et j’en suis encore fourbu.
Je l’ai dit et je le répète : Qu’il soit du Vaud ou du Valais, Ton pinard ne vaut pas tripette, C’est le pire des reginglets. Que dis-je ? il rend bête. Et, la preuve Est pour moi faite à tout jamais De sa non-vertu. Je la treuve Dans cette rage où tu te mets.
Je ne me mets pas en colère, Moi. Je te le dis sans accès De fureur : ton vin ne peut plaire À mon estomac de Français.
Tes « Neuchâtels » et tes » Yvornes » Sont aussi plats que des valets ; Et tes « Villeneuve » sont mornes Comme les crétins du Valais.
Au « Montreux » que chante ta lyre Je préfère l’eau de Vichy. Je n’ai pas besoin de te dire Quoi me font faire tes… « Féchy ».
C’est du jus de queue de cerises, Tes « Pully » comme tes « Cully ». Autant vaut qu’on se gargarise Avec l’air de Funiculi…
Ton « Vinzel » n’a pas raison d’être. Quant à ton triste « Dézaley » Il est bon, au plus, pour y mettre Une morue à dessaler. Où tu perds quelque peu la tête, Mon vieux Tissot, c’est quand tu dis Qu’à l’heure de notre défaite, En dix-huit cent soixante-dix,
Votre vin sauva du naufrage Nos malheureux petits lignards. Outre que tu tiens un langage Peu généreux à tous égards ;
C’est précisément le contraire. Car, si je suis bien renseigné, Il acheva ceux que la Guerre Avait jusqu’alors épargnés. _________________
Dernière édition par André Laugier le Mer 7 Mar - 12:30, édité 1 fois | |
| | | Lucienne MARTEL
Messages : 3013 Date d'inscription : 14/10/2015 Age : 70 Localisation : LIMOUX
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Sam 3 Mar - 4:20 | |
| Bonjour André. Il est excellent cet échange. Chacun défend fort bien son domaine vinicole à fortes doses d'appellations et de millésimes inconnus pour moi. Par ce partage de poèmes spécifiques, ils ont fait chacun une sacrée publicité à leur région, mine de rien ! j'ai adoré et j'en reprendrais bien une petite goutte !!! Merci, je me suis régalée de cet échange poétique. Bisous | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 7 Mar - 12:41 | |
| - Lucienne MARTEL a écrit:
- Bonjour André. Il est excellent cet échange. Chacun défend fort bien son domaine vinicole à fortes doses d'appellations et de millésimes inconnus pour moi. Par ce partage de poèmes spécifiques, ils ont fait chacun une sacrée publicité à leur région, mine de rien ! j'ai adoré et j'en reprendrais bien une petite goutte !!! Merci, je me suis régalée de cet échange poétique. Bisous
Bonjour LUCIENNE,
Presque en toute occasion, PONCHON avait cette capacité, quelle que soit la situation, à répondre de façon rapide et pertinente avec humour à toutes les remarques qu'on pouvait lui faire.
L’art de la réplique n’est pas donné à tout le monde. C’est une sorte de "ping-pong verbal" qui exige rapidité et frappe au cœur. Il n'était, en tout cas, si l'on en juge par ses correspondances multiples avec ses adversaires ou détracteurs, jamais pris de court.
UN GRAND MERCI pour toutes tes appréciations.
DOUCE JOURNÉE ET UN TOURBILLON DE marseillais.
CARPE DIEM
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 7 Mar - 12:44 | |
| Raoul PONCHON
VIVE L’EAU
Je t’ai maudite bien des fois, Eau du ciel, en mon ignorance ; N’ayant guère de déférence Sinon pour le vin que je bois.
Ce soleil qui nous tyrannise, Certes, fera du vin coté ; Mais plus nombreux il eût été, S’il eût plus plu, qu’on se le dise.
Hélas ! cette eau nous fait défaut Depuis la saison printanière, Et pourtant, de toute manière, Il faut de l’eau, si trop n’en faut. Sans eau, que deviendrait la Vigne ? — Vive la Vigne ! mes amis. — Rien que d’y penser, j’en blêmis, Et du même coup je me signe.
Sans eau, l’on verrait avant peu Ses gracieuses branches tortes, Ainsi que des couleuvres mortes Se vider sous un ciel de feu.
Sans eau, plus de rouges automnes ! Partout en France, c’est la nuit. Plus de vendanges ! tout est cuit. Plus de vin chantant dans les tonnes !
Adieu les fastueux coteaux, Pourpre et or ainsi que des chapes ! Autour des ceps non plus de grappes Que sur des manches de couteau.
Plus de cabarets sous les treilles ! Et que boiriez-vous, dites-moi, Ivrognes de malheur ? Et quoi Mettriez-vous dans les bouteilles ?
Crions donc en chœur : Vive l’eau ! L’eau dont le bon Soleil lui-même Consent à faire son carême, Pour nous la rendre en picolo. Vive l’eau courante des fleuves ! L’eau qui sommeille au fond des puits, La rosée intime des nuits, La pluie animant les fleurs neuves !
Vive l’eau des lacs, des ruisseaux ! L’eau des fontaines, l’eau des sources, Où, la nuit, vont boire les ourses, Et, le jour, les petits oiseaux !
Vive l’eau, là-bas, vers les saules, Qui baigne avec amour les lis Et les roses de nos Philis. C’est même un de ses plus beaux rôles.
Oui, que l’eau vive à tout jamais ! Je sais qu’elle se meurt de honte D’être l’eau, mais au bout du compte, La malheureuse n’en peut mais.
Il faudrait être plein de vice Pour ne la point prendre en pitié. Moi, qui ne l’aime qu’à moitié, Comme elle rend quelque service,
Je jure sur mon lavabo, Devant le Seigneur qui m’écoute, D’en boire parfois une goutte, Quand il pleuvra sur mon tombeau.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Dim 11 Mar - 10:31 | |
| Raoul PONCHON
LE VOL DE LA « JOCONDE »
À Léopold Stevens
Dès qu’il sut que la Joconde, La merveille sans seconde Du Louvre avait disparu, Lépine, avec sa cohorte De sbires de toute sorte, Aussitôt est accouru,
Suivi de Monsieur Homolle, Œil inerte et jambe molle, Et de Dujardin-Beaumetz, Qui des Beaux-Arts est le prince, Et revenu de province Tout exprès par train express. Et puis ce fut Bénédite. Et quand toute cette élite, Y compris Steeg et Hamard, Fut devant le panneau vide, Elle demeura stupide, Dardant des yeux de homard.
« Ah ! mon Dieu ! Quel vol macabre ! Voilà qui m’abracadabre — Disait Dujardin-Beaumetz, En son langage d’esthète — C’est à se mâcher la tête ! O tempora ! o mores ! »
« Je le dis sans réticence, C’était de la quintessence De peinture — affirmait Steeg — Cette Joconde maudite. » « Fichtre ! — ajoutait Bénédite — Vous pouvez dire un Liebig ! »
« Hé ! messieurs, — leur dit Lépine Ce vol aussi me chagrine ; Mais nous gémirons plus tard. Fouillons tout d’abord le Louvre Il se peut qu’on La découvre. » — « Parfaitement », — fit Hamard. Donc, des semaines entières, Des sous-sols jusqu’aux gouttières, Ils farfouillèrent partout, Et firent des découvertes Suggestives, à quoi, certes, Ils ne s’attendaient du tout.
C’est ainsi qu’à chaque étage, Ils trouvèrent des ménages De concierges, retraités Depuis le second Empire ; Et, ce qui leur sembla pire, Des veuves de députés.
Ils rencontrèrent encore, À l’ombre d’un sycomore, Un jardinier sur les toits, Qui, tout en fumant sa pipe, Souriait à ses tulipes, En ramant ses petits pois.
Puis ce fut une fabrique De brosses en poils de brique ; Et du charbon et du bois ! À confondre la pensée, De quoi rôtir le Musée Septante fois et sept fois !
Enfin, ô comble des combles ! Ils notèrent sous les combles, Entre autres objets divers, Tels ceux de la foire aux puces, Emmi des chaussettes russes, Des tableaux mangés aux vers…
De Joconde, nulle trace. Ils allaient quitter la place, Quand ils virent tout à coup Le cadre de cette « Lise » : « Oh ! — dit Hamard — bonne prise ! Nous n’aurons pas perdu tout. »
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