Statistiques | Nous avons 52 membres enregistrés L'utilisateur enregistré le plus récent est norbert
Nos membres ont posté un total de 29448 messages dans 4654 sujets
|
|
| LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT | |
| | |
Auteur | Message |
---|
Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 24 Oct - 17:18 | |
| Ils ne se privent pas de mots crus et gros mots !!! Des histoires drôles, écrites en vers comme il faut en font d'excellents moments de plaisir ! merci André. | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 24 Oct - 18:55 | |
| | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 26 Oct - 11:37 | |
| Raoul PONCHON
LE CORSET DE LA POMPADOUR
Si c’est moi qui me trompe, Alors, qu’on m’interrompe. Je dis que les journaux Perdent leurs éloquences Dans le temps des vacances Et deviennent banaux,
Vides et creux, ineptes. - Toutefois, j’en excepte Le dénommé Journal, Lequel, avec des princes Tels que moi, des moins minces Ne saurait être anal.
Mais vraiment, pour le reste, S’y trouve-t-il un zeste, Un fifre d’intérêt ? La substance en est lâche, L’esprit y fait relâche, Ou, comme qui dirait,
La vie, en quelque sorte, N’y vit plus, elle est morte, Et cela tient à quoi ? A cette chaleur sombre De trente-six à l’ombre ?… Sans doute. Quant à moi,
Je dis et je répète : Non, vraiment, c’est trop bête Que les journaux, l’été. Je reçois cent gazettes, Des jeunes et des blettes, C’est la vacuité.
Je chausse mes bésicles, J’y lis tous les articles Jusqu’au nom du gérant ; Et toutes les rubriques… Autant mâcher des briques, C’est bien plus restaurant.
En vain, je me consume A donner de la plume De pauvre gazetier Une ombre de pâture, Un motif d’écriture… Ah ! qué fichu métier
D’exercer sa loquette Sur la chose actuelle ! En faut de la santé. Hé ! puis-je faire naître, En ouvrant ma fenêtre, De l’actualité ?
Une affaire bitrange En ce moment dérange Le cerveau de Paris ; Mais, devant qu’elle gagne Le mien, à la campagne, Mes cheveux seront gris.
Ainsi, cette semaine, J’étais encore en peine De copie - oh, combien ! - Désespérant, pour cause, De trouver quelque chose D’assez parisien,
Quand, dans une gazette, Je lus cette chosette Digne de mon humour : Que l’on venait de vendre Un corset rose tendre De notre Pompadour !
De quelle Muse prompte, En rimerait le comte Robert de Montesquiou ! A côté de ce maître, Je ne puis me permettre De gonfler mon biniou.
Faites-moi donc, quand même, En ce jour de carême, Parler de ce corset ; J’en ai peut-être à dire Quelque peu sur ma lyre : On ne sait pas… qui sait ?…
Ce corset de mérite De notre favorite, - Si j’en crois mon journal, - Jouissait d’une poche Devers les tétons proche… Ça n’est point tant banal.
Mais ici, je m’arrête, Car Béranger me guette. J’en ai déjà trop dit, O mes lecteurs de France, Vivez dans l’espérance, Et faites-moi crédit.
D’autant plus, par ces trente Degrés, sinon quarante, Que je deviens manchot. Je vais faire ma sieste, Et vous dirai le reste Quand il fera moins chaud. __________________
Victor HUGO
AMIS, VIVE L'ORGIE
Amis, vive, vive l'orgie! J'aime la folle nuit Et la nappe et la nappe rougie Et les chants et le bruit, Les dames peu sévères, Les cavaliers joyeux, Le vin dans tous les verres, L'amour l'amour dans tous les yeux! La tombe est noire, Les ans sont courts, Il faut, sans croire Aux sots discours, Très souvent boire, Aimer toujours! Dans la douce Italie, Qu'éclaire un si doux ciel, Tout est joie et folie, Tout est nectar et miel. Ayons donc à nos fêtes Les fleurs et les beautés, La rose sur nos têtes, La femme à nos côtés! __________________
Paul SCARRON
VOUS FAITES VOIR DES OS !
Vous faites voir des os quand vous riez, Hélène, Dont les uns sont entiers et ne sont guère blancs ; Les autres, des fragments noirs comme de l’ébène Et tous, entiers ou non, cariés et tremblants. Comme dans la gencive ils ne tiennent qu’à peine Et que vous éclatez à vous rompre les flancs, Non seulement la toux, mais votre seule haleine Peut les mettre à vos pieds, déchaussés et sanglants. Ne vous mêlez donc plus du métier de rieuse ; Fréquentez les convois et devenez pleureuse : D’un si fidèle avis faites votre profit. Mais vous riez encore et vous branlez la tête ! Riez tout votre soûl, riez, vilaine bête : Pourvu que vous creviez de rire, il me suffit. __________________
Théodore Faullin de BANVILLE (1823-1891)
BON MATIN...
Au matin, Elle entra chez Guy, Pâle, ayant pourtant l'air d'être aise, Belle, avec un air alangui, Dans sa robe couleur de fraise.
Dans la maison, qui se soumit, Elle entra comme une voisine, Et tout de suite, Elle se mit A fourrager dans la cuisine.
O doux régal que parfois j'eus! Avec de jolis airs tartuffes, Elle arrosa d'un très bon jus Des oeufs du jour, brouillés aux truffes,
Et les servit. Guy déjeuna, Trouvant le destin peu sévère. Ainsi qu'aux noces de Cana, Un vin rose empourprait son verre.
Puis, tandis qu'il en savourait Jusqu'aux dernières gouttelettes Qu'un rayon de soleil dorait, Elle servit les côtelettes.
Ayant sur ce point triomphé Sans chiffonner sa collerette, Tandis que Guy prit son café En fumant une cigarette,
Pour achever l'enchantement, Elle prit un bel exemplaire Du livre, et lut très lentement Quelques strophes de Baudelaire.
Puis elle joua du Wagner Au piano, montrant le lobe D'une oreille rose, et dans l'air Volaient les parfums de sa robe.
Elle s'agenouilla. Ses yeux Disaient toutes sortes de choses, Et Guy, se roulant dans les cieux, Baisa longtemps ses lèvres roses.
Et dans son bonheur affermi Comme un roi jeune et plein de gloire, Il égarait ses doigts parmi La grande chevelure noire.
Il planait, comme un Séraphin, Dans le ciel où tout est dictame; Puis il dit, s'éveillant enfin: Mais qui donc êtes-vous, madame?
Moi? dit-elle, s'il vous souvient De votre désir, je suis celle Que l'on attendait, et qui vient, Et dont l'oeil d'or sombre étincelle.
En ceci, rien d'original. Tout est simple, dans cette affaire. J'ai lu l'annonce du journal, Et je suis la bonne à tout faire! __________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Dim 30 Oct - 12:53 | |
| Théodore Faullin de BANVILLE (1823-1891)
LA BELLE VERONIQUE
Ce fut un beau souper, ruisselant de surprises. Les rôtis, cuits à point, n'arrivèrent pas froids; Par ce beau soir d'hiver, on avait des cerises Et du johannisberg, ainsi que chez les rois.
Tous ces amis joyeux, ivres, fiers de leurs vices, Se renvoyaient les mots comme un clair tambourin; Les dames, cependant, suçaient des écrevisses Et se lavaient les doigts avec le vin du Rhin.
Après avoir posé son verre encore humide, Un tout jeune homme, épris de songes fabuleux, Beau comme Antino Üs, mais quelque peu timide, Suppliait dans un coin sa voisine aux yeux bleus.
Ce fut un grand régal pour la troupe savante Que cette bergerie, et les meilleurs plaisants Se délectaient de voir un fou croire vivante Véronique aux yeux bleus, ce joujou de quinze ans.
Mais l'heureux couple avait, parmi ce monde étrange, L'impassibilité des Olympiens; lui, Savourant la démence et versant la louange, Elle, avalant sa perle avec un noble ennui.
L'ardente causerie agitait ses crécelles Sur leurs têtes; pourtant, quoi qu'il en pût coûter, Ils avaient les regards si chargés d'étincelles Que chacun à la fin se tut pour écouter.
-- "Vraiment? jusqu'à mourir!" s'écriait Véronique, En laissant flamboyer dans la lumière d'or Ses dents couleur de perle et sa lèvre ironique; "Et si je vous disais: "Je veux le Koh-innor?"
(Elle jetait au vent sa tête fulgurante, Pareille à la toison d'une angélique miss Dont l'aile des steam-boats à la mer de Sorrente Emporte avec fierté les cargaisons de lys!)
-- "Chère âme," répondit le rêveur sacrilège, "J'irais la nuit, tremblant d'horreur sous un manteau, Blême et pieds nus, voler ce talisman, dussé-je Ensuite dans le coeur m'enfoncer un couteau."
Cette fois, par exemple, on éclata. Le rire, Sonore et convulsif, orageux et profond, Joyeux jusqu'à l'extase et gai jusqu'au délire, Comme un flot de cristal montait jusqu'au plafond.
C'est un hôte ébloui, qui toujours nous invite. La fille d'Eve eut seule un éclair de pitié; Elle baisa les yeux de l'enfant, et bien vite Lui dit, en se penchant dans ses bras à moitié:
-- "Ami, n'emporte plus ton coeur dans une orgie. Ne bois que du vin rouge, et surtout lis Balzac. Il fut supérieur en physiologie Pour avoir bien connu le fond de notre sac.
Ici, comme partout, l'expérience est chère. Crois-moi, je ne vaux pas la bague de laiton Si brillante jadis à mon doigt de vachère, Dans le bon temps des gars qui m'appelaient Gothon!" _________________
Raoul PONCHON
LES REGIMES
Parbleu, je les trouve sublimes Et merveilleux ces médecins Qui nous prescrivent des régimes Bouillons de culture et vaccins
Chargés de partir en croisade Contre les microbes sournois, Petits vagabonds en balade, Qui se glissent en lapinois
A travers le sombre dédale Du grêle ou du gros intestin, chez lesquels ce que l'on avale A toujours le pire destin.
Nous serions tous, à les entendre De noirs foyers infectieux Pleins de bacilles à revendre... Mais comment faisaient nos aïeux ?
Je ne vois pas qu'à leur époque Ils aient vécu moins vieux que nous. Même leur souvenir évoque Des gaillards buvant à grands coups,
Se nourrissant d'un tas de choses Qu'aujourd'hui l'on nous interdit, Et qui n'avaient pas de névroses Ni estomac en discrédit.
Ils ignoraient que l'appendice Etait chez eux en supplément Et pouvait prêter préjudice Au reste de l'ameublement.
Quand ils dégustaient sans vergogne De bons vins entre compagnons, Ils ne disaient pas : " ce Bourgogne Va brûler nos pauvres rognons. "
Et certes, ils riraient bien, je pense, Car c'est un suggestif tableau, D'apprendre, que par correspondance, On met en bouteilles... de l'eau !
Or, si, sans faire un tel manège, Nos anciens se portaient fort bien, Avaient-ils donc le privilège De n'avoir rien de microbien ?
Faut-il croire que le bacille Ait attendu jusqu'à nos jours Pour venir prendre domicile Dans le ventre et ses alentours ?
Non, je crois que ces petits êtres, Intrépides explorateurs, Ont de tout temps traîné leurs guêtres Dans nos maquis intérieurs ;
Seulement on n'y songeait guère, Ils vivaient chez nous incompris ; Au lieu de leur faire la guerre, On les traitait par le mépris.
Maintenant, comme nourriture, Pour exaspérer ces intrus, On prend des bouillons de culture Plein d'innombrables détritus.
Par ordonnance, l'on consomme Du lait tourné, doux aliment, Ou le ferment du jus de pomme (N'allez pas lire : le Serment
Du jeu de Paume) ; l'eau filtrée A remplacé les vins de choix ; Et les farineux en purée, L'artichaut et les petits pois.
Enfin une chose m'épate, Tout le fait me paraît inoui : Hier on condamnait la tomate, On nous la prescrit aujourd'hui.
Hier les oeufs étaient une chose Saine... à présent on les défend, Et c'est de la tuberculose Que dans le lait gobe un enfant.
Au fond, ce n'est que de la frime, Et ceux qui suivent les avis Devraient choisir comme régime Le millet et le chènevis. __________________
Olivier BASSELIN
INSIPIDITE DE L'EAU
Ayant le dos au feu et le ventre à la table, Etant parmi les pots pleins de vin délectable, Ainsi comme un poulet Je ne me laisserai mourir de la pépie, Quand en devrais avoir la face cramoisie Et le nez violet. Quand mon nez deviendra la couleur rouge ou perse, Porterai les couleurs que chérit ma maitresse : Le vin rend le teint beau ! Vaut-il pas mieux avoir la couleur rouge et vive, Riche de beaux rubis, que si pâle et chétive, Ainsi qu'un buveur d'eau ? On m'a défendu l'eau, du moins en beuverie, De peur que je ne tombe en une hydropisie ; Je me perds, si j'en bois. En l'eau n'y a saveur ; prendrai je pour breuvage Ce qui n'a point de goût ? mon voisin, qui est sage, Ne le fait que je crois. Qui aime bien le vin est de bonne nature. Les morts ne boivent plus dedans la sépulture. Hé ! qui sait s'il vivra Peut-être encor demain ? chassons mélancolie. Je vas boire d'autant à cette compagnie : Sauve, qui m'aimera ! __________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 31 Oct - 18:33 | |
| PANARD
LA BOUTEILLE
Que mon Flacon Me semble bon ; Sans lui L'ennui Me nuit, Me suit ; Je sens Mes sens Mourants, Pesants. Quand je le tiens Dieu que je suis bien ! Que son aspect est agréable ! Que je fais cas de ses divers présents ! C'est de son sein fécond st de ses heureux flancs Que coule ce nectar si doux, si délectable, Qui rend dans les esprits tous les cœurs satisfaits, Cher objet de mes vœux tu fais toute ma gloire, Tant que mon cœur vivra de tes charmants bienfaits Il saura conserver le fidèle mémoire. Ma muse à te louer se consacre à jamais, Tantôt dans un caveau, tantôt sous une treille, Répétera cent fois cette aimable chanson : Règne sans fin ma charmante bouteille Règne sans cesse, mon cher flacon. _________________
Pierre-Jean de BÉRANGER (1780-1857)
MA GRAND-MÈRE…
Ma grand-mère un soir à sa fête De vin pur ayant bu deux doigts Nous disait en branlant la tête Que d'amoureux j'eus autre fois.
Refrain: Combien je regrette Mon bras si dodu, Ma jambe bien faite, Et le temps perdu.
Quoi! maman, vous n'étiez pas sage? - Non vraiment; et de mes appas Seule à quinze ans j'appris l'usage, Car la nuit je ne dormais pas.
Maman, vous aviez le coeur tendre? - Oui, si tendre qu'à dix-sept ans, Lindor ne si fit pas attendre, Et qu'il n'attendit pas longtemps.
Maman, Lindor savait donc plaire? - Oui, seul il me plus quatre mois; Mais bientôt j'estimai Valère, Et fis deux heureux à la fois.
Quoi! maman, deux amants ensemble - Oui, mais chacun d'eux me trompa Plus fine alors qu'il ne vous semble, J'épousai votre grand-papa.
Maman, que lui dit la famille. - Rien, mais un mari plus sensé Eût pu connaître à la coquille Que l'oeuf était déjà cassé.
Maman, lui fûtes-vous fidèle? - Oh! sur cela je me tais bien. A moins qu'à lui Dieu ne m'appelle, Mon confesseur n'en saura rien.
Bien tard mana, vous fûtes veuve? - Oui, mais grâce à ma gaîté, Si l'église n'était plus neuve, Le saint n'en fut pas moins fêté.
Maman, comment faut-il donc faire? - Eh! mes petits-enfants, pourquoi, Quand j'ai fait comme ma grand'mère, Ne feriez-vous pas comme moi? __________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Sam 5 Nov - 10:58 | |
| Georges FOUREST
LE CID
Le palais de Gormaz, comte et gobernador est en deuil : pour jamais dort couché sous la pierre l'hidalgo dont le sang a rougi la rapière de Rodrigue appelé le Cid Campeador.
Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre Chimène, en voiles noirs, s'accoude au mirador et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière regardent, sans rien voir, mourir le soleil d'or
Mais un éclair soudain, fulgure en sa prunelle : sur la plaza Rodrigue est debout devant elle ! Impassible et hautain, drapé dans sa capa,
le héros meurtrier à pas lents se promène : "Dieu !" soupire à part soi la plaintive Chimène, "qu'il est joli garçon l'assassin de papa !" _________________
Gérard de NERVAL
PETIT PIQUETON DE MAREUIL
Petit piqueton de Mareuil, Plus clairet qu'un vin d'Argenteuil, Que ta saveur est souveraine ! Les Romains ne t'ont pas compris Lorsqu'habitant l'ancien Paris Ils te préféraient le Surène. Ta liqueur rose, ô joli vin ! Semble faite du sang divin De quelque nymphe bocagère ; Tu perles au bord désiré D'un verre à côtes, coloré Par les teintes de la fougère. Tu me guéris pendant l'été De la soif qu'un vin plus vanté M'avait laissé depuis la veille ; Ton goût suret, mais doux aussi, Me rafraîchit quand je m'éveille. Et quoi ! si gai dès le matin, Je foule d'un pied incertain Le sentier où verdit ton pampre !... - Et je n'ai pas de Richelet Pour finir ce docte couplet Et trouver une rime en "ampre". _________________
Georges FOUREST
UN HOMME
Quand le docteur lui dit : « Monsieur, c’est la vérole indiscutablement ! », quand il fut convaincu sans pouvoir en douter qu’il était bien cocu l’Homme n’articula pas la moindre parole.
Quand il réalisa que sa chemise ultime et son pantalon bleu par un trou laissaient voir sa fesse gauche et quand il sut que vingt centimes (oh ! pas même cinq sous !) faisaient tout son avoir,
il ne s’arracha point les cheveux, étant chauve, il ne murmura point : « Que le bon Dieu me sauve ! » ne se poignarda pas comme eût fait un Romain,
sans pleurer, sans gémir, sans donner aucun signe d’un veule désespoir, calme, simple, très-digne il prononça le nom de l’excrément humain. __________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Jeu 10 Nov - 11:10 | |
| Ernest GLINNE
Debout, les soiffards de la terre! Sortons les chopes en étain, Le vide agite nos viscères, Eructons et faisons le plein. Du passé, faisons table rase ; Foule esclave, debout, debout! Le monde va changer d'extase Nous ne sommes rien, buvons tout.
Il n'est point de sauveur suprême, Ni dieu, ni César, ni tribun; Avaleurs, sauvons-nous nous-mêmes, Décrétons la soif en commun. Pour que le feu quitte nos gorges Du manque, écartons le fléau, Que Saint-Tempérance égorge Les imbéciles buveurs d'eau.
Hideux dans leur apothéose, Les rois de Contrex et de Spa; Ont-ils jamais fait autre chose, Que dévaliser les gagas? Dans les coffres-forts de leur banque L'argent du curiste a fondu; En tonneaux de vin qu'on leur rende Au peuple réclamant son dû.
L'état comprime et la loi triche, L'impôt saigne le bon buveur; Douanes et Assises confisquent Le droit de boire est imposteur. C'est assez languir en tutelle, Félicité veut d'autres lois; Pas de droits sans devoirs, dit-elle, Nous tiendrons nos pots pleins et droits.
Jeunes et vieux, femmes et hommes, De la treille consommateurs; Nous chantons que la vigne, en somme, N'est pas faite pour le seigneur. Car bien sur nos joies se repaissent Pour que le fisc et ses corbeaux Un de ces matins disparaissent, Conjurons-nous dans le Bordeaux. _________________
A. CLESSE
LA BIÈRE
Elle a vraiment d'une bière flamande L'air avenant, l'éclat et la douceur. Joyeux Wallons, elle nous affriande Et le faro(1) trouve en elle une sœur.
Voyez là-bas la kermesse en délire: Les pots sont pleins, jouez ménétriers ! Quels jeux bruyants et quels éclats de rire : Ce sont encor des Flamands de Teniers !,
Aux souverains, portant tout haut leurs plaintes, Bourgeois jaloux des droits de la cité, Nos francs aïeux, tout en vidant leur pinte, Fondaient les arts avec la liberté.
Quand leurs tribuns, à l'attitude altière, Faisaient sonner le tocsin des beffrois, Tous ces fumeurs, tous ces buveurs de bière, Savaient combattre et mourir pour leurs droits
Belges, chantons à ce refrain à boire, Peintres, guerriers qui nous illustrent tous, Géants couchés dans leur linceul de gloire, Vont s'éveiller, pour redire avec nous :
Salut à toi, bière limpide et blonde ! Je tiens mon verre et le bonheur en main : Ah! J'en voudrais verser à tout le monde, Pour le bonheur de tout le genre humain __________________
Pernette du GUILLET
A UN SOT RIMEUR
Tu te plains que plus ne rimasse, Bien qu'un temps fut que plus aimasse À étendre vers rimassés, Que d'avoir biens sans rime assez : Mais je vois que qui trop rimoye Sus ses vieux jours enfin larmoye.
Car qui s'amuse à rimacher À la fin n'a rien à mâcher.
Et pource, donc, rime, rimache, Rimone tant et rime hache, Qu'avecques toute ta rimaille N'aies, dont tu sois marri, maille : Et tu verras qu'à ta rimasse Comme moi feras la grimace, Maudissant et blâmant la rime, Et le rimasseur qui la rime, Et le premier qui rimona Pour le grand bien qu'en rime on a. Et tu veux qu'à rimaillerie Celui qui n'aura maille rie ?
Je te quitte, maître rimeur, Et qui plus a en sa rime heur, En rime lauds, en rime honneurs, Ensemble tous tels rimoneurs. __________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 15 Nov - 18:37 | |
| Raoul PONCHON
QUESTION PERSONNELLE
Non, mon vieux Brisson, tu t’égares, Quand tu dis que je condescends A fumer de mauvais cigares A défaut d’autres plus puissants.
Non, non. Point de de mégots vulgaires De notre régie - oh surtout ! Quand je n’ai pas de bons cigares Je n’en fume pas, voilà tout.
Si tu avais lu mon volume Où Fescelle mis tous ses soins, Sur les cigares que je fume Tu serais averti, du moins.
J’ai plus d’une fois sur ma lyre Des havanes chanté le los ; Quel crétin a bien pu te dire Que j’admettais des crapulos ?
Moi qui prétends que le cigare N’existe que s’il est parfait, Qui me ferais plutôt Bulgare Que d’en fumer un sans brevet.
Crois que j’ai souvent dans ma vie Réduit les besoins de ma chair Pour satisfaire mon envie De quelque fin puros très cher.
Sache qu’il est en Amérique, Entre la Havane et Cuba, Un pays en or chimérique Où fleurit le plus beau tabac ;
Qu’une multitude d’esclaves Tournent des cigares avec, Et que ces cigares suaves Finalement sont pour mon bec ;
Sache qu’ils sont faits sur commande Selon mon goût, my dear child, Que je paye une forte amende Pour les fumer, comme Rothschild.
Qu’ils sont, comme bien tu présumes, Dignes de la gueule des dieux ; Qu’auprès d’eux tout ce que tu fumes Est conséquemment odieux,
Que malgré que je les approuve Et les estime fort plaisants, En vérité je ne les trouve Pas encore assez renversants ;
Et tu prétends que je m’attarde A des crapulons moi ; Raoul Pochon ! ô Brisson, regarde- Moi, voyons, suis-je donc saoul ? ________________
Paul SCARRON
CHANSON À MANGER
Quand j'ai bien faim et que je mange Et que j'ai bien de quoi choisir, Je ressens autant de plaisir Qu'à gratter ce qui me démange. Cher ami tu m'y fis songer : Chacun fait des chansons à boire, Et moi, qui n ai plus rien de bon que la mâchoire Je n'en veux faire qu'à manger. Quand on se gorge d'un potage Succulent comme un consommé, Si notre corps en est charmé, Notre ame l'est bien davantage. Aussi Satan, le faux glouton, Pour tenter la femme première, N'alla pas lui montrer du vin ou de la bière, Mais de quoi branler le menton. Quatre fois l'homme de courage En un jour peut manger son saoul ; Le trop-boire peut faire un fou De la personne la plus sage. A-t-on vidé mille tonneaux ? On a bu que la même chose ; Au lieu qu'en un repas on peut doubler la dose De mille différents morceaux. Quel plaisir, lorsqu'avec furie, Apres la bisque et le rôti, Un entremet bien assorti Vient réveiller la mangerie ! Quand tu mords dans un bon melon, Trouves-tu liqueur qui le vaille ? O mon très cher ami, je suis la mangeaille ; Il n'est rien de tel qu'un glouton. _________________
Jean de La FONTAINE
LE GLOUTON
À son souper un glouton Commande que l'on apprête Pour lui seul un esturgeon. Il soupe, il crève ; on y court : On lui donne maints clystères. On lui dit, pour faire court, Qu'il mette ordre à ses affaires. Mes amis, dit le goulu, M'y voilà tout résolu ; Et, puisqu'il faut que je meure, sans faire tant de façon, Qu'on m'apporte tout à l'heure le reste de mon poisson. _________________
Abbé LATTAIGNANT
LE MOT ET LA CHOSE
Madame quel est votre mot Et sur le mot et sur la chose On vous a dit souvent le mot On vous a fait souvent la chose Ainsi de la chose et du mot Vous pouvez dire quelque chose Et je gagerais que le mot Vous plaît beaucoup moins que la chose Pour moi voici quel est mon mot Et sur le mot et sur la chose J'avouerai que j'aime le mot J'avouerai que j'aime la chose Mais c'est la chose avec le mot Mais c'est le mot avec la chose Autrement la chose et le mot A mes yeux seraient peu de chose Je crois même en faveur du mot Pouvoir ajouter quelque chose Une chose qui donne au mot Tout l'avantage sur la chose C'est qu'on peut dire encore le mot Alors qu'on ne fait plus la chose Et pour peu que vaille le mot Mon Dieu c'est toujours quelque chose De là je conclus que le mot Doit être mis avant la chose Qu'il ne faut ajouter au mot Qu'autant que l'on peut quelque chose Et que pour le jour où le mot Viendra seul hélas sans la chose Il faut se réserver le mot Pour se consoler de la chose Pour vous je crois qu'avec le mot Vous voyez toujours autre chose Vous dites si gaiement le mot Vous méritez si bien la chose Que pour vous la chose et le mot Doivent être la même chose Et vous n'avez pas dit le mot Qu'on est déjà prêt à la chose Mais quand je vous dis que le mot Doit être mis avant la chose Vous devez me croire à ce mot Bien peu connaisseur en la chose Et bien voici mon dernier mot Et sur le mot et sur la chose Madame passez-moi le mot Et je vous passerai la chose. __________________
| |
| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 16 Nov - 8:23 | |
| Ceux qui aiment les cigares en apprécient la qualité !!! Scarron a raison "A-t-on vidé mille tonneaux ? On a bu que la même chose ;" "Au lieu qu'en un repas on peut doubler la dose De mille différents morceaux." Des jeux de mots comme tu aimes André pour " Le mot et la chose" | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 16 Nov - 12:51 | |
| | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 16 Nov - 12:52 | |
| Abbé LATTAIGNANT
MAXIMES DE COQUETTERIE
À Mlle de Navarre
Jeune Iris, souffrez sans courroux De passer pour coquette. Pourquoi vous offenseriez-vous D'une telle épithète ? Quelque grain de légèreté Et de coquetterie Ajoute encore à la beauté Le titre de jolie !
Ne voyons-nous pas tous les jours Folâtrer sur vos traces Presque autant de nouveaux amours Qu'on voit en vous de grâces ? On n'engage qu'un seul amant, Quand on est si fidèle. Qui ne veut que plaire en a cent Qui voltigent comme elle.
Pourquoi vouloir mal à propos Vous piquer de constance ? Cette triste vertu des sots N'est plus de mode en France. Laissez aux belles du commun L'honneur d'être constante. Vaut-il mieux n'en rendre heureux qu'un, Que d'en amuser trente ?
Ces belles dont l'antiquité Consacre la mémoire, Avec plus de fidélité, Auraient eu moins de gloire ; Et sans le nombre des amants Qui les ont adorées, Que de déesses de ce temps Qui seraient ignorées !
Nous aurait-on parlé jamais De la beauté d'Hélène, Sans ces rois et ces héros grecs, Qui portèrent sa chaîne ? Vénus même, sans les amours Qui naissent sur ses traces, À Paphos s'ennuierait toujours Seule avec ses trois Grâces.
Imitez toujours nos guerriers, Si jaloux de la gloire ; Ils ne veulent que des lauriers Pour prix de leur victoire. À peine un cœur est-il dompté, Attaquez-en un autre. Triomphez de leur liberté ; Jouissez de la vôtre. ___________________
Abbé de LATTAIGNANT (1697-1779)
LES PANTINS
À Mme Coquebert, de Reims
L'autre jour un philosophe Joyeux, aimable et badin (Il en est de toute étoffe), Faisait danser un pantin. En jouant, il examine De la nouvelle machine Tous les fils et les ressorts, Qui meuvent ce petit corps.
Or voici comme ce sage Badinait en raisonnant, Ou, si l'aimez davantage, Raisonnait en badinant : Cette petite figure Rend, dit-il, d'après nature, Ce qui nous met tous en train : Tout homme est un vrai pantin.
La passion dominante Est le fil et le ressort, Qui, dans une main savante, Fait tout mouvoir sans effort. Il en est de toute espèce ; Car chacun a sa faiblesse Un cordon, ou rouge ou bleu, Suffit pour tout mettre en jeu.
Lorsque, pour une coquette, L'amour nous fait soupirer, Le cordon de la fleurette Est celui qu'il faut tirer. Une plus grande ressource, C'est le cordon de la bourse ; Sitôt qu'on le tirera, La pantine dansera.
Regardez cette figure, Qui représente Thémis, Qui, dit-on, d'une main sûre, Pèse et met tout à son prix : Dans les biens qu'elle dispense, Qui fait pencher la balance ? C'est un petit filet d'or, Qui fait aller le ressort.
Trissotin, le parasite A pris, pour son protecteur, Un financier sans mérite, Qui n'a que de la hauteur. Il encense son idole En prodiguant l'hyperbole ; Qui est-ce que fait Trissotin ? Il fait danser son pantin.
Damis approuve l'ouvrage Que Martin dit avoir fait ; Enchanté de son suffrage, Le filet fait son effet. Martin se croit un Pindare ; Il vole plus haut qu'Icare ; Il décide en souverain ; Voyez danser le pantin.
Gâcon fait l'apothéose De la suffisante Iris : Il célèbre en vers, en prose L'objet dont il est épris ; Ne fût-elle qu'une buse, L'auteur l'appelle sa Muse ; Il a tiré le filet Le ressort fait son effet.
Pour vous, aimable Thémire On a beau vous cajoler ; Quelque filet que l'on tire Rien ne peut vous ébranler. Philosophe et sûre amie, Vous riez de la folie De tous les faibles humains Et vous moquez des pantins. _________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 18 Nov - 19:46 | |
| Abbé de LATTAIGNANT (1697-1779)
LA FEUILLE À L'ENVERS
L’autre jour, la jeune Lisette, Aussi simple que son mouton, Quoiqu’elle eût la mine coquette Et le regard un peu fripon, À son amant aussi sot qu’elle, Et le plus sot de l’univers, Disait: Qu’est-ce que l’on appelle Berger, voir la feuille à l’envers ? Tout autre qu’un pareil Jocrisse Aurait saisi l’occasion De montrer à cette novice Ce qu’on entend par ce dicton. Lui, pour y ruminer, s’arrête Et lui dit: Sous ces arbres verts, Tiens, comme moi, lève la tête, Tu verras la feuille à l’envers. Lisette, se sentant émue, Lui dit: Berger, reposons-nous, Et sur le dos tout étendue, Lançait les regards les plus doux. Quelle agréable solitude! Que ces bosquets sont bien couverts, Dit-elle; ah! qu’en cette attitude On voit bien la feuille à l’envers ! Essayons, dit-il à sa belle, Et tout aussitôt le nigaud Se met sur le dos auprès d’elle, S’amuse à regarder en haut. Amants, quand, près d’une bergère, Tant de plaisirs vous sont offerts, Vos yeux doivent voir la fougère Et les siens la feuille à l’envers. _________________
Raoul PONCHON
CHANSON
Si j’étais roi de quelque endroit, Tout mon peuple serait ivrogne, Car je punirais sans vergogne Les ceuss qui marcheraient trop droit.
J’aurais des ministres suaves Chargés tout naturellement De l’unique département De mes cuisines et de mes caves.
Des vignerons ! point de soldats, La seule et superbe consigne Etant de cultiver la vigne Aux quatre coins de mes Etats.
Les palais de ma Seigneurie Seraient de vastes cabarets, Mille tonneaux de vin clairets Ma pacifique artillerie.
Je ne porterais sur mon front Aucune pesante couronne Mais de rouges pampres d’automne Et des grappes de raisin blond.
J’aurais pour trône une futaille, Pour sceptre un verre et même deux, Une bouteille de vin vieux Serait mon sabre de bataille.
Que si nous manquions de raisins, Mon peuple et moi ferions la guerre, Et je nous vois armés d’un verre Allant boire chez nos voisins. _________________
Gabriel VICAIRE
VISITE APRES BOIRE
J'ai défoncé d'un coup de poing Un caquillon de vieux gravelle. Un rayon d'or en ma cervelle S'est introduit, je suis à point.
Devant l'armoire aux confitures Ma table s'est mise à valser ; Mon lit demande à m'embrasser. Seigneur Jésus, que d'aventures !
Et les bouteilles au long cou Me contemplent d'un air si tendre ! Je ne me lasse pas d'entendre Les cascades de mon coucou.
Ma foi, tant mieux ! Vive la joie ! Et je souris béatement. Vous croiriez voir un garnement Qui s'attable en face d'une oie.
D'un rayon d'or je suis féru. Je ris, je ris ; j'en deviens bête. Et voilà qu'en tournant la tête, Quelque chose m'est apparu.
C'est comme un bateau qui chavire, Comme un prunier qui va branlant, C'est rose et bleu, c'est noir, c'est blanc, Ça tourne, tourne, et vire, vire.
"Turlututu, chapeau pointu, Rassure-toi, fait la donzelle. Comme toi je suis demoiselle ; Je n'en veux pas à ta vertu.
Je suis la muse peu sévère Que nos vieux pères aimaient tant, La muse qui laisse, en chantant, Tomber des roses dans son verre...
Aujourd'hui, quel monde assommant ! Plus de jeunesse ! on parle en prose. Le chardon vient après la rose ; Après le bal, l'enterrement.
Le rire plein, large et sonore, Le franc rire de nos aïeux ; Ne s'envole plus vers les cieux ; C'est à jurer qu'il déshonore !
Et le bon vin qui fait loucher, Le vin gaillard, fils de nos vignes, Où sont les vaillants qui soient dignes Ah ! seulement d'en approcher ?
Tandis qu'en mon verre il rougeoie, Plus d'un se râpe le palais Avec l'ale ou le gin anglais. Ils ont l'ivresse, non la joie.
D'aucuns, en pays allemand, Vont se griser de lourde bière Autant vaudrait se mettre en bière Pour attendre le jugement.
D'autres, que Dieu les récompense, Boivent dans un pot à pisser Quelque chose qu'on voit mousser ; Le coeur me léve quand j'y pense.
" Fi, pouah, pouah ! Les vilains goulus ! Le diable soit de leur bourrache ! " Et la voilà qui tousse et crache : " Les pauvres gens ! n'en parlons plus. "
" Je voudrais, dis je, belle brune, Vous offrir un peu de vin blanc. Les bouteilles sont sur le flanc, Hélas ! il n'en reste pas une ! "
" Belle dame, excusez du peu ! Et que de grâces à vous rendre ! Mais, dites-moi, ne peut-on prendre Un baiser... pour l'amour de Dieu ? "
Là-dessus, tout plein de cautèle, Je m'approche. Mais en riant : " Ah ! fi, fi. Le petit friand ! C'est qu'il aime la bagatelle !
Plus tard, plus tard, gros étourdi ; Fais d'abord ton apprentissage. A bas les mains ! Voyons, sois sage ! Nous verrons ça l'autre mardi. "
Et tout à coup, par la croisée, La belle s'enfuit prestement. C'est un vrai tour d'enchantement ; Psit, psit ! Plus rien : une fusée !
J'ai beau m'écarquiller les yeux, Rassembler mes pauvres idées. Rien que les bouteilles vidées Qui s'affalent à qui mieux mieux.
Et je l'avais là tout à l'heure, Et son sourire était si frais ! Ah ! pour deux sous je pleurerais Si je savais comment on pleure.
Amour, gaîté, tout est fourbu, Et maintenant, ma foi, j'hésite. Est-ce bien vrai, cette visite ? Qui peut savoir ? j'avais tant bu.
_________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 22 Nov - 11:41 | |
| Raoul PONCHON
NOUS NOUS ÉTALONS
Nous nous étalons Sur des étalons. Et nous percherons Sur des percherons ! C’est nous qui bâtons, A coup de bâtons, L’âne des Gottons Que nous dégottons !... Mais nous l’estimons Mieux dans les timons. Nous nous marions A vous Marions Riches en jambons. Nous vous enjambons Et nous vous chaussons, Catins, tels chaussons ! Oh ! plutôt nichons Chez nous des nichons ! Vite polissons Les doux polissons ! Pompons les pompons Et les repompons ! C’est nous qui poissons Des tas de poissons. Et qui les salons Loin des vains salons ! Tout d’abord pigeons Sept ou huit pigeons. Du vieux Pô tirons Quelques potirons ! Aux doux veaux rognons Leurs tendres rognons, Qu’alors nous oignons Du jus des oignons ! Puis, enfin, bondons- Nous de gras bondons. Les vins ?.... Avallons D’exquis Avallons ! Après quoi, ponchons D’odorants ponchons Ah ! thésaurisons ! Vers tes horizons Alaska, filons ! A nous tes filons ! Pour manger, visons Au front des visons, Pour boire, lichons L’âpre eau des lichons Ce que nous savons C’est grâce aux savons Que nous décochons Au gras des cochons Oh ! mon chat, virons, Car nous chavirons ! _________________
ANONYME
Au sujet de deux comédiennes du XVIIIe siècle
Entre deux actrices nouvelles Les beaux esprits sont partagés ; Mais ceux qui ne se sont rangés Sous le drapeau d'aucune d'elles Préfèreront sans contredit, Sauf le respect de Melpomène, Entendre l'une sur cette Et tenir l'autre dans son lit. _________________
Le 20 mars 1811, Napoléon peut enfin croire qu'il a fondé une dynastie impériale. Au château des Tuileries vient de naître François Charles Joseph Napoléon Bonaparte, le fils que lui a donné Marie-Louise d'Autriche ; Napoléon II, roi de Rome, duc de Reichstadt, l'Aiglon... que de noms pour un enfant qui ne régnera jamais ! En attendant, c'est la liesse à Paris où tous les corps constitués se bousculent devant le berceau. Chacun tient à rendre hommage à l'héritier tant attendu. Et, comme nous sommes en France, on trouve toujours un poète satiriste pour se moquer : Lorsque le Sénat harangua Le roi de Rome dans sa couche : "Messieurs, votre hommage me touche !" Dit l'enfant en faisant caca. Cela passa de bouche en bouche. ________________
Mathurin RÉGNIER
LORSQUE J'ETAIS COMME INUTILE...
Lorsque j'étais comme inutile, J'avais un mari si habile Aux plus Doux passe-temps d'amour, Qu'il me caressait nuit et jour. Ores, celui qui me commande, Comme un tronc gît dedans le lit, Et maintenant que je suis grande, il se repose jour et nuit. L'un fut trop vaillant en courage Et l'autre trop alangouri. Amour, rends-moi mon premier âge, Ou rends-moi mon premier mari. _________________
ANONYME
LE CORBEAU ET LE LAPIN
Le corbeau sur un arbre perché Glandait à ne rien faire toute la journée. Un lapin voyant le corbeau L'interpelle et lui demande aussitôt : - Moi aussi, comme toi, puis-je m'asseoir Et ne rien faire jusqu'au soir ? Le corbeau lui répond de sa branche : - Bien sûr, ami à la queue blanche. Je ne vois pas ce qui pourrait, mon beau, De la sorte t'empêcher le repos. Blanc lapin s'assoit par terre Et sous l'arbre reste à ne rien faire. Tant et si bien qu'un renard affamé, Voyant le lapin somnoler, S'approche en silence et en fait sa pitance.
Moralité :
Pour rester assis à ne rien branler, Mieux vaut être très haut placé. _________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 5 Déc - 18:38 | |
| M. RÉGNIER
Hier la langue me fourcha, Devisant avec Antoinette : Je dis f….., et cette finette Me fit la mine et se fâcha. Je déchus de tout mon crédit, Et vis, à sa couleur vermeille, Qu’elle aimait ce que j’avais dit, Mais en autre part qu’en l’oreille. ______________
Jean de la FONTAINE.
ÉPITAPHE D'UN BAVARD
Sous ce tombeau pour toujours dort Paul, qui toujours cotait merveille. Louange à Dieu, repos au mort, Et paix sur terre à nos oreilles ______________
On le sait, Boileau n'aimait pas lui non plus les médecins qu'il tenait sûrement pour responsables de ses disgrâces physiques autant que pour sa piètre santé. Il composa cette méchante épigramme :
Paul, ce grand médecin, l'effroi de son quartier Qui causa plus de maux que la peste ou la guerre, Est curé maintenant et met les gens en terre : Il n'a pas changé de métier. _______________
Alexis PIRON possédait, lui aussi, les mots qu'il fallait et allaient directement au but, sans autre forme de philosophie :
LES BELLES JAMBES
Colin ? poussé d’amour folâtre ? Regardait à son aise, un jour, Les jambes plus blanches qu’albâtre De Rose, objet de son amour. Tantôt il s’adresse à la gauche Tantôt la droite le débauche Je ne sais plus, dit-il, laquelle regarder ; Une égale beauté fait un combat entr’elles. Ah ! lui dit Rose, ami, sans plus tarder, Mettez vous entre deux pour finir leurs querelles. ______________ | |
| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 6 Déc - 16:03 | |
| | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 21 Déc - 19:44 | |
| | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 21 Déc - 19:52 | |
| Raoul PONCHON
SAINT CLOUD
Il lui dit : allons-nous promener dans les bois ; Vois la belle journée Peut-être n’aurons-nous l’occase qu’une fois En la présente année.
Ils étaient dans le lit bien chaudement blottis. - « Bien sûr que ça la botte. - » Ils s’habillèrent et les voilà partis Le cœur comme en ribote.
A peine s’ils avaient à eux deux quarante ans Ce serait à débattre, Mais volontiers il lui laissait seize printemps Pour en garder vingt-quatre.
Ils prirent le bateau qui conduit à Saint-Cloud,* Paradis des familles Où vit l’on ne sait quel mystérieux loup Dont on fait peur aux filles.
Elle parla tout haut pendant ce long trajet Et chanta des romances, Et le moindre détail des berges la plongeait En des transports immenses.
La Tour Eiffel ainsi que le Trocadéro Lui parut l’art suprême. Par quarante degrés au-dessus de zéro ! C’est permis… quand on aime…
Elle nommait : Auteuil et le Point-du-Jour, tour A tour, Et Meudon, Sèvres… - « Mais tu ne me dis rien ?.. - « Moi, j’admire, m’amour, Et tes yeux et tes lèvres. »
Répondait-il. - Enfin voici Saint-Cloud. Après Un déjeuner sommaire Tous deux ont disparu dans le sein des forêts Avecque leur chimère
Elle disait des riens d’un parler puéril, Comme un enfant qui jase Et lui, silencieux, sur ses lèvres d’avril Achevait chaque phrase.
Au bout de peu de temps nos deux passionnés Révèrent d’une sieste, Mais quoi ?… finalement, dame, vous comprenez ? L’herbe tendre et le reste…
Hélas ! c’est au moment le plus intéressant Que le garde champêtre Sur le couple ingénu qui le croyait absent Surgit comme un salpêtre :
- Ah ! Ah ! je vous y prends, mes jolis tourtereaux Dit cet homme farouche. Pardieu, vous vous aimez dans les grands numéros ; Quand est-ce qu’on vous couche ?
« Mais si les gens ici venaient tous à la fois S’…aimer, Jésus ! Marie ! Ce bois-ci, nom de Dieu ! ne serait plus un bois, Mais une porcherie ;
« Dans ce bois il est expressément défendu De faire des orgies ; De pareilles horreurs étaient permises du Temps des mythologies.
« Sachez, qu’ici jadis habita l’Empereur * Dont je fus au service ; Ici fut un château détruit par la fureur Par le crime et le vice.
« Au lieu, donc, d’y venir ainsi vous biscoter Comme d’obscènes fouines, Vous devriez plutôt tâcher d’y sangloter Sur ses absentes ruines.
« Vous voilà comme des saligauds étalés, Allez, crapules villes, On ne fait l’amour, ici, cochons, allez Vous aimer dans les villes… » _________________
Raoul PONCHON
LA STATUE DE MUSSET
L’autre jour, j’étais chez Pousset, En train de donner sur Musset Mon opinion téméraire, Quand auprès de moi vint s’asseoir Un jeune homme vêtu de… soir, Qui lui ressemblait comme un frère. A peine assis, il demanda Je ne sais quel vert soda, Qui ne me fit du tout envie, Et, j’en jure le dieu du Jour ! Qu’il m’était donné de voir pour La première fois de ma vie. Ce client, devant mon émoi, Me dit tout bas : « Oui, c’est bien moi, Musset, ou, si tu veux, mon ombre. Et j’arrive de ce séjour Où la nuit n’est pas le jour, L’Espace, le Temps et le Nombre.
« Dieu m’ayant permis ce congé De me voir en marbre figé, J’en profite pour boire un verre. Quant à mon posthume portrait, Il est pour moi sans intérêt ; Je le trouve un peu bien sévère. . « Regarde-moi. Non, mais, vraiment, Ai-je l’air d’un enterrement ? Ce sculpteur ne me connaît guère, Qui de moi fit un Adonis ; Il confond avec Lambert fils, Pourquoi pas aussi Lambert père ? « Ah ! Seigneur ! que dans ce Paris Les poètes sont peu compris ! J’ai parcouru la capitale, Cependant qu’on m’inaugurait, Nulle image d’eux n’apparaît Où tant de sculpture s’étale. « Ainsi, dans le quartier Haussmann, Se trouve un certain gentleman Qui veut représenter Shakspeare. Moi, qui le vis encore hier, Je t’assure qu’il est plus fier, Tu parles ! et de beauté pire ! « De même aussi, chemin faisant, Je vis un Dante, soi-disant, Devant le Collège de France. Si le sculpteur, en son esprit, Croit que c’est là son gabarit, Il doit laisser toute espérance…* « J’ai vu Lamartine, Hugo… C’est à donner le vertigo. Hélas ! et Leconte de Lisle ! Mais, qui passe tout examen, C’est d’avoir en César romain Travesti le père Banville !… « Qu’ont-ils fait de ces radieux Poètes, fils aimés des dieux, Tous ces plâtriers sans excuse ? Quels que soient leurs traits, sans discours, Les poètes sont beaux toujours ; Ils sont sublimés par la Muse ! « Pour moi, j’en avais une aussi, De Muse. Il importe peu si Ce n’était pas toujours la même. Grâce à cela, dans mes écrits, - Mon sculpteur ne l’a pas compris - J’ai pu varier mon poème. « J’ai fait de bons vers, de mauvais, Selon la Muse que j’avais, Folle, tour à tour, ou sévère. Mais je crois bien que mes plus beaux Sont ceux que, lambeaux par lambeaux, J’aI dû laisser au fond du verre. _________________
Dernière édition par André Laugier le Ven 23 Déc - 11:29, édité 1 fois | |
| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Jeu 22 Déc - 22:50 | |
| Tu aimes bien Raoul Ponchon et moi aussi ... Merci et bonne fin de soirée. | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 10 Jan - 20:02 | |
| Raoul PONCHON
A MOI, COMTE, DEUX MOTS…
Robert, tu es le roi des ivres, Montesquiou, tu es assommant A ne publier que des livres Qui coûtent cher infiniment.
Ainsi donc, tu prétends me vendre Trente francs ton petit dernier. Jamais de la vie ! Où les prendre ?… Sais-tu bien ce que c’est un denier.
Trente francs ! Mais, fichtre de bigre ! Banville dirait à cela : « On pourrait se payer un…tigre, Mon cher ami, pour ce prix-là. »
Trente francs ! C’est à n’y pas croire. Cher maître, va considérant Combien de chopes je puis boire Pour la somme de trente francs !
Trente francs, ça n’est pas des prunes Au surplus, sache bien ceci : Que si je possédais six thunes Tu ne me verrais pas ici.
Je suis bien sûr que ton volume Vaut largement ces trente francs : Les vers qui sortent de ta plume N’étant jamais indifférents.
Tes Prières sont un délire De verve - je n’en veux douter - Mais ce n’est pas trop, je dois dire, Des Humbert pour les acheter.
La poésie à trois cinquante Ne se vend déjà que très peu, Serait-elle plus éloquente Que tous les chefs d’œuvre de Dieu.
Vois notre Muse de Noailles Qui triomphe en ce même instant ; Ce ne sont que des menuailles Qu’elle nous donne argent comptant,
Non plus de la littérature… Ses vers subtils et pénétrants, Comme ils fleurent bon la nature ! Or, ils ne coûtent que trois francs.
Mon Dieu, vous me direz, mon prince, Que votre ouvrage est illustré Par un peintre qui n’est pas mince. Et cela se paye… c’est vrai.
Votre ouvrage est plein de gravures. Point n’est besoin d’un œil de lynx Pour constater ses fioritures - Madeleine Lemaire pinx…
Il se montre en bel équipage. Mais à ce compte-là, mon gros, Tu pourrais entre chaque page Aussi bien mettre des Corots.
Quoiqu’il en soit, à moins d’être ivre Moi-même, à ce prix insensé Je ne puis acheter ton livre, Et te voilà bien avancé ! _________________
ANONYME
Ma poche à fonds secrets, ma bourse a son mystère Que, pour mieux la remplir, mon génie a conçu. Tardieu, comme Laval, promettait de se taire Et les bons Croix de Feu n’en ont jamais rien su.
Ainsi, sans rien donner de ce que j’ai perçu, Renvoyant mes amis aux soupes populaires, J’aurai, moi, jusqu’au bout de l’argent sur la terre Cazr, ayant demandé, j’ai chaque fois reçu.
Réconciliateur, la main qu’on m’a vu tendre J’ai sur la refermer et chacun put entendre Les applaudissements soulevés sous mes pas.
Ma Ligue, à mes desseins obstinément fidèle, Ne saura pas qu’ainsi je me suis foutu d’elle : Elle attendra l’heure H et ne la verra pas.
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 13 Jan - 21:35 | |
| MONTESQUIOU
CUISINIER "Habile à préparer d’ardentes victuailles, Des vivres savoureux et d’exquises douceurs, A décorer d’œillets des saumons et des cailles, Comme à teindre un coulis d’alléchantes rousseurs ; D’oiseaux ayant parlé j’ai cuisiné les langues Pour des Apicius et des Trimalcions ; J’ai fait faire un sorbet et confire des mangues Et dans l’eau de la mer bouilli des alcyons. Pour ce savoir profond, aride et délectable Qui décuple et varie à l’infini la faim, Vous dédaignerez, Seigneur, m’admettre à votre table Où ma science aspire à rompre un peu de pain !" __________________
VISITE APRES BOIRE
Gabriel VICAIRE ( À la bonne franquette 1890 )
J'ai défoncé d'un coup de poing Un caquillon de vieux gravelle. Un rayon d'or en ma cervelle S'est introduit, je suis à point.
Devant l'armoire aux confitures Ma table s'est mise à valser ; Mon lit demande à m'embrasser. Seigneur Jésus, que d'aventures !
Et les bouteilles au long cou Me contemplent d'un air si tendre ! Je ne me lasse pas d'entendre Les cascades de mon coucou.
Ma foi, tant mieux ! Vive la joie ! Et je souris béatement. Vous croiriez voir un garnement Qui s'attable en face d'une oie.
D'un rayon d'or je suis féru. Je ris, je ris ; j'en deviens bête. Et voilà qu'en tournant la tête, Quelque chose m'est apparu.
C'est comme un bateau qui chavire, Comme un prunier qui va branlant, C'est rose et bleu, c'est noir, c'est blanc, Ça tourne, tourne, et vire, vire.
"Turlututu, chapeau pointu, Rassure-toi, fait la donzelle. Comme toi je suis demoiselle ; Je n'en veux pas à ta vertu.
Je suis la muse peu sévère Que nos vieux pères aimaient tant, La muse qui laisse, en chantant, Tomber des roses dans son verre...
Aujourd'hui, quel monde assommant ! Plus de jeunesse ! on parle en prose. Le chardon vient après la rose ; Après le bal, l'enterrement.
Le rire plein, large et sonore, Le franc rire de nos aïeux ; Ne s'envole plus vers les cieux ; C'est à jurer qu'il déshonore !
Et le bon vin qui fait loucher, Le vin gaillard, fils de nos vignes, Où sont les vaillants qui soient dignes Ah ! seulement d'en approcher ?
Tandis qu'en mon verre il rougeoie, Plus d'un se râpe le palais Avec l'ale ou le gin anglais. Ils ont l'ivresse, non la joie.
D'aucuns, en pays allemand, Vont se griser de lourde bière Autant vaudrait se mettre en bière Pour attendre le jugement.
D'autres, que Dieu les récompense, Boivent dans un pot à pisser Quelque chose qu'on voit mousser ; Le coeur me lève quand j'y pense.
" Fi, pouah, pouah ! Les vilains goulus ! Le diable soit de leur bourrache ! " Et la voilà qui tousse et crache : " Les pauvres gens ! n'en parlons plus. "
" Je voudrais, dis je, belle brune, Vous offrir un peu de vin blanc. Les bouteilles sont sur le flanc, Hélas ! il n'en reste pas une ! "
" Belle dame, excusez du peu ! Et que de grâces à vous rendre ! Mais, dites-moi, ne peut-on prendre Un baiser... pour l'amour de Dieu ? "
Là-dessus, tout plein de cautèle, Je m'approche. Mais en riant : " Ah ! fi, fi. Le petit friand ! C'est qu'il aime la bagatelle !
Plus tard, plus tard, gros étourdi ; Fais d'abord ton apprentissage. A bas les mains ! Voyons, sois sage ! Nous verrons ça l'autre mardi. "
Et tout à coup, par la croisée, La belle s'enfuit prestement. C'est un vrai tour d'enchantement ; Psit, psit ! Plus rien : une fusée !
J'ai beau m'écarquiller les yeux, Rassembler mes pauvres idées. Rien que les bouteilles vidées Qui s'affalent à qui mieux mieux.
Et je l'avais là tout à l'heure, Et son sourire était si frais ! Ah ! pour deux sous je pleurerais Si je savais comment on pleure.
Amour, gaîté, tout est fourbu, Et maintenant, ma foi, j'hésite. Est-ce bien vrai, cette visite ? Qui peut savoir ? j'avais tant bu. _________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 16 Jan - 18:41 | |
| F.M. Robert DUTERTRE
LES GRENOUILLES DE BENITIER
Friandes d’eau bénite, auprès des bénitiers, On entend coasser d’insipides grenouilles Qui débauchaient jadis, en guignant leurs dépouilles De jeunes batraciens sous les ombreux sentiers.
Aujourd’hui qu’elles ont une face ridée Et que tous leurs amours se sont bien refroidis. Elles n’ont qu’une envie et qu’une seule idée, C’est d’aller coasser aux lacs du paradis.
Quelques êtres grincheux, jésuites malins, Sans avoir aucun droit et sans le moindre titre, Se faufilant partout par leurs airs patelins, Prétendaient diriger l’évêque et son chapitre.
Or, le bon peuple hait l’œuvre de Loyola, Mais il veut qu’on respecte et le culte et l’hostie Et, sachant venimeux tous ces batraciens-là, Il les a surnommés crapauds de sacristie. _________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 24 Jan - 18:29 | |
| Jean PELLERIN
LA NUIT D'AVRIL
Je ne me suis pas fait la tête de Musset, Je tartine des vers, je prépare un essai, J'ai le quart d'un roman à sécher dans l'armoire. ... Mais que sont vos baisers, ô filles de mémoire ! Vous entendre dicter des mots après des mots, Triste jeu ! ... Le loisir d'été sous les ormeaux, Une écharpe du soir qui se lève et qui glisse... Des couplets sur ce bon Monsieur de La Palice Que répète un enfant dans le jardin couvert. Ce crépuscule rouge, et puis jaune, et puis vert... ... Une femme passant le pont de la Concorde ... Le râle d'un archet pâmé sur une corde, La danse, la chanson avec la danse, un son De flûte, sur la danse entraînant la chanson, Ce geste d'une femme et celui d'une branche... Ah ! vains mots ! pauvres mots en habits du dimanche... Ah ! vivre tout cela, le vivre et l'épuiser !... Muse, reprends mon luth et garde ton baiser ! __________________
Jean PELLERIN
LA GROSSE DAME CHANTE...
Manger le pianiste ? Entrer dans le Pleyel ? Que va faire la dame énorme ? L'on murmure... Elle râcle sa gorge et bombe son armure : La dame va chanter. Un œil fixant le ciel
- L'autre suit le papier, secours artificiel - Elle chante. Mais quoi ? Le printemps ? La ramure ? Ses rancœurs d'incomprise et de femme trop mûre ? Qu'importe ! C'est très beau, très long, substantiel.
La note de la fin monte, s'assied, s'impose. Le buffet se prépare aux assauts de la pause. " Après, le concerto ?... - Mais oui, deux clavecins. "
Des applaudissements à la dame bien sage... Et l'on n'entendra pas le bruit que font les seins Clapotant dans la vasque immense du corsage. _________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 31 Jan - 12:47 | |
| Raoul PONCHON
Loin des méchants, des rognegneux Des sproncknicks et des conibards, Promenons nos esprits hargneux Au sein des bars.
Là, juchés sur de hautes chaises, Buvons des liqueurs exécrables, En traitant de vieilles fichaises Et Dieux et Diables.
Buvons, et nous évertuons A crapuler, si c'est la loi. Moquons-nous de tout et tuons La bonne foi.
Conspuons toute vie active, Tout beau, tout bien, ces balançoires. Soyons las, en définitive, D'être des poires.
Soyons des mufles, au galop, Comme telle autre humanité. Vivre un peu proprement, c'est trop De vanité.
En ces temps vils qui sont les nôtres, Vas-tu poser pour le brave homme ? Vas donc ! vis donc comme les autres, Ou l'on t'assomme.
Laisse là tout ce vieux décor, La terre verte et le ciel bleu. Et si ton coeur te gène encor, Débarque-le .
Plus de scrupules ! pourquoi faire ? Soyons comme ces fiers Apaches . A moins pourtant que l'on préfère
Chauffons, chauffons, soyons oseurs ; Ne restons pas ankylosés : Il vaut mieux être un écraseur Qu'un écrasé.
Ou bien alors restons des pleutres Faisons-nous botter le derrière Et laissons sur nos sexes neutres Grimper le lierre.
Sait-on seulement ce qu'il veut Aujourd'hui notre doux pays ? A quels sentiments, à quel voeu Il obéit ?
Doit-on crier : vive Loubette ou : vive le roi d'Angleterre ? Que chante-t-il sur sa trompette ? C'est un mystère.
Est-il Anglais ? est-il Français ? Cambodgien, Petit Russien ? Rime-t-il encore à succès ? On n'en sait rien.
Comprend-on, d'ailleurs, quelque chose A quoi que ce soit, à cette heure ? Nous vivons dans quelque temps morose A la malheure !
Laissons donc là les rognegneux Des sproncknicks et des conibards, Et menons nos esprits rogneux boire en des bars.
Là, juchés sur de hautes chaises, Buvons des cocktails détestables, En traitant de vieilles fichaises Et Dieux et Diables.
Soyons des mufles, des salauds, Comme telle autre humanité. Vivre un peu proprement, c'est trop De vanité. _________________
RAOUL PONCHON
L'AMOUR DE LA LIBERTÉ
" On dit : triste comme la porte D'une prison, Et je crois, le diable m'emporte, Qu'on a raison, "
Disait Musset. Et moi, j'ajoute : Cela dépend. Elle n'a rien de gai, sans doute, De bien pimpant.
Et surtout pour le pauvre hère D'incarcéré, Qui ne la voit que par derrière, Côté pas vrai.
Mais s'il la voit du côté rue, Un beau matin, Une fois sa peine courue, Il est certain
Qu'elle cesse alors d'être hostile Pour mon lascar. Que dis-je ? Il lui trouve du style. Probable, car
Je prétends qu'il faut que l'on sorte D'une prison Pour en apprécier la porte Avec raison.
Pourquoi sortir ?... m'allez-vous dire. Voilà le point : Parce qu'il ne peut suffire De n'entrer point.
Pour bien goûter dans chaque fibre Et pleinement L'âpre volupté d'être libre, Mon sentiment,
C'est qu'il est de toute importance D'avoir été Privé de son indépendance, Fût-ce un été !
De même, ceux que la Fortune A couronnés Qui n'ont jamais pour une thune Eté gênés,
Ignorent en leur âme obscure D'épicurien, Tous les plaisirs qu'elle procure, Il s'en faut bien.
Pour moi, chez le récidivistes, Tel entêté Adore, en véritable artiste, La liberté.
Il ne commet pas de gros crimes, Il est trop fin, Mais de petits délits infimes, A seule fin
De retrouver le mur austère De sa prison Et d'en sortir - le temps d'y faire Une saison.
Donc, s'il suit sa coupable voie, La vérité Est qu'il rénove ainsi sa joie De liberté. __________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 10 Fév - 12:16 | |
| Victor MEUSY
L’HÔTEL DES VENTES
En poussant la porte, Un air tiède apporte L’odeur un peu forte Des bons auvergnats. Ça sent la guenille, L’ail et l’espadrille. Un goût de vanille, D’anciens assignats. Dans chaque salle Un fouillis sale Aux yeux s’étale Chaos singulier ! Car l’antithèse Fleurit à l’aire Au Pèr’-Lachaise Du vieux mobilier. Boudoir de cocotte, Parloir de bigote, Outils de gargote, Bouquins de savant, Lanternes de phares, Instruments bizarres Trouvés dans les gares, Ici, tout se vend ! Et dans sa chaire, Le commissaire Guettant l’enchère, Lève son marteau : « On dit cinquante ! « Par nous soixante ! « Pressons la vente ; « C’est un vrai cadeau ! » Curieux mélange De luxe et de fange, La foule se range Autour du comptoir ; La paupière cligne, Le doigt fait un signe Et chacun désigne Ce qu’il veut avoir. L’armoire à glace Que l’on déplace Rend la grimace Des gens attentifs ; Le regard louche, L’effet de bouche, La main qui touche, Les appels furtifs. Bouchant les fenêtres Des toiles de maîtres, Des tableaux champêtres, Des nymphes au bain, Et l’on songe, triste, Au capitaliste Qui paya l’artiste D’un morceau de pain. L’expert très grave, Essuie et lave Un bout d’épave Dans un cadre frais ; Sur sa parole, C’est de l’Ecole Dite… Espagnole Ou bien… à peu près. L’amateur très rogue, Sur l’œuvre épilogue, Lit le catalogue Cent fois déjà lu. « Effet de givre ! « Messieurs, faites suivre ! » Dit la voix de cuivre Du crieur joufflu. Là, sur les tables, Des incunables, Bouquins minables De vaches engoncés. Bien moins « province », L’Elzévir mince », Mis comme un prince, Prend des airs pincés. Voici des gravures, Aimables figures, Galantes postures Que traça Boucher. Armés de leurs loupes, Les vieux vont en troupes Détailler les croupes Qui les font loucher. Mais la cohue, Sans retenue, Là-bas se rue, Essayons d’entrer, La salle est pleine, On perd l’haleine ; C’est avec peine Qu’on peut respirer. Des tableaux, des frusques, Des vases étrusques, En des gestes brusques, Dansent à mes yeux. L’affreuse migraine Sur moi se déchaîne… Dehors, on m’entraîne, « De l’air !… Ah !… tant mieux ! » ___________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 13 Fév - 12:17 | |
| Yves DUTEIL
AVOIR ET ÊTRE
Loin des vieux livres de grammaire, Écoutez comment un beau soir, Ma mère m'enseigna les mystères Du verbe être et du verbe avoir. Parmi mes meilleurs auxiliaires, Il est deux verbes originaux. Avoir et Être étaient deux frères Que j'ai connus dès le berceau. Bien qu'opposés de caractère, On pouvait les croire jumeaux, Tant leur histoire est singulière. Mais ces deux frères étaient rivaux. Ce qu'Avoir aurait voulu être Être voulait toujours l'avoir. À ne vouloir ni dieu ni maître, Le verbe Être s'est fait avoir. Son frère Avoir était en banque Et faisait un grand numéro, Alors qu'Être, toujours en manque. Souffrait beaucoup dans son ego. Pendant qu'Être apprenait à lire Et faisait ses humanités, De son côté sans rien lui dire Avoir apprenait à compter. Et il amassait des fortunes En avoirs, en liquidités, Pendant qu'Être, un peu dans la lune S'était laissé déposséder. Avoir était ostentatoire Lorsqu'il se montrait généreux, Être en revanche, et c'est notoire, Est bien souvent présomptueux. Avoir voyage en classe Affaires. Il met tous ses titres à l'abri. Alors qu'Être est plus débonnaire, Il ne gardera rien pour lui. Sa richesse est tout intérieure, Ce sont les choses de l'esprit. Le verbe Être est tout en pudeur, Et sa noblesse est à ce prix. Un jour à force de chimères Pour parvenir à un accord, Entre verbes ça peut se faire, Ils conjuguèrent leurs efforts. Et pour ne pas perdre la face Au milieu des mots rassemblés, Ils se sont répartis les tâches Pour enfin se réconcilier. Le verbe Avoir a besoin d'Être Parce qu'être, c'est exister. Le verbe Être a besoin d'avoirs Pour enrichir ses bons côtés. Et de palabres interminables En arguties alambiquées, Nos deux frères inséparables Ont pu être et avoir été.
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 20 Fév - 12:32 | |
| Victor MEUSY (1856 – 1922)
INDIGNATION
J'aurais bien voulu vivre en doux ermite, Vivre d'un radis et de l'eau qui court. Mais l'art est si long et le temps si court ! Je rêve, poignards, poisons, dynamite. Avoir un chalet en bois de sapin ! J'ai de beaux enfants (l'avenir), leur mère M'aime bien, malgré cette idée amère Que je ne sais pas gagner notre pain.
Le monde nouveau me voit à sa tête. Si j'étais anglais, chinois, allemand, Ou russe, oh ! alors on verrait comment La France ferait pour moi la coquette.
J'ai tout rêvé, tout dit, dans mon pays J'ai joué du feu, de l'air, de la lyre. On a pu m'entendre, on a pu me lire Et les gens s'en vont dormir, ébahis ... J'ai dix mille amis, ils ont tous des rentes. Combien d'ennemis ?... Je ne compte pas. On voudrait m'avoir aux fins des repas, Aux cigares, aux liqueurs enivrantes. Puis je m'en irais, foulant le tapis Dans l'escalier chaud, devant l'écaillère; Marchant dans la boue ou dans la poussière, Je retournerais à pied au logis. Las d'être traité comme les Ilotes Je m'en vais aller loin de vous, songeant Que je ne peux pas, sans beaucoup d'argent, Contre tant de culs user tant de bottes.
| |
| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 20 Fév - 19:50 | |
| Celui d'Yves Duteil et tout à fait ce que tu aimes André !!! Il a beaucoup d'humour ! | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 14 Mar - 12:10 | |
| | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 14 Mar - 12:13 | |
| Emile GOUDEAU
SONNET JAPONISTE
Ka-ka-doi, mandarin militaire, et Ku-Ku, Auteur d’un million et quelques hémistiches, Causent en javanais sur le bord des potiches, Monosyllabiquant d’un air très convaincu.
Vers l’an cent mille et trois, ces magots ont vécu À Nangazaki qui vend des chevaux postiches — C’étaient d’honnêtes gens qui portaient des fétiches Sérieux, mais hélas ! chacun d’eux fut cocu !
Comment leur supposer des âmes frénétiques ? Et quel sujet poussa ces poussahs lymphatiques, A se mettre en colère un soir, je ne sais pas !
Un duel s’ensuivit ! — O rages insensées ! Car ils se sont ouvert le ventre avec fracas — Voilà pourquoi mes deux potiches sont cassées. __________________
Jules JOUY
POISSON D'AVRIL
Peuple crédule qu’on lanterne Et qui coupe dans tous les ponts, Allume un peu mieux ta lanterne ; Tu démasqueras les fripons, Les renégats et les capons. Du candidat sur son affiche, N’écoute plus le vilain babil ; Ses promesses, ce qu’il s’en fiche ! Poisson d’avril !
Ce blagueur, afin qu’on l’élise, Dans sa longue profession, Voulait, de l’Etat, de l’Eglise, Pour toujours sans rémission, Faire la séparation. Candidat, il fit la promesse D’envoyer le prêtre en exil ; Honorable, il sert la messe ; Poisson d’avril !
Cet effronté, pourri de vice, De faire four ayant le trac, Au villageois simple et novice Sur son affiche, sans mic-mac, Promet un bureau de tabac. Pour un autre, garde ton vote, Bon gogo, car ce bureau qu’il Te promet, c’est une carotte : Poisson d’avril
Ce troisième dans ses affiches, Sur un ton protecteur et fier, Promet aux électeurs godiches Un grand canal, un port de mer, Des routes, des chemins de fer. Conclusion accoutumée : Le pays n’a même pas un fil ; Le railway s’envole en fumée : Poisson d’avril
Bon peuple, à Lille comme à Tarbes, Ne crois plus aux politiqueurs ; Imberbes ou bine vieilles barbes, Forts en paroles, mais traqueurs. Tous les tribuns sont des truqueurs, De grands mots ils tiennent boutique ; Un jour, quand t’auras un fusil, Tire dessus la politique : Poisson d’avril _________________
| |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Jeu 16 Mar - 12:26 | |
| Raoul PONCHON
ROBES DIRECTOIRES
A Longchamp, tout dernièrement, Trois beautés idéales, A mon plus grand étonnement, Causèrent du scandale.
Quoi donc les désignait ainsi Aux brocards de la foule ? O muse ! Redis-le moi, si Tu le sais, ma poupoule.
L’une de ces beautés en or Semblait Vénus la blonde. Et je crois que sur elle encor L’emportait la seconde.
Et, que les dieux me soient témoins ! La troisième… ô troisième ! Vous paraissiez, ni plus ni moins, Que la Grâce elle-même.
Ce n’est pas la beauté qui leur Valut cet attrapage, - Autant attraper une fleur, - Mais bien leur équipage.
En outre de vastes chapeaux D’un ornement folâtre, Soit des chapeaux de nul repos Pour aller au théâtre,
Elles avaient pour vêtement Une robe indiscrète Qui les moulait exactement Des pieds jusqu’à la tête.
Ma foi, c’était, tout bien compté, Un minimum de linge Qui montrait leur… sincérité. O mes pauvres méninges
De plus, leur jupe, il paraîtrait Sur le côté fendue, Laissait voir - comme qui dirait - Leurs jambes… défendues !
C’est ainsi, dans ce simple atour, Que nos, trois merveilleuses, Qui le savaient faites au tour, Légères et rieuses,
Firent, l’autre jour, hardiment Leur entrée au pesage, Et qu’elles allèrent semant L’émoi sur leur passage.
Ce n’est pas les hommes, bien sûr, Qui trouvaient téméraire Ce jeune trio sous l’azur. Oh ! non. Bien au contraire.
Même ils se murmuraient entre eux : « Tudieu ! les belles filles ! Heureux cent fois leurs amoureux ! Honneur à leurs familles ! »
Du coup, jeunes gens et vieux beaux En oubliaient la cote, Et les paris, et les chevaux, Pour suivre ces chocottes.
Mais les « povres » durent subir Les sarcasmes des dames, Qui ne cessèrent de glapir Sur ces robes infâmes.
Ce qu’elles prirent ! c’est un rien. Et les plus acharnées Etaient, comme vous pensez bien, De vieilles surannées…
Cependant que toutes les trois, Fines, souples et lentes, Prises dans leurs fourreaux étroits, Passant, indifférentes,
Pouvaient dire à ces femmes : « Vous Ne seriez pas fichues - Je m’en rapporte à vos époux - D’être ainsi dévêtues. »
Et puis, par manière d’acquit, A ces vieilles ingambes, Elles firent un geste qui Signifiait : la jambe !
| |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT | |
| |
| | | | LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| Novembre 2024 | Lun | Mar | Mer | Jeu | Ven | Sam | Dim |
---|
| | | | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | | Calendrier |
|
|