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| LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT | |
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Auteur | Message |
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André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 29 Juil - 11:51 | |
| Les poètes du temps passé se sont consacrés avec bonheur au "rire du langage". Dans cette lignée on y reconnaît de grand noms, comme Eugène CHAVETTE, Émile GOUDEAU, Alphonse ALLAIS, Maurice MAC-NAB, Raoul PONCHON, Jehan RICTUS, Georges FOUREST, etc...
Il appartenaient tous au fameux Cabaret du "CHAT NOIR", fondé par SALIS. La bonne humeur et la dive bouteille y étaient de mise. J'ai pensé faire revivre cette époque en vous livrant une sélection de leurs plus beaux poèmes qui enchantèrent tous les poètes, des académiciens aussi, et un public sans cesse plus nombreux venir leur entendre réciter leur amour de la vie, de la bonne chère et de l'humour partagé. La devise du cabaret était :
N'ayez cure d'escapades, Vous qui commencez à déchoir, Car guéris sortent les malades Du gai cabaret du "Chat Noir".
Avant de rire de quelque chose, on rit avec quelqu'un : le rire est par nature intersubjectif, il suppose le partage et la complicité. Une autre raison, plus formelle, rapproche le rire de la poésie. À l'opposé de l'ironie dont le comique repose sur les mots d'esprit et les sous-entendus ingénieux, le "poète rieur" privilégie les calembours, les à-peu-près, et toutes les manipulations ludiques du signifiant qui sont très proches, de fait, du travail poétique et où le matériau linguistique acquiert une sorte de plasticité artistique.
Il y a donc le plaisir du jeu et le lyrisme de la blague. Dans ce nouveau salon, venez donc, Ami(e)s poètes, partager les facéties de nos plus grands poètes de l'humour dont j'ai essayé de rassembler les meilleurs textes dans des vers plaisants, divertissants et baladins.
Le topic "idéal" pour se détendre et passer un moment agréable loin des soucis du quotidien.
En espérant que ce salon aura votre agrément.
Commençons par Raoul PONCHON. Poète humoriste, fantaisiste et pince-sans-rire, il se considérait comme un petit rimailleur du quotidien, indigne d’une publication officielle. Malgré cela, et malgré lui, parurent de lui un recueil de ses poèmes : La Muse au cabaret, en 1920, seul livre publié de son vivant (il avait 72 ans). Il sera, lui qui était insensible aux honneurs, membre de l’Académie Goncourt à partir de 1924.
VIN EXOTIQUE
Raoul PONCHON
Si vous voulez m'en croire, Je fus l'autre matin A notre Grande Foire Avec mon tâte-vin,
Pour déguster sur place - Je m'en fais une loi - L'exotique vinasse. Toujours, auprès de moi,
Le côté vinicole D'une Exposition A joui d'une folle Considération.
Il est deux hémistiches Chez moi perpétués : Dis-moi ce que tu liches, Je dirai qui tu es.
Or donc, avec mon tâte- Vin, le long des trottoirs Je parcourus sans hâte, Les différents comptoirs
De ces nations dignes - Y vompris le Tatar - Qui cultivent la Vigne, Disons : à notre instar.
J'ai bu du vin de Grèce ; Du Chio... du Samos... Si c'est là cette altesse Dont a gratté le dos,
Sur sa lyre un peu grise, Le môme Anacréon, Autant vaut qu'on se grise D'une ode à l'Odéon.
J'ai bu sans frénésie De l'Amontillado Et de la Malvoisie... Orosolo, Porto...
Tous vins que je récuse Pour porter mon hanap. J'ai bu du Syracuse, Et du Chypre, et du Cap...
J'ai bu de ce Vésuve Dit " Lacryma Christi ". Oh ! qu'âpre je le "truve", Malgré son nom, cristi !
J'ai bu du vin de Perse... Schiraz... Dodrelabi... Tu n'auras plus commerce Avec lui, mon bibi.
- Sans doute, au temps du maître, Notre divin Khèyam, Ce vin-là devait être Un tout autre quidam. -
Au comptoir d'Australie, J'ai bu du Tintara ; A celui d'Italie, Du Chianti... Barbera...
Un autre plus barbare Encore, un Lampurdam Qui - chose assez bizarre - Arrivait d'Amsterdam.
Tous ces vins de cuisine Sentaient de parti pris, Les campêche et fuchsine Dont ils furent nourris.
J'ai bu dans l'Allemagne Du Jesuitengarten : Sans être de Cocagne, Il souffre l'examen,
Encor qu'il m'importune Et me semble vermeil Plutôt comme la Lune Que comme le Soleil.
J'ai bu certain Madère Non des plus absolus, Puisque je considère Qu'on n'en fabrique plus.
J'ai bu du vin de Corse Dit "Aleatico" ; Malgré sa rude écorce Il est frais, le coco.
Et puis du vin de Suisse... De l'Yvorne clairet : S'il manque un peu de cuisse, Il a quelque jarret.
J'aurais sans aucun doute Goûté de ce Tokai Qui vaut cent francs la goutte, Si j'eusse été toqué...
L'Empereur, sur sa caisse, De ce vin qui n'est qu'or M'a promis une caisse, Mais je l'attends encor...
Je ne sais quel vin serbe M'a paru sans éclat, La rime veut : "acerbe", La raison : "raplaplat".
Ce n'est pas une "espèce", Bien sûr, que je boirai, En célébrant la messe, Quand je serai curé...
Mais ici je vous quitte, J'ai les boyaux fourbus... Quel que soit le mérite De ces vins que j'ai bus.
Et, soit dit sans reproches Pour nos amis voisins - Les vins même bancroches Du nôtre étant cousins -
Il n'est vin que de France ! Sous notre ciel clément C'est là ses demeurance, Fin et commencement.
__________________
Raoul PONCHON
IVROGNES
Nous sommes un tas d'ivrognes De la plus belle eau, Et l'on peut louer nos trognes Comme un fin tableau. Ca n'est pas, comme on peut le croire, En lèchant les murs, que nos jolis nez de gloire Semblent ces fruits mûrs Où butinent les abeilles, Mais en les dorant Avec le sang par les treilles, C'est bien différent. En nous arrosant la dalle, La dalle du cou De façon pyramidale Sans en perdre un coup. Nos estomacs sont abîmes Tellement profonds Qu'aucun des vins que nous bûmes N'est encore au fond. C'est un miracle, vous dis-je, Que tout de ce pas Nous-mêmes pris de vertige Nous n'y tombions pas. Il faut que je vous présente Quelques-uns de nous : Moi d'abord, âme innocente Et mes trois genoux ; Ce roi barbu qui s'avance, C'est Tout-Or, devin Qui dépense sa chevance Chez les chands de vin. Je doute que le ciel pleuve Autant de folle eau Par an qu'en un jour ce fleuve Boit de bon lolo.
Le Casque, qui sans son Scribe Ne peut pas dormir, constamment d'alcool s'imbibe, Ainsi qu'Elémir ; Henri, - c'est une autre affaire, - Par tempérament Il boit tout : vin, liqueurs, bière Indifféremment. Jean quelquefois estropie - Mais, hélas ! c'est tout - Une indomptable pépie Qui le suit partout. Quelle boisson mirliflore Désaltérera Jamais la soif qui dévore Ce grand Sahara ? Hoschepot comme une foule Tout entière boit ; Pierre jamais ne dessoule Et Paul ne déboit ! Lasauve est un intrépide Devant Dieu soiffard ; Il aime tout vrai liquide, Je le dis sans fard.
Tanzouille, âme sans cervelle, S'éveille en cerceau A chaque aurore nouvelle Au sein d'un ruisseau ; Lerat pintecomme un chantre Qui serait un trou ; Tout ce qu'il absorbe, où diantre Peut-il mettre ? où ? Un dieu sans doute l'assiste. Quant à Casimir, Il boit comme un organiste, A faire frémir ;
Bourdelle le joyeux pante N'est qu'un alambic ; Il a le gosier en pente Plus qu'un roc à pic.
Lacaille, licheur notable, Reste, le mâtin ! Du matin au soir à table, Du soir au matin. On se demande à quelle heure Il fait des enfants Qui remplissent sa demeure De cris d'éléphants.
Voir Everault sans sa cuite C'est un pur hasard ; Quelquefois sept jours de suite Il rentre pochard ; Il se coucha alors, l'infâme ! Avec son chapeau ; Mais il accrocha sa femme Au porte-manteau... De toute cette Pologne De pochards, ma foi, Je crois que le moins ivrogne C'est encore moi.
__________________
Raoul PONCHON
LES RÉGIMES
Parbleu, je les trouve sublimes Et merveilleux ces médecins Qui nous prescrivent des régimes Bouillons de culture et vaccins
Chargés de partir en croisade Contre les microbes sournois, Petits vagabonds en balade, Qui se glissent en lapinois
A travers le sombre dédale Du grêle ou du gros intestin, chez lesquels ce que l'on avale A toujours le pire destin.
Nous serions tous, à les entendre De noirs foyers infectieux Pleins de bacilles à revendre... Mais comment faisaient nos aïeux ?
Je ne vois pas qu'à leur époque Ils aient vécu moins vieux que nous. Même leur souvenir évoque Des gaillards buvant à grands coups,
Se nourrissant d'un tas de choses Qu'aujourd'hui l'on nous interdit, Et qui n'avaient pas de névroses Ni estomac en discrédit.
Ils ignoraient que l'appendice Etait chez eux en supplément Et pouvait prêter préjudice Au reste de l'ameublement.
Quand ils dégustaient sans vergogne De bons vins entre compagnons, Ils ne disaient pas : " ce Bourgogne Va brûler nos pauvres rognons. "
Et certes, ils riraient bien, je pense, Car c'est un suggestif tableau, D'apprendre, que par correspondance, On met en bouteilles... de l'eau !
Or, si, sans faire un tel manège, Nos anciens se portaient fort bien, Avaient-ils donc le privilège De n'avoir rien de microbien ?
Faut-il croire que le bacille Ait attendu jusqu'à nos jours Pour venir prendre domicile Dans le ventre et ses alentours ?
Non, je crois que ces petits êtres, Intrépides explorateurs, Ont de tout temps traîné leurs guêtres Dans nos maquis intérieurs ;
Seulement on n'y songeait guère, Ils vivaient chez nous incompris ; Au lieu de leur faire la guerre, On les traitait par le mépris.
Maintenant, comme nourriture, Pour exaspérer ces intrus, On prend des bouillons de culture Plein d'innombrables détritus.
Par ordonnance, l'on consomme Du lait tourné, doux aliment, Ou le ferment du jus de pomme (N'allez pas lire : le Serment
Du jeu de Paume) ; l'eau filtrée A remplacé les vins de choix ; Et les farineux en purée, L'artichaut et les petits pois.
Enfin une chose m'épate, Tout le fait me paraît inouï : Hier on condamnait la tomate, On nous la prescrit aujourd'hui.
Hier les œufs étaient une chose Saine... à présent on les défend, Et c'est de la tuberculose Que dans le lait gobe un enfant.
Au fond, ce n'est que de la frime, Et ceux qui suivent les avis Devraient choisir comme régime Le millet et le chènevis.
À SUIVRE...
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 3 Aoû - 19:39 | |
| [/Alphonse ALLAIS (1854-1905)
COMPLAINTE AMOUREUSE (à ne pas faire lire par un bègue)
Oui dès l'instant que je vous vis Beauté féroce, vous me plûtes De l'amour qu'en vos yeux je pris Sur-le-champ vous vous aperçûtes Ah ! Fallait-il que je vous visse Fallait-il que vous me plussiez Qu'ingénument je vous le disse Qu'avec orgueil vous vous tussiez Fallait-il que je vous aimasse Que vous me désespérassiez Et qu'enfin je m'opiniâtrasse Et que je vous idolâtrasse Pour que vous m'assassinassiez __________________
Alphonse ALLAIS (1854-1905)
LA CHÂTIMENT DE LA CUISSON APPLIQUÉ AUX IMPOSTEURS
Chaque fois que les gens découvrent son mensonge, Le châtiment lui vient, par la colère accru. " Je suis cuit, je suis cuit ! " gémit-il comme en songe.
Le menteur n'est jamais cru. __________________
Émile GOUDEAU
ADJECTIVISME ADVERBIAL
Auprès du fier Pourquoi le noir Comment se dresse. Le Jamais les poursuit; mais Eternellement, Dans le mystère d'une féconde caresse, Jette sur le Pourquoi le baiser du Comment...
Le Peut-Etre s'impose aux timorés du rêve ; Et, dans le tourbillon des mortelles amours, Le Pas-Possible, froid et tranchant comme un glaive, Fauche les coeurs humains assoiffés du Toujours.
Poussé par un orgueil sinistrement aptère, L'ingénieur cadastral ensevelit feu Dieu ! Ses pensers, sous la pesanteur du Terre-à-Terre, Pour choir au fond du Rien suivent l'A-Queue-Leu-Leu.
Depuis le jour maudit, féroce et sacrilège, Où Caïniquement le Près tua le Loin, On a bouclé l'Azur avec un vieux "Que Sais-Je ?" Et, dans le Corps désert, l'Ame n'a plus un coin.
Le Moins vient t'enchaîner, et le Peu te gouverne ; Dans l'Insuffisamment vont s'enliser tes pas : A-Peine, avec un sec ricanement, te berne, Et l'En-Vain de ton vol te plonge en l'Ici-Bas.
Tu ne veux plus du Trop, dont l'Assez te domine... Tais-toi, brute, digère en fermant les deux yeux ! Ne creuse point l'Ailleurs dans la céleste mine, Et, par crainte du Pire, éloigne-toi du Mieux !
Tel apparaît l'essor de l'Homme fils du vin, Mêlant le Nonobstant avec le Toutefois, Supputant les soleils, comme on marque du lin, Et vers le fier Là-Haut crachant d'insanes lois.
O parasites verts ! bariolés faussaires ! Ces Adjectifs, ces Adverbes exorbitants Envoûtent de leurs étendards de janissaires Les Substantifs, vizirs, et les Verbes, sultans.
Quel chef réprimera ces hordes en tumulte, Ces eunuques émasculant la volonté Du Substantif à qui seul appartient le culte, Et du Verbe en qui seul fleurit la Vérité ?
O jour ! Quand la Substance, étalant sa Superbe, Domptera le troupeau des colorations ! O force !! Quand le Verbe égorgera l'Adverbe Devant l'effarement des Interjections !!!
Mais d'ici là, Pourquoi près de Comment se dresse ; Et Jamais les poursuit ; mais Eternellement, Dans le mystère d'une inféconde caresse, Jette sur le Pourquoi le baiser du Comment. _________________
Jean LORRAIN
SAUT D'OBSTACLES
Le marquis est navré : c'est une fausse couche.
Coiffée en jeune gars et svelte en long peignoir, La petite marquise au fond de son boudoir Reçoit ses visiteurs, le sourire à la bouche.
"Allons, ne pleurez pas... Est-ce que ça me touche ?" Dit-elle, toute drôle, au duc de Bonvouloir, Qui, datant du roi Louis, croit être au désespoir, "Pour un enfant lavé, vous voilà bien farouche !
Il m'embêtait assez ce môme, à mettre au jour, Puis les enfants, cher duc, c'est la mort de l'amour. Enfanter et nourrir, c'est écoeurant, parole.
Eut-on jamais l'idée à vingt ans d'accoucher ? Aussi j'ai travaillé rageusement, en folle Cheval et sauts d'obstacle... et je l'ai ... décroché."
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Jeu 4 Aoû - 17:46 | |
| Abbé LATTAIGNANT
LE MOT ET LA CHOSE
Madame quel est votre mot Et sur le mot et sur la chose On vous a dit souvent le mot On vous a fait souvent la chose Ainsi de la chose et du mot Vous pouvez dire quelque chose Et je gagerais que le mot Vous plaît beaucoup moins que la chose Pour moi voici quel est mon mot Et sur le mot et sur la chose J'avouerai que j'aime le mot J'avouerai que j'aime la chose Mais c'est la chose avec le mot Mais c'est le mot avec la chose Autrement la chose et le mot A mes yeux seraient peu de chose Je crois même en faveur du mot Pouvoir ajouter quelque chose Une chose qui donne au mot Tout l'avantage sur la chose C'est qu'on peut dire encore le mot Alors qu'on ne fait plus la chose Et pour peu que vaille le mot Mon Dieu c'est toujours quelque chose De là je conclus que le mot Doit être mis avant la chose Qu'il ne faut ajouter au mot Qu'autant que l'on peut quelque chose Et que pour le jour où le mot Viendra seul hélas sans la chose Il faut se réserver le mot Pour se consoler de la chose Pour vous je crois qu'avec le mot Vous voyez toujours autre chose Vous dites si gaiement le mot Vous méritez si bien la chose Que pour vous la chose et le mot Doivent être la même chose Et vous n'avez pas dit le mot Qu'on est déjà prêt à la chose Mais quand je vous dis que le mot Doit être mis avant la chose Vous devez me croire à ce mot Bien peu connaisseur en la chose Et bien voici mon dernier mot Et sur le mot et sur la chose Madame passez-moi le mot Et je vous passerai la chose. _________________
Raoul PONCHON
LES REGIMES
Parbleu, je les trouve sublimes Et merveilleux ces médecins Qui nous prescrivent des régimes Bouillons de culture et vaccins
Chargés de partir en croisade Contre les microbes sournois, Petits vagabonds en balade, Qui se glissent en lapinois
A travers le sombre dédale Du grêle ou du gros intestin, chez lesquels ce que l'on avale A toujours le pire destin.
Nous serions tous, à les entendre De noirs foyers infectieux Pleins de bacilles à revendre... Mais comment faisaient nos aïeux ?
Je ne vois pas qu'à leur époque Ils aient vécu moins vieux que nous. Même leur souvenir évoque Des gaillards buvant à grands coups,
Se nourrissant d'un tas de choses Qu'aujourd'hui l'on nous interdit, Et qui n'avaient pas de névroses Ni estomac en discrédit.
Ils ignoraient que l'appendice Etait chez eux en supplément Et pouvait prêter préjudice Au reste de l'ameublement.
Quand ils dégustaient sans vergogne De bons vins entre compagnons, Ils ne disaient pas : " ce Bourgogne Va brûler nos pauvres rognons. "
Et certes, ils riraient bien, je pense, Car c'est un suggestif tableau, D'apprendre, que par correspondance, On met en bouteilles... de l'eau !
Or, si, sans faire un tel manège, Nos anciens se portaient fort bien, Avaient-ils donc le privilège De n'avoir rien de microbien ?
Faut-il croire que le bacille Ait attendu jusqu'à nos jours Pour venir prendre domicile Dans le ventre et ses alentours ?
Non, je crois que ces petits êtres, Intrépides explorateurs, Ont de tout temps traîné leurs guêtres Dans nos maquis intérieurs ;
Seulement on n'y songeait guère, Ils vivaient chez nous incompris ; Au lieu de leur faire la guerre, On les traitait par le mépris.
Maintenant, comme nourriture, Pour exaspérer ces intrus, On prend des bouillons de culture Plein d'innombrables détritus.
Par ordonnance, l'on consomme Du lait tourné, doux aliment, Ou le ferment du jus de pomme (N'allez pas lire : le Serment
Du jeu de Paume) ; l'eau filtrée A remplacé les vins de choix ; Et les farineux en purée, L'artichaut et les petits pois.
Enfin une chose m'épate, Tout le fait me paraît inoui : Hier on condamnait la tomate, On nous la prescrit aujourd'hui.
Hier les œufs étaient une chose Saine... à présent on les défend, Et c'est de la tuberculose Que dans le lait gobe un enfant.
Au fond, ce n'est que de la frime, Et ceux qui suivent les avis Devraient choisir comme régime Le millet et le chènevis. _________________
ENVERS
Persée est un héros grec né des amours compliquées de Zeus avec la belle Danaé. La légende des amants ayant inspiré quelque dramaturge, on choisit pour interpréter le rôle une jeune actrice qui passait pour si accueillante aux hommages masculins qu'elle leur tournait volontiers le dos.
L'actrice qu'on vint à choisir Pour ce beau rôle d'Andromède Passait pour prendre son plaisir Par où l'on prend plutôt remède C'est pourquoi l'on dit que, rêvant De nous fournir double carrière, Elle est Andromède en avant Et Persée aussi par-derrière.
Pierre LOUYS _________________
LE FARD
Marcus Valerius Martial (40 - 140), le célèbre épigrammatiste, détestait les fards et, plus encore, les coquettes qui se dissimulaient sous leur couche. Il ne l'envoya pas dire à la vieille Polla.
Renonce aux parfums, au fard, Comme toi, quand on est laide, On l'est encore moins sans l'aide De ces prestiges de l'art.
MARTIAL
Avec ce teint fardé, du temps crains les caprices, Il pourrait démasquer soudain les artifices. Ne va pas au soleil car il fondrait ton blanc, Et par la pluie, en pleurs, tu le verras coulant.
MARTIAL _________________
FOUTRE
Le poète et satiriste Mathurin Régnier (1573 - 1613) s'étant un jour oublié jusqu'à jurer en présence de sa belle eut à subir ses foudres. Dans une épigramme, il reconnut le forfait, mais ne put s'empêcher de retourner la situation à son profit.
Hier, la langue me fourcha. Devisant avec Antoinette, Je dis "foutre !" et cette finette Me fit la mine et sa fâcha.
Je déchus de tout mon crédit Et vis, à sa couleur vermeille, Qu'elle aimait ce que j'avais dit, Mais en autre part qu'en l'oreille.
Mathurin RÉGNIER _________________
LAIDE
Madeleine de Scudéry (1607 - 1701) n'était pas ce qui s'appelle une belle femme. Un épigrammatiste demeuré anonyme l'épingla en quatre vers :
La vertu de Doris est, dit-on, un modèle Je n'en suis pas très ébloui : Le péché n'eut jamais grande prise sur elle Elle est aussi laide que lui.
ANONYME. ___________________
STANCES A MARQUISE
En 1658, le vieux Corneille a alors cinquante-deux ans. Il tombe amoureux fou de Marquise et dépose à ses pieds son talent et sa renommée. Mais elle le trouve trop vieux et le repousse. Vexé, Corneille dédie ces stances cruelles pour lui rappeler que le génie n'a pas d'âge et dure plus que la beauté :
Marquise, si mon visage A quel traits un peu vieux Souvenez-vous qu'à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux.
La réponse de Marquise se fit attendre plus de deux siècles et demi, sous la plume de Tristan Bernard qui imagina la réponse.
Peut-être que je serai vieille, Répond Marquise, cependant, J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille, Et je t'emmerde en attendant. *
* Encore un demi-siècle plus tard arriva Georges Brassens, qui mit le tout en musique. __________________
MÉDECINS
Les médecins de l'ancien régime, sous un déguisement grotesque, dissimulaient mal une absence encyclopédique de connaissances. Boileau a composé une méchante épigramme à leur propos.
Paul, ce grand médecin, l'effroi de son quartier Qui causa plus de maux que la peste ou la guerre, Est curé maintenant et met les gens en terre : Il n'a pas changé de métier.
BOILEAU _________________
ACTRICES
Entre deux actrices nouvelles Les beaux esprits sont partagés ; Mais ceux qui ne se sont rangés Sous le drapeau d'aucune d'elles Préfèreront sans contredit, Sauf le respect de Melpomène, Entendre l'une sur la scène Et tenir l'autre dans son lit.
ANONYME ___________________
ADULTÈRE
Ah ! premier rendez-vous dans notre petit nid ! Mais, hélas ! quel affreux changement au programme : Elle m'a tellement parlé de son mari, Que je n'ai pu placer un seul mot sur ma femme.
Fernand GREGH __________________
L'AIGLON
Lorsque le Sénat harangua Le roi de Rome dans sa couche : "Messieurs, votre hommage me touche !" Dit l'enfant en faisant caca. Cela passa de bouche en bouche.
ANONYME _________________
AUBERGE
Au diable ! Auberge immonde ! Hôtel de la punaise, Où la peau, le matin, se couvre de rougeurs, Où la cuisine pue, où l'on dort mal à l'aise, Où l'on entend chanter les commis voyageurs !
Victor HUGO
(Devrait figurer, pour certains restaurants, dans le "Hugo et Millau"). _________________
FLEURS BLANCHES (Destiné à la marquise de Pompadour)
La marquise a bien des appas, Ses traits sont fins, ses grâces franches, Et les fleurs naissent sous ses pas ; Mais, hélas, ce sont des fleurs blanches.
MAUREPAS ___________________
BOUTONS (pas de rose, hélas !)
A Flore, elle a fait un larcin, C'est un printemps en miniature ; Elle a les roses dans la main, Et les boutons sur la figure.
Alexandre Dumas fils. (A une comédienne vieillissante qui s'obstinait à jouer les coquettes. _________________
À Victor HUGO (inventeur des mots et manieur des phrases).
Où, ô Hugo, huchera-t-on ton nom ? Justices, enfin, que faite ne t'a-t-on ? Quand donc au corps qu'académique on nomme, Grimperas-tu, de roc en roc, rare homme ?
PARSEVAL-GRANDMAISON (Dérision sur V. Hugo) _________________
CAFÉ
Le café toujours nous réveille. Cher Rousseau, par quel triste effort, Fais-tu donc que chacun sommeille ? Le café, chez toi seul, endort.
ANONYME
Un critique, au sujet d'une pièce de Jean-Baptiste ROUSSEAU (à ne pas confondre avec Jean-Jacques) dont le spectacle était assommant à souhait. __________________
CALOMNIE
Tu dis partout du mal de moi Je dis partout du bien de toi ; Mais, vois quel malheur est le nôtre : On ne nous croit ni l'un ni l'autre !
Bernard de La MONNOYE. (Leçon de modestie) __________________
COMÉDIENNE
Célimène au salon, à peine incommodée, Tient sa place parmi les dames haut gradées Qui possédaient jadis en fiefs toute la France, Mon Dieu, la seule différence C'est que toute la France, elle, l'a possédée.
ANONYME. (À une comédienne de vertu peu farouche) _________________
Ses parents, très croyants, l'avaient prénommé Pie Ils comptaient bien en faire un moine ou un abbé Mais l'ado s'enfuira, il deviendra hippie Fou de hasch et de sexe, il pourra s'éclater
Moralité :
Hippie, Pie pourra.
ANONYME _________________
Thomas était petit, on l'appelait Tom Pouce Il alla dans un pré, un pur-sang l'avala Il cria « Au secours ! » mais entendant cela le fermier, nommé G., s'est esquivé en douce.
Moralité :
G. laisse Thomas dans l'étalon. _________________
Un éboueur véreux pour gagner quelque argent Oeuvrait souvent au noir pour des particuliers Il déchargeait souvent deux bennes en la journée. Mais un soir de labeur, il eut un accident.
Moralité :
A chaque jour suffit sa benne.
ANONYME _________________
Elle tissa ses vers au firmament céleste Elle y mit galaxies, constellations, comètes Mais parfois on lui dit "descend de ta planète car dans les hautes sphères, ta poésie s'embête."
Moralité :
D'étoiles l'art est niais
ANONYME _________________
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Dim 7 Aoû - 10:44 | |
| C'est excellent et me fait bien penser à nos chers chansonniers "aux deux ânes", le "Caveau de la République, où j'allais les écouter chaque visite à Paris !!! Il me manque beaucoup...Merci André de nous faire revivre de si beaux moments ! | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Dim 7 Aoû - 11:05 | |
| Merci pour ces textes acerbes . Je suis dans mon élément en lisant tous ces pamphlétaires |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Dim 7 Aoû - 19:41 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 8 Aoû - 19:41 | |
| - MIRCO a écrit:
- Merci pour ces textes acerbes .
Je suis dans mon élément en lisant tous ces pamphlétaires
Bonsoir MIRCO,
Oui, le pamphlet n'est certes pas référencé au nombre des instruments de torture, et, pourtant, les blessures qu'il peut provoquer, pour n'être que d'ordre moral, peuvent souvent se révéler plus douloureuses que des souffrances corporelles et plus difficiles à guérir.
J'aime bien l'imagination et la verve des satiristes inspirés, sous réserve que le "pamphlet" est l'arme de ceux qui ont découvert l'erreur, mais pas encore la vérité. Je les préfère facétieux à ceux qui sont violents. Ou encore ceux qui sont anecdotiques et quelque peu bouffons. Ce sont ceux-là que je privilégient. Ils font davantage appel à l'esprit et à l'humour qu'à l'agressivité.
MERCI de ta visite ainsi que de tes impressions, MIRCO.
Bonne soirée et CHALEUREUSE AMITIÉ;
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 8 Aoû - 19:49 | |
| L'EXPLORATEUR
Ah ! j'en puis raconter, de tragiques histoires !!! Lorsque nous traversions les déserts du Thibet, Nous n'étions pas mariols et nous faisions des poires ! Pensez : c'était la boustifaille qui manquait !
Pas de restaurant dans ces immensités noires ! Pas de Duval ! Pas de Chartier ! Pas de Buffet ! Pour calmer les cris de mes dents attentatoires, Je songeai que mon boy était bien grassouillet.
L'un de nous, bon tireur, couche un yack sur le sable. Un yack ! Voilà de quoi calmer notre estomac ; Et, sans tergiverser, nous nous mettons à table.
Nous mangeâmes un quart de l'animal ; mais diable ! Le soir, nos coeurs battaient de façon effroyable ! Ça devait arriver : c'est le mal du "quart d'yack".
Alphonse ALLAIS. _____________________
LE GARDIEN DE MUSÉE.
De tout ce saint-frusquin antique, - Gallo-romain ou gallo grec, - Le gardien avait le respect, L'admiration frénétique.
Et le visiteur britannique Ayant - d'un geste net et sec - Planté son couteau fanatique Dans une table en bois de teck,
Le sensible uniformifère Entre les pleurs et la colère Quelques secondes balança ;
Puis, montrant l'arme abominable Que l'autre en la table enfonça, Il lamenta : c'est "lame en table" !!
Alphonse ALLAIS. ____________________
CONCOURS LÉPINE.
Débordé par la mise en place colossale De son concours, Monsieur le préfet Louis Lépine N'a plus le temps, le soir, de se laver... les dents.
Moralité :
Lépine dort sale.
Claude GAGNAIRE. __________________
BETHLÉEM.
Quand le Petit Jésus naquit sous une bâche, Il n'eut, pour le chauffer, qu'un âne et qu'une vache.
Moralité :
Sans feu, naître !
Claude GAGNIÈRE. ___________________
Faisons l’amour, faisons la guerre ; Les deux métiers sont pleins d’attraits. La guerre au monde est un peu chère, L’amour en rembourse les frais. Que l’ennemi, que la bergère, Soient tour à tour serrés de près ; Eh ! mes amis, peut-on mieux faire, Quand on a dépeuplé la terre, Que de la repeupler après ?
BUSSY-RABUTIN ____________________
Un jeune amant, plein d’amoureuse flamme, Cherchant le bien du plaisir amoureux, Le doux milieu demandait à sa dame Pour y trouver son repos bienheureux. Elle lui dit : « Si j’étais déloyale, De mon milieu, j’étais si libérale, À un ami, je le voudrais bailler Non pour repos, mais pour y travailler. »
Pierre MOTIN ____________________
LA PUCE
Au dortoir Sur le soir La sœur Luce, En chemise et sans mouchoir, Cherchait du blanc au noir À surprendre une puce.
À tâton Du téton À la cuisse L’animal ne fait qu’un saut Ensuite un peu plus haut, Se glisser Dans la petite ouverture, Croyant sa retraite sûre.
De pincer Sans danger Il se flatte. Luce, pour se soulager, Y porte un doigt léger Et gratte.
En ce lieu Par ce jeu Tout s’humecte. À force de chatouiller, Venant à se mouiller, Elle noya l’insecte.
Mais enfin, Ce lutin, Qui rend l’âme, Veut faire un dernier effort. Luce grattant plus fort Se pâme !
Alexis PIRON. _____________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 12 Aoû - 12:43 | |
| La poésie et l’humour rendent en effet possible un rire sur la religion plutôt irrévérencieux que strictement blasphématoire. Musset parvient précisément à se situer sur les zones frontières ; dans ce poème adressé « À Ulric Guttinguer », il évoque l’état provoqué par l’absinthe, qui permet de voir le ciel double :
Pour un chrétien, quel agrément ! Jugez combien l’ivresse est sainte, Puisque, avec deux verres d’absinthe, On peut doubler le firmament. Ne riez pas, l’absinthe est bonne ; L’Écriture en parle beaucoup, Et quelque part, Dieu me pardonne ! Notre Seigneur en but un coup ________________
Les vieilles coquettes constituent un inépuisable sujet d'épigrammes. En voici deux, adressées, l'une à une "édentée", l'autre à une "boutonneuse" :
Chloé, vieille sempiternelle Me garde, dit-on, une dent ; Ce trait est beau, mais imprudent Elle n'en aura plus pour elle.
Pierre CAPELLE
À Flore, elle a fait un larcin C'est le printemps miniature Elle a des roses sur la main Et des boutons sur la figure !
Alfred de MUSSET
Sous le second Empire, l'opposition républicaine déchaînait ses traits. Le jour du mariage de Napoléon III avec Eugénie de Montijo (1853), cette épigramme anonyme amusa le tout Paris :
Montijo, plus belle que sage De l'Empereur comble les vœux. Ce soir, s'il trouve un pucelage C'est que la belle en avait deux !
Et Victor HUGO s'était écrié : "L'aigle épouse une cocotte", ce qui était moins drôle. D'ailleurs Victor HUGO qui avait trop de génie pour posséder la grâce que requiert l'épigramme, écrivit ce quatrain suivant au sujet de Mlle GEORGES, la comédienne aux formes rebondies :
Par la superbe Georges L'éléphant fut vaincu On croyait voir sa gorge Ce n'était que son cul.
Edmond ROSTAND, après avoir obtenu des triomphes avec son "Cyrano de Bergerac" et "l'Aiglon", fit attendre longtemps sa pièce suivante "Chanteclerc" dont il avait situé l'action dans une basse-cour. Les comédiens déguisés furent trouvés peu convaincants, et pour tout dire, ennuyeux. Ce fut un échec éclatant... que résume fort bien l'épigramme suivant :
Nous sommes fort admirateurs, Chanteclerc, de ta voix sonore : Elle fait s'éveiller l'aurore Et s'endormir les spectateurs.
Alexandre DUMAS soupait chez un médecin très célèbre et très riche dont on murmurait que les malades mettaient peu d'empressement à guérir. Lorsqu'on lui demanda d'écrire quelques mots sur le "livre d'Or", DUMAS s'exécuta (à moins que ce ne fût son hôte !)
Depuis que le docteur Gistal Soigne des familles entières, On a démoli l'hôpital... Et l'on a fait deux cimetières.
En 1925, François PORCHÉ fit présenter à Rouen sa Vierge au grand coeur, une pièce qu'il avait écrite en hommage à Jeanne d'Arc. Jean GIRAUDOUX lui régla son compte en deux vers :
Rouen, prépare tes bûchers ! Après Cauchon, voci Porché ! Lorsqu'on s'appelle Henry BORDEAUX, on se doit d'être un grand cru. Hélas ! Cet écrivain bourgeois et conventionnel ne vendangeait qu'une "piquette" insignifiante. Comment s'étonner que son nom ait inspiré cette épigramme :
Ne dites pas d'Henry Bordeaux qu'il "fait sous lui" Lorsqu'il fabrique de la prose, Dites plus décemment pour masquer votre ennui : "Ce Bordeaux vieillit, il dépose ! "
Jean d'AUVREY
N'en déplaise à Ronsard, les tétins de nos filles A des boules ne sont comparés justement, Car la boule ne sert qu'à abattre des quilles, Mais un beau sein les fait redresser promptement ________________
Charles de BAUDELAIRE
Les Belges poussent, ma parole, L'imitation à l'excès, Et, s'ils attrapent la vérole, C'est pour ressembler aux Français _________________
LEBRUN-PINDRARE
Ne cherchons point un vain détour Pour excuser notre faiblesse : Les premiers soupirs de l'amour Sont les derniers de la sagesse __________________
Jean François SARASIN
Par ces quatre mots de prose Je vous mets mon cœur en main; S'il est bien reçu, demain J'y mettrais quelque autre chose ___________________
Jacques de CAILLY
Considère-moi bien, regarde bien Clymène; Nous naquîmes tous deux dans la même semaine; Tous deux, à cinq jours près, somme du même temps; Cependant, vois quel tord me font les destinées : Depuis sept mois j'ai trente-six années Et ce charmant objet n'a toujours que vingt ans. _________________
GIRAUDY
N'accusons plus de fausseté Ce beau sexe qui nous enchante; Mes amis, la femme est constante. Au moins dans sa légèreté _________________
Madame de la SABLIÈRE
Elle est coquette, sotte et belle, Assez belle pour le plaisir, Assez sotte pour mal choisir, Assez coquette enfin pour n'être pas cruelle : Elle aura la foule chez elle. ________________
PAVILLON Étienne
Apprenez, bienheureux amants, Qu'il n'est point d'amour éternelle : Quand on ne veut point voir sa maîtresse infidèle, Il ne faut pas vivre longtemps ________________
Paul SCARRON
Dame Astartot, je te hais tant Et d'une haine enracinée, Qu'encor que je sois mal content De ma chienne de destinée, Je voudrais vivre cent ans Afin de te haïr longtemps. _____________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 16 Aoû - 11:52 | |
| Auguste BARBIER
Nous avons tout perdu, tout, jusqu’à ce gros rire Gonflé de gaîté franche et de bonne satire, Ce rire d’autrefois, ce rire des aïeux Qui jaillissait du cœur comme un flot de vin vieux , Le rire sans envie et sans haine profonde, Pour n’y plus revenir est parti de ce monde. Quel compère joyeux que le rire autrefois ! Maintenant il est triste, il chante à demi-voix, Il incline la tête et se pince la lèvre ; Chaque pli de sa bouche est creusé par la fièvre : Adieu le vin, l’amour, et les folles chansons ! _____________________
Alfred de MUSSET
S'auto-critiquant pour les défauts de son texte
J’ai fait un hiatus indigne de pardon ; Je compte là-dessus rédiger une note. J’en suis donc à te dire… Où diable en suis-je donc ? Ensuite, après avoir utilisé le mot « mahométanisme » : Diable ! j’ai du malheur, – encore un barbarisme. On dit mahométisme, et j’en suis bien fâché. Il fallait me lever pour prendre un dictionnaire, Et j’avais fait mon vers avant d’avoir cherché. Je me suis retourné, – ma plume était par terre. J’avais marché dessus, – j’ai soufflé, de colère, Ma bougie et ma verve, et je me suis couché. Tu vois, lecteur, jusqu’où va ma franchise. _______________ La place accordée au calembour dans l’œuvre poétique de Hugo est représentative d’une pratique assez répandue. En dehors de la satire, le calembour est essentiellement cantonné en marge des recueils ; œuvres de jeunesse, pièces de circonstance non publiées, notes compilées en portefeuilles, marginalia qui font la fortune des éditions posthumes et des anthologies comiques, en révélant ce type de calembour sous la plume du « géant » : Mac-Mahon, tant de fois vaincu, Es-tu donc avide de gloire Au point de jouer dans l’histoire Le même rôle que Monk eut ? _______________________ Michel DEVILLE Né en 1931 est un cinéaste connu, C'est aussi un poète, moins connu, auteur de pas moins de huit recueils, dont beaucoup consacrés à la poésie satirique et humoristique. Je vous donne un exemple de son travail. Poème écrit à la manière de Rudyard Kipling ("Tu seras un homme mon fils") RIEN N'EST SÛR
Lorsque l'on tremble encore à l'approche de l'autre, Lorsque le doute encore est infiniment nôtre, Lorsque les intuitions sont approximatives, Lorsque devient l'humeur, pour un rien, agressive, Lorsque la main est moite et le regard crétin, Lorsque le tutoiement est encore incertain, Lorsqu'on éclate en pleurs pour une peccadille, C'est qu'on est amoureux, ma fille. Si tu ne trembles plus, si tu n'as plus de doute, Si ton humeur est droite ainsi qu'une autoroute, Si galante est ta main Et ton regard câlin, Si tu en viens au tu sans tergiversation, Si tu ne pleures plus avec obstination, Si tu tires la langue à toute ta famille, Tu seras un homme, ma fille. __________________
Camille SAINT SAÊNS
MEA CULPA
Meâ culpâ! je m'accuse De n'être point décadent. Dans les fruits trop verts, ma Muse N'ose pas mettre la dent.
Les gambades périlleuses Ne sont pas de mon ressort: Ces gaîtés sont dangereuses Pour qui n'est pas assez fort.
La témérité m'enchante Chez les jeunes imprudents; Mais tranquillement je chante, Laissant passer les ardents.
Ils vont, rompant tous les câbles, Franchissant tous les fossés, Truffant d'étranges vocables Les hémistiches cassés,
Et composent des salades De couleurs avec des sons, À faire tomber malades Les strophes et les chansons.
Du diable si je m'y frotte! Tout ça n'est pas pour mon nez; On m'enverrait à la hotte Avec les journaux mort-nés.
Je deviendrais vite aphone, Si j'allais en étourdi M'égosiller comme un Faune Fêtant son après-midi.
Laissons tous ces jeux d'adresse À l'érudit, au savant. Ce qui siérait à l'Altesse Ne vaut rien pour le manant. ____________________
Théodore de BANVILLE
VIRELAI À MES ÉDITEURS
Barbanchu nargue la rime! Je défends que l'on m'imprime!
La gloire n'était que frime; Vainement pour elle on trime, Car ce point est résolu. Il faut bien qu'on nous supprime: Barbanchu nargue la rime!
Le cas enfin s'envenime. Le prosateur chevelu Trop longtemps fut magnanime. Contre la lyre il s'anime, Et traite d'hurluberlu Ou d'un terme synonyme Quiconque ne l'a pas lu. Je défends que l'on m'imprime.
Fou, tremble qu'on ne t'abîme! Rimer, ce temps révolu, C'est courir vers un abîme, Barbanchu nargue la rime!
Tu ne vaux plus un décime! Car l'ennemi nous décime, Sur nous pose un doigt velu, Et, dans son chenil intime, Rit en vrai patte-pelu De nous voir pris à sa glu. Malgré le monde unanime, Tout prodige est superflu. Le vulgaire dissolu Tient les mètres en estime: Il y mord en vrai goulu! Bah! pour mériter la prime, Tu lui diras: Lanturlu! Je défends que l'on m'imprime.
Molière au hasard s'escrime, C'est un bouffon qui se grime; Dante vieilli se périme, Et Shakspere nous opprime! Que leur art jadis ait plu, Sur la récolte il a plu, Et la foudre pour victime Choisit leur toit vermoulu. C'était un régal minime Que Juliette ou Monime! Descends de ta double cime, Et, sous quelque pseudonyme, Fabrique une pantomime; Il le faut, il l'a fallu. Mais plus de retour sublime Vers Corinthe ou vers Solyme! Ciseleur, brise ta lime, Barbanchu nargue la rime!
Seul un réaliste exprime Le Beau rêche et mamelu: En douter serait un crime. Barbanchu nargue la rime! Je défends que l'on m'imprime. | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 26 Aoû - 12:06 | |
| Au sens strict, le rire est une manifestation corporelle. Même s’il est sans doute nécessaire, comme le propose Jean-Paul Richter, de distinguer « le rire de l’esprit » du « rire du corps ». La réflexion romantique sur le grotesque, notamment celle de Hugo dans la préface de Cromwell, inscrit d’emblée le rire dans une relation de dépendance avec le corps : qu’il suscite le rire ou qu’il l’exprime, le corps pour les romantiques reste le point d’ancrage indispensable au rire :
Hassan avait d’ailleurs une très noble pose, Il était nu comme Ève à son premier péché. Quoi ! tout nu ! dira-t-on, n’avait-il pas de honte ? Nu, dès le second mot ! - Que sera-ce à la fin ? Monsieur, excusez-moi, - je commence ce conte Juste quand mon héros vient de sortir du bain. Je demande pour lui l’indulgence, et j’y compte. Hassan était donc nu, - mais nu comme la main, - Nu comme un plat d’argent, - nu comme un mur d’église, Nu comme le discours d’un académicien. Ma lectrice rougit, et je la scandalise. On est si bien tout nu, dans une large chaise ! Croyez-m’en, belle dame, et, ne vous en déplaise, Si vous m’apparteniez, vous y seriez bientôt. Vous en crieriez sans doute un peu, - mais pas bien haut. Dans un objet aimé, qu’est-ce donc que l’on aime ? Est-ce du taffetas ou du papier gommé ? Tout est nu sur la terre, hormis l’hypocrisie ; Tout est nu dans les cieux, tout est nu dans la vie, Les tombeaux, les enfants et les divinités, Tous les cœurs vraiment beaux laissent voir leurs beautés. Ainsi donc le héros de cette comédie Restera nu, madame, - et vous y consentez. __________________
IMPROMPTU À MADAME LA DUCHESSE DE LUXEMBOURG, QUI DEVAIT SOUPER AVEC M. LE DUC DE RICHELIEU.
Un dindon tout à l'ail, un seigneur tout à l'ambre, A souper vous sont destinés : On doit, quand Richelieu paraît dans une chambre, Bien défendre son cœur, et bien boucher son nez. __________________
Théodore de BANVILLE
À UN AMI POUR LUI RÉCLAMER LE PRIX D'UN TRAVAIL LITTÉRAIRE
Mon ami, n'allez pas surtout vous soucier De la lettre qu'on vous apporte; Ce n'est qu'une facture, et c'est un créancier Qui vient de sonner à la porte.
Parcourant sans repos, dernier des voyageurs, Les Hélicons et les Permesses, Pour payer mes wagons, j'ai dû chez les changeurs Escompter l'or de vos promesses
Vérité sans envers, que l'on nierait en vain, Car elle est des plus apparentes, L'artiste ne peut guère, avec son luth divin, Réaliser assez de rentes.
Ainsi que la marmotte, il se sent mal au doigt A force de porter sa chaîne: Toujours il a mangé le matin ce qu'il doit Toucher la semaine prochaine.
A moins qu'il soit chasseur de dots, et fait au tour, Dieu sait quelle intrigue il étale Pour ne pas déjeuner, plus souvent qu'à son tour, Au restaurant de feu Tantale!
Moi qui n'ai pas les traits de Bacchos, je ne puis Compter sur ma beauté physique. Je suis comme la Nymphe auguste dans son puits; Je n'ai que ma boîte à musique!
Ainsi, j'ai beau nommer l'Amour « my dear child », Être un Cyrus en nos escrimes, Et faire encor pâlir le luxe de Rothschild Par la richesse de mes rimes,
Je ne saurais avec tous ces vers que paiera Buloz, s'il survit aux bagarres, D'avance entretenir des filles d'Opéra, Ni même acheter des cigares.
Oui, moi que l'univers prendrait pour un richard, Tant je prodigue les tons roses, Je suis, pour parler net, semblable à Cabochard, Je manque de diverses choses.
Le cabaret prétend que Crédit est noyé, Et, si ce n'est chez les Osages, Je m'aperçois enfin que l'argent monnoyé S'applique à différents usages.
Je sais bien que toujours les cygnes aux doux chants, Près des Lédas archiduchesses, Ont fait de jolis mots sur les filles des champs Et sur le mépris des richesses;
Monsieur Scribe lui-même enseigne qu'un trésor Cause mille angoisses amères ; Mais je suis intrépide: envoyez-moi de l'or, Je n'ai souci que des chimères ! ______________________
Théodore de BANVILLE
LA BELLE VERONIQUE.
Ce fut un beau souper, ruisselant de surprises. Les rôtis, cuits à point, n'arrivèrent pas froids; Par ce beau soir d'hiver, on avait des cerises Et du johannisberg, ainsi que chez les rois.
Tous ces amis joyeux, ivres, fiers de leurs vices, Se renvoyaient les mots comme un clair tambourin; Les dames, cependant, suçaient des écrevisses Et se lavaient les doigts avec le vin du Rhin.
Après avoir posé son verre encore humide, Un tout jeune homme, épris de songes fabuleux, Beau comme Antinoüs, mais quelque peu timide, Suppliait dans un coin sa voisine aux yeux bleus.
Ce fut un grand régal pour la troupe savante Que cette bergerie, et les meilleurs plaisants Se délectaient de voir un fou croire vivante Véronique aux yeux bleus, ce joujou de quinze ans.
Mais l'heureux couple avait, parmi ce monde étrange, L'impassibilité des Olympiens; lui, Savourant la démence et versant la louange, Elle, avalant sa perle avec un noble ennui.
L'ardente causerie agitait ses crécelles Sur leurs têtes; pourtant, quoi qu'il en pût coûter, Ils avaient les regards si chargés d'étincelles Que chacun à la fin se tut pour écouter.
-- « Vraiment? jusqu'à mourir! » s'écriait Véronique, En laissant flamboyer dans la lumière d'or Ses dents couleur de perle et sa lèvre ironique; « Et si je vous disais: « Je veux le Koh-innor? »
(Elle jetait au vent sa tête fulgurante, Pareille à la toison d'une angélique miss Dont l'aile des steam-boats à la mer de Sorrente Emporte avec fierté les cargaisons de lys!)
-- « Chère âme, » répondit le rêveur sacrilège, « J'irais la nuit, tremblant d'horreur sous un manteau, Blême et pieds nus, voler ce talisman, dussé-je Ensuite dans le coeur m'enfoncer un couteau. »
Cette fois, par exemple, on éclata. Le rire, Sonore et convulsif, orageux et profond, Joyeux jusqu'à l'extase et gai jusqu'au délire, Comme un flot de cristal montait jusqu'au plafond.
C'est un hôte ébloui, qui toujours nous invite. La fille d'Eve eut seule un éclair de pitié; Elle baisa les yeux de l'enfant, et bien vite Lui dit, en se penchant dans ses bras à moitié:
-- « Ami, n'emporte plus ton coeur dans une orgie. Ne bois que du vin rouge, et surtout lis Balzac. Il fut supérieur en physiologie Pour avoir bien connu le fond de notre sac.
Ici, comme partout, l'expérience est chère. Crois-moi, je ne vaux pas la bague de laiton Si brillante jadis à mon doigt de vachère, Dans le bon temps des gars qui m'appelaient Gothon! » _____________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 26 Sep - 18:09 | |
| Raoul PONCHON
REPHORME DE l’ORTOGRAPHE
Akadémissiens de la grrande Ainstitute, Ki potacé san sesse et ki repotacé Ce bo diktionair ke partou lon raipute Tan kil ne restera plus zun mo de phrancé ;
Bien ke je soi de vou tout à faite inconue Lécé-moa vou çoumaître, ô doqtes Imortel, Une idé magnifike, idé ki mais venue Un çoir ke jean landais chanté Guyome Tel.
Je panse ke danz un éta des mots kratike Il ait bien maleureu de vouar k’un grrand Ceigneur Ecri kelkefoi moin bien ke son dos mestike San conpté ke çouvant il sen fête un oneur.
On conai l’ortografe ôci dé kuizinière Ki pace an phantézi tou ce con peu rêvé, L’ânerie à tou qoup i montre son dériaire. Alecsandre DuMat conpte kil an avé
Tune, ortografian de phaçon for chanpaître Son non, tel ke lu fai le phis du grand Sophi, Aile n’an koncervai pa une ceule lètre, Karr se noman Sophie elle éqrivai çauphy.
Mécieux, ci tou les jeans n’on pa la mêm ohrthographe C’ait qe bôcou d’antreu ne l’aprire jamets, D’ôtres i son rebèle inci k’une jiraphe, Et kelkes-uns ôci s’an phiche, jean cOhnets.
Or, dé çavans en us, vé nez râbles Caçandre, Et, par le dernié trin, venu de Batignol, Veule tripatouyé notre ortaugraffe é rendre Le phrançais akcécible au vaches espagnol.
Les un veule tué la plupar dé conçone ; D’ ôtres n’an trouve pas acé dans le mo cu ; Celuissi ne veu pas de cédille à çorbonne, Celui la vous eqrit andouille par un Q.
C’es pour ke le phrançai deviène fonétike Kil phont insi la guère o khonssonnes ,…ô la la ! Ce n’ai pa fonétike, élas, mais bien étike Kil deviendrai, ci lon ni métait le holà !
Et dabor serait-il plus ézé de l’aprandre L’ortografe ? une foi kil l’oront réphormé ? Khan pansé vous mes cieux ? je croix ke pour la randre Aqcecible à chakun, il fô la suprimé
K’on l’éqrive come on voudra. Je trouve onète Ke le gran Ceigneur, si tel est sa phantaizi, Puice maitre pluzieurs h au mo : chlarhinhèthe ; Son valet an ôté bocoup au mo : ftizy.
Que l’e muet oci disparaiss kant il jène Çoi dans l’intérieur d’un mot ou çoi to bou. Je consans à hécrir sans h le mot : Ugène May sy j’ème l’y grec, jean veuh maytre partouh.
Selon que plus ou moin l’on goûtte lé conçone, K’on ne lé veuillent pa toujours o memme endroit Chaqun ora sa propre ortografe, la bonne. Le pohète surtou ne sera plus en proi.
Mécieux, certènemant, tel est la cène à phaire. L’ortografe devient inssi hune euvre d’arh ; Chakun celon son goûs, celon son qaraqtère, Par egzample, écrira ce mo priz oh azar :
Ohnet, Honet, Onet, Onette, Oneth, Hohnète, Onhet, Hohnet, Hohnhet, Honett, Onait, Aunaith, Auneth, Oneht, O’Neith, Aunhet, Haunet, Onhètte, Aunette, Hautnette, Onhaite, Auhnaite, Eau nette, [ Hheauhnaith…
… j’an ékrirais ainci pandant l’anèe antière. Cet egsample sufi. De nou ke la plupar D’éqrire l’aurthografe adopte une manière Et vous m’an diré de bones nouvèles. Kar
Je veu bien avaler aveq une ceringue Dézormai tou le vain ke je boi sans répi, Ci ho jourdojourdui kelkun de vou dix tingue Les verts d’Anribornié de la prause à Delpi.
Ce n’est rien sil sagi de cé deu peaux ligrafe, Ça va cent dire ; mai n’étil pa bien sévert De vouloir ke Sarceys è la même orrtografe Que l’empereur Gauthier ou le pape Flaubert ! _____________________
Raoul PONCHON
DEMAIN
À quoi bon aujourd’hui faire Ce qu’on peut faire demain ? Pour mon compte je préfère Ne travailler que demain.
Je ne ferais rien qui vaille Aujourd’hui, je me connais. Oui, mais demain je travaille Autant que trois Jorjhonets.
Que la tour Eiffel m’écrase Si ça n’est pas vrai, demain, Que finalement je rase Le poil que j’ai dans la main.
Ce sera tout bénéfice Le travail demain : d’abord Il se pourrait que je fisse Un chef-d’œuvre, sans effort.
Tout me sera plus facile, Attrayant, et bon et bel ; La rime viendra docile Se ranger à mon appel.
Car, si des mieux combinées Qu’elles paraissent, Demain Turbule nos destinées D’une négligente main.
Car Demain est la ressource De la pauvre humanité, C’est l’inépuisable source, C’est presque l’éternité !
C’est on ne sait quoi de rare, De rare et de précieux, D’inattendu, de bizarre Qui doit vous tomber des cieux.
Au naufrage de la vie C’est un fortuné radeau Avec la table servie, Qui va vers l’Eldorado.
Demain, c’est l’espoir, le rêve Et le recours des maudits, La faim qui se met en grève Et qui déserte les taudis ;
Demain sur toutes les places C’est, dans Paris comme ailleurs, Un vin coulant des Wallaces Choisi parmi les meilleurs ;
Un tas de gros lots féeriques Pendant au nez des bons fous Et des poètes lyriques Comme un sifflet de deux sous ;
C’est les dieux qui les absolvent Du péché du premier-né Et qui d’un geste résolvent L’X absurde du dîné ;
Demain, c’est aussi Jouvence, Et l’élixir Brown-Séquard Qui vous rajeunit la panse En une heure, une heure et quart ;
C’est le livre de génie Dont j’ai le plan tout tracé Et qui grouille d’harmonie, Mais qui n’est pas commencé ;
C’est ma femme qui divorce ; Ma belle-mère qui meurt ; C’est vivre ainsi sans entorse Et sans le plus léger heurt ;
Demain, c’est dame Fortune Qui se risque en mon réduit, Et, tel un rayon de lune, Sera là, vers les minuit.
C’est l’éternelle Promise Qu’on ne cesse d’appeler, La Vérité sans chemise Que Demain ouïra parler.
Ainsi donc, aujourd’hui, comme Il me semble surhumain D’écrire une ligne, en somme, Je gazetterai demain. ___________________
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 30 Sep - 14:17 | |
| Il est vraiment drôle ce Raoul Ponchon !!! Un peu fatiguant de lire avec les fautes d’orthographes, car il faut déchiffrer bien souvent le sens de la phrase ! Le deuxième sur demain est génial; on peut en dire des choses pour remettre à demain un écrit !!! Je l'aime bien Ponchon ! Merci de me l'avoir fait connaitre. | |
| | | Lucienne MARTEL
Messages : 3013 Date d'inscription : 14/10/2015 Age : 70 Localisation : LIMOUX
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 30 Sep - 18:02 | |
| Bonjour André et merci pour ces topics hors des sentiers battus. Pour ma part, j'adore le premier poème pour la triste réalité qui s'en dégage ; le propre de l'homme a disparu corps et biens de nos vies. Même un petit sourire dans la rue est dur à recevoir ; la politesse et la gaité ne sont plus de mise "Le rire sans envie et sans haine profonde, Pour n’y plus revenir est parti de ce monde." Ces deux vers à eux seuls résument fort bien la situation actuelle et c'est fort dommage Encore merci et gros bisous Lucienne | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| | | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 30 Sep - 19:35 | |
| - Flamme a écrit:
- Il est vraiment drôle ce Raoul Ponchon !!!
Un peu fatiguant de lire avec les fautes d’orthographes, car il faut déchiffrer bien souvent le sens de la phrase ! Le deuxième sur demain est génial; on peut en dire des choses pour remettre à demain un écrit !!! Je l'aime bien Ponchon ! Merci de me l'avoir fait connaitre. Bonsoir FLAMME,
Alphonse ALLAIS et Raoul PONCHON ont été les maîtres incontestés de la poésie humoristique et d'esprit. L'un comme l'autre ont contribué à faire les beaux jours du fameux Cabaret "LE CHAT NOIR", aux côtés d'autres illustres poètes, chansonniers et humoristes, tels que Georges LORRAIN, Jean RICHEPIN, Maurice MAC-NAB, ou encore Jean GOUDESKI, Franc-NOHAIN et Erik SATIE.
C'était une époque où l'on prenait encore le temps de rire et où les gens avaient le goût et les moyens de s'amuser. Les billets d'entrée étaient à la portée de pratiquement tout le monde.
Si Alphonse ALLAIS est surtout connu pour ses poèmes holorimes, PONCHON (qui était un pilier des comptoirs d'absinthe) était plutôt satirique. L'ensemble de son œuvre compte plus de 300 poèmes, tous dans le facétieux.
UN GRAND pour tes lectures et tes commentaires toujours intéressants, généreux et TOUJOURS très amicaux.
Excellente soirée à vous deux.
DE GROS DE NOUS 3.
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 30 Sep - 19:49 | |
| - Lucienne MARTEL a écrit:
- Bonjour André et merci pour ces topics hors des sentiers battus. Pour ma part, j'adore le premier poème pour la triste réalité qui s'en dégage ; le propre de l'homme a disparu corps et biens de nos vies. Même un petit sourire dans la rue est dur à recevoir ; la politesse et la gaité ne sont plus de mise
"Le rire sans envie et sans haine profonde, Pour n’y plus revenir est parti de ce monde." Ces deux vers à eux seuls résument fort bien la situation actuelle et c'est fort dommage Encore merci et gros bisous Lucienne Bonsoir LUCIENNE,
Je fais en sorte de maintenir un juste équilibre entre la poésie dite sérieuse (romantisme, bucolique ou amoureuse) avec celle plus légère et jubilatoire qui appartient à l'humour, à la dérision ou au satirique de circonstance.
Eh oui, le rire est une véritable thérapie. Quelqu'un qui prend le temps de rire a généralement un fond excellent. Rien n'est plus sérieux, en ce bas monde que le rire. Notre environnement, les tristes nouvelles d'une actualité mettant en exergue la pauvreté, la misère, les conflits incessants, les attentats, la haine et cette disparition progressive de la politesse et des bonnes manières, nous enfonce irrémédiablement dans un monde où toute perspective de profiter pleinement de notre courte existence se réduit avec les mentalités qui évoluent.
Il nous reste la littérature, les contes et la poésie pour nous donner l'illusion d'une société utopique où tout redeviendrait authentique, léger et agréable à vivre.
MILLE pour tes mots de gentillesse, de partage et d'humanisme, LUCIENNE.
Passe une douce soirée.
Je t'envoie mes PLUS CHALEUREUX
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 30 Sep - 19:54 | |
| François NANGAM
A la fin d’une pièce, on réclame l’auteur, Alors, de blanc ganté, parait le régisseur ; - « Messieurs, dit-il, la pièce est de Monsieur Maxime, Lequel est désireux de garder l’anonyme. _______________
François NANGAM
L’ORTHOGRAPHE A LA CASERNE
Le soldat Cabissol écrit à sa payse ; Il raconte la course et ‘n vient pas à bout, Car le terme « JOCKEY », soudain le paralyse ! « Sergent ! demande-t-il, vous qui connaissez tout, JOCKEY a-t-il un q ? je ne sais pas l’écrire ». – « En voilà des questions ! Mais bougre d’animal ! S’il n’avait pas de c. ., celui que tu veux dire, Comment c’est qu’il ferait pour monter à cheval ? » _______________
François NANGAM
TOAST ALPHABÉTIQUE
Maître Pierre, ayant banqueté, Porta ce toast : "Je BIS A VORE". Et, pour s'expliquer, dit encore : "Je bois, sans O, à votre sans T." _______________
François NANGAM
IL NE FAUT ABUSER DE RIEN
On avait, disait-on trouvé, Le fait même prouvé, Une eau pour rendre la jeunesse, Même à l’excessive vieillesse. Un vieillard se laissa tenter, Ensuite il voulut s’amuser, Avec des enfants en bas âge, Et fit rire le voisinage. Oh ! dit son valet surpris : Pour sûr, il en aura trop pris ! _______________
François NANGAM
Un marin provençal, revenant d’Amérique, Et tout heureux, le soir, de regagner son lit, Fut soudain très marri d’y trouver une chique ! Aussitôt, bondissant vers sa femme, il lui fit Ce bref raisonnement, demeuré sans réplique : « Moi, ze ne sique pas ; toi, tu ne siques pas ; Qui tron de sort ! a mis cette sique là-bas ? » _______________
François NANGAM
LE MOT TRONQUÉ
Le commissaire en chef, qui se nommait "Loubat", Se plaignait de ce que l'inculpé, "Polydore", L'avait injurié, par une métaphore, Au cours d'une dispute, ou plutôt un combat. Il avait, disait-il, sur la place publique, Et devant tous les gens, traité de "Cantaloup" - Pardon ! vous vous trompez, mais là du tout au tout : J'allais, bien au contraire, en style académique, dire : "Quant à Loubat, c'est un brave garçon". Mais après "Quand à Lou"... Monsieur le Commissaire M'a coupé la parole, et forcé de me taire : Je n'ai donc pu finir d'aucune autre façon. _______________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Sam 1 Oct - 11:49 | |
| Auguste MARIN
Tout ce qu’on t’enseigne est douteux ou vain. Va, laisse aux rêveurs leur triste folie ! Apprends seulement à boire ton vin, À fumer ta pipe et, par droit divin, À chanter des vers… le reste s’oublie ! ________________
Jean RICHEPIN
À RAOUL PONCHON
Tu sens le vin, ô pâte exquise sans levain. Salut Ponchon! Salut, trogne, crinière, ventre ! Ta bouche, dans le foin de ta barbe, est un antre Où gloussent les chansons de la bière et du vin. . Aux roses de ton nez jamais l'hiver ne vint. Tu bouffes comme un ogre et pintes comme un chantre. Tous les péchés gourmands ont ton nombril pour centre. Dans Paris, ce grand bois, tu vis tel qu'un sylvain, . Sachant tous les sentiers, mais fuyant les fontaines, Flairant les carrefours, les ruelles lointaines, Où les bons mastroquets versent le bleu pivois. . Et j'aime ton plastron d'habit bardé de taches, Ton pif rond, tes petits yeux ronds, ta chaude voix, Et l'odeur de boisson qui fume à tes moustaches. ________________
BAOUR-LORMIAN
L’ère du Poétisme en ce siècle commence, C’est l’inspiration, dont la sainte démence, Nous verse nos accords, bouillonne en nos écrits, Et, par elle, on sait tout sans avoir rien appris
________________
Joseph-Alfred BONNOMET
Je me vois menacé d’un insuccès piteux. Sur l’affiche déjà s’exerce la critique. L’on condamne ces mots – Poème humoristique – Il fallait Humoriste. Ah ! j’en suis tout honteux J’ai néologisé dans un terme exotique. Monsieur Bénoit est homme à m’arracher les yeux. _________________
Jean PELLERIN (1885 - 1921)
LA GROSSE DAME CHANTE..
Manger le pianiste ? Entrer dans le Pleyel ? Que va faire la dame énorme ? L'on murmure... Elle râcle sa gorge et bombe son armure : La dame va chanter. Un œil fixant le ciel
- L'autre suit le papier, secours artificiel - Elle chante. Mais quoi ? Le printemps ? La ramure ? Ses rancœurs d'incomprise et de femme trop mûre ? Qu'importe ! C'est très beau, très long, substantiel.
La note de la fin monte, s'assied, s'impose. Le buffet se prépare aux assauts de la pause. « Après, le concerto ?... - Mais oui, deux clavecins. »
Des applaudissements à la dame bien sage... Et l'on n'entendra pas le bruit que font les seins Clapotant dans la vasque immense du corsage. ______________
Ligue nationale contre le cancer
LA CIGALE, LE TABAC ET LA FOURMI
La cigale, ayant fumé Tout l’été, Se trouva fort dépourvue Quand le manque fut venu. Pas un seul petit morceau De clope ou de mégot. Elle alla crier nicotine Chez la fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelques tiges pour subsister Jusqu’à la saison nouvelle. Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l’Oût, foi d’animal, Intérêt et principal. La fourmi n’est pas fumeuse ; Ce n’est point là un défaut. "Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. -Nuit et jour à tout venant Je fumais, ne vous déplaise. -Vous fumiez ? j’en suis forte aise. Eh bien ! Toussez maintenant."
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Sam 1 Oct - 13:58 | |
| Bien amusant pour notre ami Ponchon le bon vivant !!! Une bonne idée pour arrêter de fumer : La cigale, le tabac et la fourmi ! De très jolis textes amusants ! | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Jeu 13 Oct - 19:02 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Jeu 13 Oct - 19:12 | |
| Boris VIAN.
SIMPLE HISTOIRE DE BÈGUE
Un brave homme de bègue, assez cu-cultivé, Vivait de son ja-jardinet plein de fleurettes, Plein de ca-calme et de repos, de violettes Et de pi-pissenlis. Rien ne fut arrivé
S'il n'eût été go-goberger au pied levé Sa cousine Julie, fille fort coqué-quette, L'emmené-ner aux champs, pour faire la dînette, Sur son baudet qui ruait sur les pa-pavés. __________________
Maurice ROLLINAT
LA VACHE
Une vache gisait, sombre, la bave au mufle, Et les yeux imprégnés d’une immense terreur Tandis qu’un taureau noir, farouche comme un buffle, Semblait lui regarder le ventre avec horreur.
Le pacage ! c’était la pénombre béante. L’arbre y devenait spectre, et le ruisseau marais. Un ciel jaune y planait sur une herbe géante. À droite, un vieux manoir — à gauche, des forêts.
Et la vache geignait dans ce lieu fantastique. On eût dit qu’un pouvoir occulte et magnétique Élargissait encor ses grands yeux assoupis.
Ma curiosité devint alors féroce, Et, m’approchant, je vis, — ô nourrisson atroce ! — Un énorme crapaud qui lui suçait le pis. __________________
Maurice ROLLINAT
— Ô muse incorrigible, où faut-il que tu ailles ! — La dame au cabas vert bourré de victuailles suçotait par instants le goulot d’un flacon. Que diable y buvait-elle ? — Or, soudain, le wagon s’emplit d’ombre ! — Un tunnel ! — J’agrippai la fiole, et j’aspirai : Goût nul ! — « C’est une babiole, pensai-je, mais enfin, je suis fort intrigué... » Et m’adressant à la dame, avec un air gai : — Que buvez-vous ? lui dis-je, en frisant ma moustache... — Elle me répondit : « Je ne bois pas ! Je crache ! » __________________
N'accusons plus de fausseté Ce beau sexe qui nous enchante; Mes amis, la femme est constante. Au moins dans sa légèreté _________________
Madame de la SABLIÈRE
Elle est coquette, sotte et belle, Assez belle pour le plaisir, Assez sotte pour mal choisir, Assez coquette enfin pour n'être pas cruelle : Elle aura la foule chez elle. ________________
Fabien JANSSENS
UN MOT D'ELLE
Juste un mot d’elle Qui me modèle Un cœur d’ idylle En aquarelle. Qui me maquille Des mots crus Ou des moqueries Qu’un mal accrut.
Juste un mot d’elle Qui m’aide au mieux Un peu de miel Si malicieux Un mot d’émoi Qui me démode L’humeur d’un moi Si peu commode.
Juste un chant d’elle Pour m'éclairer Beauté nouvelle Dans mes pensées Un chant d’amour Un champ de cœur Où le vent court Dans les saveurs.
Juste un chant d’elle Pour essaimer De l’éternelle Félicité Juste un peu d’elle Pour m’envoler Dans l’aquarelle De son été.
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 14 Oct - 8:03 | |
| Très sympa pour la vache et sapeur du crapaud Dégueu la fiole pleine de crachat !!!beurk, trop de curiosité devient malsain ! Madame de la SABLIÈRE Elle est coquette, sotte et belle, Assez belle pour le plaisir, Assez sotte pour mal choisir, Assez coquette enfin pour n'être pas cruelle : Elle aura la foule chez elle. __ J'ai pensé que l'on pourrait dire la même chose pour les forums de poésie .... Merci André pour ces histoires en vers plutôt drôle !!! ______________ | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 14 Oct - 17:38 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Ven 14 Oct - 17:47 | |
| ABBÉ DESFONTAINES
À MONSIEUR DE CORLON, QUI ÉTAIT AVEC L’AUTEUR A MONJEU, CHEZ M. LE DUC DE GUISE ALORS MALADE.
Je sais ce que je dois, et n’en fais jamais rien: Au lieu d’aller tâter le pouls de Son Altesse, J’abandonne son lit sans dormir dans le mien; Je renonce aux dîners, au piquet, à la messe, Très mauvais courtisan, bien plus mauvais chrétien, Libertin dans l’esprit, et rempli de paresse. Ah, monsieur de Corlon ! que vous êtes heureux! Plus libertin que moi sans être paresseux, On vous trouve à toute heure, et vous savez tout faire. De grâce, enseignez-moi ce secret précieux De vous lever matin, de dîner, et de plaire. ________________
Fabien JANSSENS
MONIKA
Monika en kimono Me connut à Monaco, M'aima, moi le mécano, Méconnu d'amicaux mots Monika non monacale M'aima, coquine, animale; Maniant mieux qu'un kiné Mon coeur nu d'amant qui naît, Mais la menue Monika Me mit au menu Moka, Mêt communément moqueur Pour mes canaux et mon coeur Écumant de maux, mon corps Honnit Monika mentor Pour celle qui m'avait choyé J'ai failli mourir des mêts. __________________
Théophile GAUTIER
SONNET BOUTS RIMÉ
Amis, si vous voulez que je trouve un condor, M’envoyer de Neuilly jusque dans Eckenfoerde C’est vouloir à coup sûr que ma peine se perde Car je ne l’aurais pas, même pour son poids d’or.
Je n’entendis jamais la musique de Spohr, Et comme à Waterloo Cambronne, je dis « merde » Tout aussi carrément à Spohr qu’à Monteverde, Et je m’en vais fumer ma pipe sur le port.
Je regarde la mer qui bouillonne et fait rage, Rêveur, et ruminant au fond de mon cerveau Le plan de quelque histoire à dénouement nouveau.
Cependant aux marins échappés du naufrage Des filles, les bras nus et découvrant leurs seins, Présentent les tarifs de leurs charmes malsains. _________________
Gustave NADAUD
LE ROI BOITEUX
Un roi d’Espagne, ou bien de France, Avait un cor, un cor au pied ; C’était au pied gauche, je pense ; Il boitait à faire pitié.
Les courtisans, espèce adroite, S’appliquèrent à l’imiter ; Et qui de gauche, qui de droite, Ils apprirent tous à boiter.
On vit bientôt le bénéfice Que cette mode rapportait ; Et, de l’antichambre à l’office, Tout le monde boitait, boitait.
Un jour, un seigneur de province, Oubliant son nouveau métier, Vint à passer devant le prince, Ferme et droit comme un peuplier.
Tout le monde se mit à rire, Excepté le roi, qui, tout bas, Murmura : « Monsieur, qu’est-ce à dire ? Je crois que vous ne boitez pas ?
— Sire, quelle erreur est la vôtre ! Je suis criblé de cors ; voyez : Si je marche plus droit qu’un autre, C’est que je boite des deux pieds. » __________________
LES FRUITS DU RECTEUR
Raoul PLONCHON
Le recteur de je ne sais où... Mais qu'importe à l'histoire ? Trouvait souverainement fou Absurde et dérisoire
Que les femmes dudit pays N'en fissent qu'à leur tête, Tandis qu'on voyait leurs maris Marcher à la baguette.
Le recteur de je ne sais où... Mais qu'importe à l'histoire ? Trouvait souverainement fou Absurde et dérisoire
Que les femmes dudit pays N'en fissent qu'à leur tête, Tandis qu'on voyait leurs maris Marcher à la baguette.
- Oui, je suis sûr, infortunés, Disait-il, que vos femmes Vous mènent par le bout du nez, C'est de quoi je vous blâme.
" Vous me semblez tous, Dieu merci Des maris pleins de zèle ; Mais il faut pas être aussi Des chiens que l'on muselle. " C'est excessif. Les beaux discours De ce sexe fragile, Que diable ! ne sont pas toujours Paroles d'Evangiles.
" Ecoutez-moi bien, s'il vous plaît ; Sans plus de badinage, Qui saura me montrer qu'il est Maître dans son ménage,
" Celui-là pourra fourrager A son heure, à sa guise, Les meilleurs fruits de mon verger. Voilà. Qu'on se le dise.
" Et je m'adresse à tout venant, Que chacun donc médite Sur son propre cas. Maintenant, Allez, la messe est dite ! "
Le lendemain, vous pensez bien Ce fut une avalanche De ces maris chez le doyen, Un panier sur la hanche.
Tout de suite il les confondit, Par le simple artifice Du langage. Comme l'on dit, En termes de police,
Il vous les cuisina si bien Qu'ils durent, bonnes âmes, Avouer qu'ils ne faisaient rien, Sans consulter leurs femmes.
Seul un paysan plus madré Ne se laissa pas prendre. Et voilà que notre curé Dut finir par se rendre.
- C'est bon - fit-il - je vois que toi Tout au moins mon compère, Tu es maître sous ton toit. Mon compliment sincère !
" Ravage donc mes espaliers. Mais... quadruple mazette, Que n'as-tu pris plus grand panier, Pour faire ta cueillette ?
" Celui- ci ne contiendra pas Grand' chose j'imagine... " - Hélas ! ça n'est pas l'embarras, J'y pensai bien, pardine,
Répondit notre hurluberlu, Avec la mort dans l'âme. " Mais, c'est qu'elle n'a pas voulu... " - " Elle ? qui " - " Ben, ma femme ! " _________________
Victor HUGO
Ô vieux J., je préfère à votre coloquinte Le groin délicat du porc périgourdin, Et lorsque vous toussez, j'applaudis à la quinte Que je voudrais aider à grands coups de gourdin. _________________
Georges FOUREST
Au bord du Loudjiji qu’embaument les arômes Des toumbos, le bon roi Makoko s’est assis. Un m’gannga tatoua de zigzags polychromes Sa peau d’un vieux noir vineux tirant sur le cassis.
Il fait nuit : les m’pafous ont des senteurs plus frêles ; Sourd, un marimeba vibre en des temps égaux ; Des alligators d’or grouillent parmi les prêles ; Un vent léger courbe la tête des sorghos ;
Et le mont Koungoua rond comme une bedaine, Sous la lune aux reflets pâles de molybdène, Se mire dans le fleuve au bleuâtre circuit.
Makoko reste aveugle à tout ce qui l’entoure ; Avec conviction, ce potentat savoure Un bras de son grand-père et le juge trop cuit. _________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mar 18 Oct - 18:14 | |
| Georges FOUREST
LE COMIQUE
« Je suis mal embouché, dit-on, scatologique, scurrile, extravagant, obscène ! ... » Et puis après ? Pour blaguer le héros langoureux ou tragique À moi le calembour énorme, et l'à peu près !
Mon rire, mon Public, c'est le rire sonore, Idoine à brimbaler tes boyaux triomphants Et qui découvrira la parure osanore Qu'un dentiste pour toi ravit aux éléphants,
C'est le rire cachinatoire, épileptique, Le rire vrai qui fait baver, pleurer, tousser, Pisser, c'est le moteur du grand zygomatique Et l'agelaste en vain tâche à le rabaisser.
Je ne diluerai pas mon encre avant d'écrire Et je m'esclafferai cynique et sans remord, Abandonnant aux salonnards le « fin sourire » Et le rictus amer à la tête-de-mort !
ENVOI :
Aux pieds de Rabelais, le Duc, le Roi, le Maître, O mes pères Scarron, Saint-Amant, d'Assoucy, Colletet, Sarrazin, daignerez-vous permettre Qu'à vos côtés Fourest vienne s'asseoir aussi ? _________________
ANONYME
LOIN DES VIEUX LIVRES DE GRAMMAIRE.
Ecoutez comment un beau soir, Ma mère m'enseigna les mystères Du verbe être et du verbe avoir. Parmi mes meilleurs auxiliaires, Il est deux verbes originaux. Avoir et Etre étaient deux frères Que j'ai connu dès le berceau. Bien qu'opposés de caractères, On pouvait les croire jumeaux, Tant leur histoire est singulière. Mais ces deux frères étaient rivaux. Ce qu'Avoir aurait voulu être Etre voulait toujours l'avoir. Ne vouloir ni dieu ni maître, Le verbe Etre s'est fait avoir. Son frère Avoir était en banque Et faisait un grand numéro, Alors qu'Etre, toujours en manque Souffrait beaucoup dans son ego. Pendant qu'Etre apprenait à lire Et faisait ses humanités, De son côté sans rien lui dire Avoir apprenait à compter. Et il amassait des fortunes En avoirs, en liquidités, Pendant qu'Etre, un peu dans la lune S'était laissé déposséder. Avoir était ostentatoire Lorsqu'il se montrait généreux, Etre en revanche, et c'est notoire, Est bien souvent présomptueux. Avoir voyage en classe Affaires. Il met tous ses titres à l'abri. Alors qu'Etre est plus débonnaire, Il ne gardera rien pour lui. Sa richesse est tout intérieure, Ce sont les choses de l'esprit. Le verbe Etre est tout en pudeur Et sa noblesse est à ce prix. Un jour à force de chimères Pour parvenir à un accord, Entre verbes ça peut se faire, Ils conjuguèrent leurs efforts. Et pour ne pas perdre la face Au milieu des mots rassemblés, Ils se sont réparti les tâches Pour enfin se réconcilier. Le verbe Avoir a besoin d'Etre Parce qu'être, c'est exister. Le verbe Etre a besoin d'avoirs Pour enrichir ses bons côtés. Et de palabres interminables En arguties alambiquées, Nos deux frères inséparables Ont pu être et avoir été. _________________
Raoul PONCHON
FABLE OU HISTOIRE
Un derrière, un beau jour, se mit des favoris, Un faux nez ; il poussa d'épouvantables cris, Alla partout, disant : " Voyez, je suis un homme ; Veut-on savoir mon nom ? c'est Bibi qu'on me nomme ; En d'autres termes, mes enfants, c'est moi Bibi,* On doit suffisamment le voir à mon habit. " Puis, ce prussien vil et que la peur constipe Sortit de sa culotte une effroyable pipe Qu'il se mit à fumer. " Je fume, donc je suis, - Disait-il, - regardez ; et si je veux, je puis Faire des ronds dans l'air, exhaler la fumée Par le nez, ( ma façon d'ailleurs accoutumée). " C'est vrai disait le peuple, il fume, donc il est. On le prit pour quelqu'un, c'est tout ce qu'il voulait.
Or, peu de temps après, flanqué d'un vieux complice, Sous les yeux paternels de l'aimable police Il s'embusquait la nuit, au bord des grands chemins, Avec des couteaux et des tromblons plein les mains, Détroussait les passants, pillait les diligences ; Et les hommes n'étant que de viles engeances A ses yeux, si l'un protestait, ce coquin Lui disait d'aller voir s'il était au Tonkin ; La femme comme il faut, il la rendait enceinte, - Si j'ose m'exprimer ainsi dans cette enceinte ; Avec ses favoris comme un demi-sapeur, Il effrayait chacun qui se mourrait de peur.
Le meurtre et la rapine étaient son atmosphère ; Enfin il faisait tout ce qu'un homme sait faire. A ses moments perdus, il fabriquait des faux : Et je n'inscris ici que ses moindres défauts ; Il tuait d'une main, jurait de l'autre : " Ah ! bigre ! Si la France n'est pas contente, qu'elle émigre ; Moi je reste? " Il était blasphémateur, rajeur, Avec le fier bagout d'un commis voyageur ; Et, brochant sur le tout, il avait l'air d'un cuistre : C'est plus qu'il n'en fallait pour devenir ministre.
Il le fut, le défut, et le refut encor, Tant qu'à la fin nous l'extirpâmes comme un cor. C'est alors que rongé par les vicissitudes Il reprit peu à peu ses vieilles habitudes, Retua, repilla, fit de rechef : Broum, broum... Disant : " Qu'il vienne donc, le général Boum-boum, S'il n'est pas vraiment la dernière des mazettes. "
Le brave général prit alors des pincettes, Souleva la chemise à ce triste cocu, Mit à nu ce derrière, et dit : " Tu n'es qu'un cul. " _________________
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 19 Oct - 12:03 | |
| Raoul PONCHON
L'OMBRE DE TORTONI
C’est fini. Tortoni vient de boucler sa boucle. En manière de deuil buvez de l’eau de Lourdes, O seigneurs du Perron ! Fameux habitués de cette sainte enceinte Vous fut servi hier votre dernière absinthe Par monsieur Percheron.
Les recettes étaient, dit-on, plus que légères, Malgré que ces messieurs bussent des choses chères Et pavassent recta ; Mais aujourd’hui le jeu n’en vaut pas la chandelle, Paraît-il, de servir trop bien sa clientèle, Alors… taratata.
Puis les cafés s’en vont rapport aux brasseries. Et pourtant l’on y boit quelles saloperies Et mixtures sans nom ! Car, que bois-je, grands dieux ! chez Pousset ? De la bière ? Pouah ! Cela ne peut me mener au cimetière Ou dans un cabanon.
Au Perron tout était franc d’origine, sage, Mais rare se faisait le client de passage Qui boit, paie et s’en va, Celui qui, comme on dit, fait marcher le commerce Et fait pleuvoir aussi se la monnaie à verse Dans la caisse au papa.
Au surplus, ce Perron était fort redoutable ; Et si vous entriez inconnu, non notable, Comme ça, sans façon, Les habitués vous regardaient d’un œil torve Comme si vous eussiez eu la rogue ou la morve, Et disaient au garçon :
« Quel est ce pèlerin, qui n’est Machin ni Chose ? Est-il un gencélèbre ou quelqu’un dont on cause ? Que veut dire ceci ? Et, s’il n’est fameux ui, comme vaudevilliste, Ni comme grand seigneur, ni comme journaliste, Pourquoi vient-il ici ? »
Ma foi, s’il y venait, il n’y revenait guère. N’y a-t’il pas des chands de vin pour le vulgaire ? Ils avaient bien raison : Ce n’est plus le Perron si le monde y foisonne. La maison où l’on dit :Je n’y suis pour personne Est la bonne maison.
Perron de Tortoni, je te revois encore Avec tes fiers clients que leur esprit décore, Tels d’Orsay, les lions, Tes grands mamamouchis à lettres, tes dandies, Et tes gros financiers, et tes grandes ladies, Tes Pearl, tes Deslions,
Je revois les Montrond, les Jouy, les Lacretelle, Ton abbé Monselet en jabot en dentelle Et tes Scholl et tes Karr, Tes Albéric Second, tes Grammond Calderousse, Et celui dont le nom vous donnait la frousse, Le terrible Choquart.
Leur génération finit avec l’Empire ; Celle qui vint après, ni meilleure ni pire, Est celle d’aujourd’hui, Empreinte tout autant d’esprit et d ‘élégance, De curiosité, d’art et d’extravagance Et tout autant d’ennui.
Je vous ai vus hier, écrivains très illustres, Grands artistes à peine âgés de quelques lustres, Au Perron’s five-o’clock : Maurice Montégut qui fais gémir la presse Lit Mendès qui parais accuser la paresse Dumas et Paul de Kock.
Je vous verrais toujours, ô récentes images, Poètes, romanciers, journalistes et mages En qui la gloire bout ; Occulte Jules Bois,Forain plein de génie, Caliban et Goudeau, princes de l’ironie, Et Scholl, toujours debout.
Hier encor vous étiez en petite chapelle, Et vous y remuiez de l’esprit à la pelle, C’est l’endroit qui le veut. Se rappelle-t-on pas cette étrange guérite Ou l’homme en faction se tuait de suite ; Vous eussiez dit un vœu.
Tortoni ! Tortoni ! Chapelle disparue ! Vous voilà dispersés et semés dans la rue, Messieurs de Tortoni ; Et les oreillesde ses murs par vos saillies Ne seront plus, hélas ! Désormais assaillies N-i-ui, c’est fini.
Cependant, il paraît, lorsque la nuit est sombre, Qu’on voit chez feu Perron se faufiler une ombre Qui dit : Messieurs, bonsoir ! Aux anciens clients brillant par leur absence, Et machinalement près d’une connaissance Défunte va s’asseoir.
Mon dieu ! C’est simplement affaire d’habitude. L’habitude c’est tout, ainsi, voyez Latude, Ce soi disant martyr, Au bout de trente-cinq printemps de paille humide, Quoi que l’on dise, était devenu si timide Qu’il n’osait plus sortir.
Donc, notre ombre demande un peu de bière ponce ; La larve d’un garçon, sans faire de réponse, Lui sert l’ombre d’un bock Qu’il boit, puis il parcourt des ombres de gazettes, Traite de temps en temps les copains de mazettes Jusques au chant du coq ;
Aussitôt il se lève et dit : a la malheure ? Je vais rentrer encore à la quatrième heure Comme ponchon raol. Gâçon, que dois-je ?… Bien, gardez. Puis s’en va triste, Non sans être informé : Dites-moi donc, Baptiste, Vous n’avez pas vu Scholl ?… _________________
Raoul PONCHON
MARCHE D'IVROGNES
La Terre est faite pour tourner Puisqu’elle tourne ; Le maquereau pour arriver Puisqu’il arrive.
As-tu jamais vu un ivrogne Dire : j’ai trop bu. Tu me verrais plutôt moi-même Boire de l’eau.
Entends-tu mes cheveux qui frisent Dessus mon front ? Entends-tu aussi dans ma bourse Hurler le diable ?
Va, tu ne peux rester en place, Puisque tout marche ; Si tu n’as pas de pieds, peut-être As-tu des mains ?
Si tu n’as pas de mains non plus Va te promener ; Tu vois que de toute manière Il faut aller.
Tu ne t’arrêteras, te dis-je, Que pour mourir ; Même tu bougeras encore Dans ton tombeau.
Quand tu mets dans une bouteille Des hannetons, Les canards viennent la pousser Avec leur bec.
Certes, si tu tombes toujours Au même endroit, Tu finiras par faire un trou Pour l’enterrer.
Mieux vaut être mort que pas né, Vivant que mort : Quand on est vivant l’on va boire Car on a soif.
On a soif, et voilà pourquoi La Providence A pris soin de mettre partout Des ’chands de vins.
Le plus beau geste de la terre Est de porter Un verre de vin à ses lèvres : Chacun sait ça.
Cours, le nuage ne s’arrête Que pour pleuvoir. Ivrogne, que si tu t’arrêtes Ce soit pour boire. __________________
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| | | Flamme Admin
Messages : 5250 Date d'inscription : 04/01/2011 Age : 77 Localisation : Près Bordeaux
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Mer 19 Oct - 20:39 | |
| C'est un bon vivant ce Ponchon , il a la verve d'un Marseillais !!! Ses écrits sont souvent bien amusants. Bonne soirée André! | |
| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 24 Oct - 12:29 | |
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| | | André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Re: LES EXQUIS MOTS À LA RIME S'ARRIMENT Lun 24 Oct - 12:35 | |
| Raoul PONCHON
LES CASSEUSES DE SUCRE
- Je vous jette par la fenêtre S'il vous arrive d'oublier, Jean, encore une fois de mettre Du sucre dans le sucrier ;
Hurlai-je à mon valet Baptiste Que j'ai déjà vingt fois chassé. A quoi cette fleur d'anarchiste Répondit : " Y en a plus d'cassé. "
- S'il n'y en a plus, qu'on en casse... Fais-en casser par l'épicier... Je ne puis, dans ma demi tasse, Fourrer un pain de sucre entier.
- Monsieur, ça n'est pas mon affaire ; Quant à l'épicier, il m'a dit Qu'il avait autre chose à faire. Ainsi me parla ce bandit.
- Mais, espèce de grande flemme, Qui me vaudras le Paradis, Dois-je donc le casser moi-même ? Lui dis-je, cochon, dis, dis, dis ?
Puis, me calmant un peu : Pécore, Explique-moi pourquoi celui Qui le cassait hier encore Ne le casse plus aujourd'hui ?
- Parce que ce sont des bergères Dont c'est proprement le métier De casser le sucre ; naguères, Elles le cassaient volontiers,
Or, en grève elles se sont mises Sans grand résultat pour l'instant ; Elles y perdront leur chemise... Leur procès peut-être... et pourtant,
Ont-elles rêvé la fortune En demandant à leurs patrons Un peu moins de travail et une Augmentation de deux ronds ?...
- Vraiment, cela vaut qu'on en glose ; Et ce métier m'étonne bien. On apprend toujours quelque chose : On croit savoir... on ne sait rien.
Ainsi, voilà des jeunes filles Qui, sans doute, ont moins de vingt ans Et que l'on veut croire gentilles, Cassant du sucre tout le temps.
Petites casseuses de sucre, Vous voilà sens dessus dessous ; Le patron qu'agite un vain lucre Fait des histoires pour deux sous !
Merde pour lui et pour son sucre ! Qu'il aille chier, le chameau : Sachez bien que casser du sucre Ca vaut vingt sous de l'heure, au bas mot.
Mais quittez ce métier morose ; Si vous tenez absolument, Chères, à casser quelque chose, Prenez-moi d'abord un amant,
Jeunes casseuses que vous êtes, Et parmi ses bras adorés, Tâchez de casser des noisettes Le plus longtemps que vous pourrez. __________________
Georges FOUREST
UN HOMME
Quand le docteur lui dit : "Monsieur, c'est la vérole indiscutablement !", quand il fut convaincu sans pouvoir en douter qu'il était bien cocu l'Homme n'articula pas la moindre parole.
Quand il réalisa que sa chemise ultime et son pantalon bleu par un trou laissaient voir sa fesse gauche et quand il sut que vingt centimes (oh ! pas même cinq sous !) faisaient tout son avoir
il ne s'arracha point les cheveux, étant chauve, il ne murmura point : "Que le bon Dieu me sauve !" ne se poignarda pas comme eût fait un Romain,
sans pleurer, sans gémir, sans donner aucun signe d'un veule désespoir, calme, simple, très-digne il prononça le nom de l'excrément humain. __________________
Georges FOUREST
PHÈDRE
Dans un fauteuil en bois de cèdre
(à moins qu'il ne soit d'acajou),
En chemise, madame Phèdre ,
Fait des mines de sapajou.
Tandis que sa nourrice Oenonne none eunone
Qui jadis eut si bon lait
Se compose un maintien de nonne
Et marmonne son chapelet,
Elle fait venir Hippolyte,
Fils de l'amazone et de son
Époux, un jeune homme d'élite,
Et lui dit : « Mon très cher garçon ,
Des longtemps, d'humeur vagabonde,
Monsieur votre père est parti;
On dit qu'il est dans l'autre monde;
Il faut en prendre son parti !
Sans doute un marron sur la trogne
Lui fit passer le goût du pain;
Requiescat ! Il fut ivrogne,
Coureur et poseur de lapin;
Oublier cet époux volage
Ne sera pas un gros péché !
Donnez moi votre pucelage
Et vous n'en serez pas fâché !
Vois-tu ma nourrice fidèle
Qu'on prendrait pour un vieux tableau ?
Elle nous tiendra la chandelle
Et nous fera bouillir de l'eau !
Viens mon chéri, viens faire ensemble
Dans mon lit nos petits dodos !
Hein petit cochon, que t'en semble,
Du jeu de la bête a deux dos ? »
A cette tirade insolite,
Ouvrant de gros yeux étonnés
Comme un bon jeune homme Hippolyte
Répondit, les doigt dans le nez:
« Or ça ! Belle maman, j'espère
Que vous blaguez, en ce moment !
Moi, je veux honorer mon Père
Afin de vivre longuement ;
À la cour brillante et sonore
Il est vrai que j'ai peu vécu;
Mais je doute qu'un fils honore
Son père en le faisant cocu !
Vos discours , femelle trop mûre,
Dégoûterais la Putiphar !
Prenez un gramme de bromure
Avec un peu de nénuphar!....
Sur quoi faisant la révérence
Les bras en anses de panier
Il laisse la dame plus rance
Que du beurre de l'an dernier.
« Eh ! Vas donc, puceau phénomène !
Vas donc châtré, vas donc salop,
Vas donc, lopaille à Théramène !
Eh ! Vas donc t'amuser Charlot !... »
Comme elle bave de la sorte
De fureur et de rut, voila
Qu'un esclave frappe à sa porte :
« - Madame votre époux est là !
- Théseus, c'est Théseus ! Il arrive !
C'est lui-même : il monte a grands pas ! »
Venait-il de Quimper, de Brive,
D'Honolulu ? je ne sais pas,
Mais il entre, embrasse sa femme,
La rembrasse en mari galant;
Aussitôt la carogne infâme
Pleurniche, puis d'un ton dolent :
« - Monsieur, votre fils Hippolyte,
Avec tous ces grands airs bigots,
Et ses mines de carmélite,
Est bien le roi des saligots !
Plus de vingt fois sous la chemise
Le salop m'a pincé le cul
Et passant la blague permise ,
Volontiers vous eût fait cocu:
Il ardait comme trente Suisses,
Et (rendez grâce à ma vertu)
Si je n'avais serré les cuisses
Votre honneur était bien foutu !... »
Phèdre sait compter une fable
(Tout un chacun le reconnaît)
Son discours parut vraisemblable
Si bien que le pauvre benêt
De Théseus promis à Neptune
un cierge (mais chicodondard !)
Un gros cierge d'au moins une thune
Pour exterminer ce pendard !
Pauvre Hippolyte ! Un marin monstre
Le trouvant dodu le mangea,
Puis ...le digéra, ce qui monstre
(Mais on le savait bien déjà!)
Qu'on peut suivre , ô bon pédagogue,
Avec soin le commandement
Quatrième du décalogue
Sans vivre pour ça plus longuement ! __________________
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