Pas de repos pour l'inspecteur 10

Pas de repos pour l’inspecteur 10,
Néanmoins, l’inspecteur restait sur ses gardes. Il n’était pas encore prouvé que l’individu fût le bon. Il leur fallait trouver des liens évidents avec les deux disparitions. L’inspecteur doutait un peu que ce fut l’affaire d’un seul homme. Il s’agissait peut-être d’une bande organisée : il restait à déterminer l’emploi du temps de l’individu le jour des kidnappings. Et puis une perquisition s’avérait nécessaire au domicile du présumé-coupable. Trouver des preuves tangibles qui confirmaient ou infirmaient la culpabilité était primordial. De simples suspicions ne suffiraient pas pour l’inculper. Tout au plus l’arrêter pour état d’ébriété sur la voie publique vu que son état d’ivresse était manifeste. Mais ce n’était pas suffisant et on ne pouvait le garder en cellule trop longtemps : le temps nécessaire pour qu’il retrouve sa raison et ses pleines capacités. Il risquait pour ces faits d’alcoolémie une contravention de cent cinquante euros. Le commissaire semblait du même avis : il attendait des nouvelles de ses hommes restés sur le terrain. Ils avaient procédé à une enquête de proximité mais ils ne trouvèrent personne qui connaissait de loin ou de près l’individu. Il semblait nouveau venu dans le quartier. Les commerçants chez lesquels il s’était servi s’étaient aperçus de son haleine sentant fortement l'alcool, à tenir des propos incohérents, une démarche titubante avec une perte d'équilibre et les yeux vitreux. Mais ils étaient tellement habitués à ce genre de personnage qu’ils n’en avertirent même pas la police municipale. Du moment qu’il réglait ses achats et qu’il n’embêtait personne.
Leur conversation allait bon train, cherchant les tenants et aboutissants de cette enquête qui piétinait. Soixante-douze heures s’étaient écoulées depuis la disparition de la jeune Mélanie. Il fallait passer à la vitesse supérieure : il n’était plus temps aux discussions stériles. L’inspecteur régla la note des cafés consommés et partit au commissariat avec son homologue. Il voulait voir l’allure de l’individu pour se forger des convictions. Il possédait un excellent regard psychologique et comportemental et ses pressentiments étaient presque toujours avérés.
L’homme qui se tenait en face de lui semblait enragé. Il proférait des jurons et faisait des signes grossiers à l’adresse des plantons de service. Quoiqu’il fût visité à l’hôpital par un médecin spécialisé, il était encore gravement en dépendance alcoolique. Il lui faudrait certainement plus de six heures pour décuver, et encore. Il parlait à l’envers, à utiliser des expressions inverses de ce qu’il voulait exprimer. C’était le cas typique d’un grand addictif à l’alcool et ils n’en tireraient rien pour les heures à venir. Il faisait un vacarme comme ce n’était pas possible, à taper les grilles de sa cellule avec les pieds, à hurler comme un homme blessé, son abstinence était flagrante. Les policiers ne pouvaient rien faire sinon le surveiller étroitement et attendre une amélioration comportementale et émotionnelle. L’inspecteur suivit le commissaire dans son bureau. Ils s’assirent l’un en face de l’autre et reprirent leur enquête par le début avec le peu d’éléments qu’ils avaient en main. Le commissaire était tout penaud de cette enquête qui n’avançait pas et du temps précieux perdu. Ils allèrent faire un tour sur Facebook pour y voir les messages déposés. Un en particulier retint leur attention. De jeunes lycéens pensaient avoir aperçu Mélanie en compagnie d’un jeune homme d’une vingtaine d’années qu’ils n’avaient jamais vu. Elle semblait se promener et faire du shopping dans les rues de Poitiers. Cette rencontre impromptue datait de quarante-huit heures à peine : à vérifier bien sûr. Il était urgent de convoquer ces jeunes gens pour une entrevue au commissariat. Ils avaient laissé un numéro de portable pour les joindre le cas échéant. Mais il fallait pour ce faire l’accord parental pour l’entrevue : ils étaient mineurs, ayant tous moins de treize ans…
Lucienne le 29.03.2016