Cauterets vu par les poètes (Compilation)

CAUTERETS VU PAR LES POÈTES

(Compilation)

CAUTERETS ! Mais d'où vient ce nom ?

Pour les férus d'étymologie, référons-nous à la charte de 945. On y trouve en latin l'expression "Vallem caldarensem" qui signifie "vallée de la chaudière" (caldarium). Ce mot, à lui seul, évoque parfaitement l'image des nombreuses sources jaillissant, toutes fumantes, dans le Val de Cauterets.

Cette référence se résume dans son nom bigourdin : "Caoutares", autrement dit : sources d'eau chaude. Ces sources furent déjà utilisées par les Romains, mais c'est avec le séjour de Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre, en 1539, que Cauterets prit son essor. Cette grande dame des cours de France et d'Europe a effectué plusieurs séjours dans cette ville de la vallée des Gaves.

Poète dotée d'une grande intelligence et d'une riche culture, celle dont Clément Marot écrivit : "Corps féminin, coeur d'homme et tête d'Ange", Marguerite d'Angoulême amena en ce rude pays Gascon la douceur Angevine de la Renaissance. Elle a laissé un recueil de nouvelles écrit à Cauterets même : "L'Heptaméron", sur le modèle du "Décaméron", ainsi que de nombreuses poésies : "Les Marguerites de la Marguerite des Princesses".

On verra, par la suite, tout au long de ce reportage historique que Cauterets, par ses Thermes et son site, fut toujours agréable aux poètes venus y puiser leur inspiration. C'est Marguerite d'Angoulême qui baptisa "Fontaine d'Amour" une source. Celle-ci avait la réputation d'être favorable pour la guérison des femmes stériles, parce que ses eaux étaient "impregnaderes" (engrosseuses). Pour la petite histoire, on dit que Catherine de Médicis et sa fille Elisabeth seraient venues toutes deux à la "Fontaine d'Amour" pour combattre la stérilité de la seconde. Le miracle se produisit ! Moins d'un ana après sa cure, elle mettait au monde, en 1536, sa première fille, Jeanne d'Albret, la future mère d'Henri IV. Celle-ci, devenue reine de Navarre à son tour, recourut aussi aux traitements thermaux.

Cette "Fontaine d'Amour" fit courir, à partir de ce moment là, toute l' Europe. Mais, chose curieuse, les eaux dites "impregnaderes" pouvaient aussi changer la vertu et devenir "abortives". C'est ainsi, raconte-t-on, que la même année, La Fosseuse, une des maîtresses du Vers Galant, vint aux eaux de Cauterets dans le dessein de se faire avorter, tandis que la femme légitime du Prince venait y chercher une grossesse désirée. Ni l'une, ni l'autre n'eurent leur souhait réalisé ! Faut-il en conclure que la "Fontaine d'Amour" était allergique à l'ambiguïté ?

Le XVIII° siècle est pour Cauterets le siècle de son expansion, comme le XIX° sera celui de sa gloire ou, plus exactement, de son renouveau. Cyprien Despourrins, poète des Pyrénées, a joué un grand rôle dans l'histoire de Cauterets. Despourrins fait admettre que le Roi a remplacé le Comte de Bigorre comme seigneur de la vallée, ce qui prouve que même après Louis XIV et depuis Henri IV, la décentralisation était une réalité. Par voie de conséquence, les moines perdent de plus en plus leurs droits sur Cauterets, droits qui avaient pour support juridique la "Charte de 945". Enfin, les Cauterésiens ne paieront plus les droits de fermage pour l'herbe (pacages) et ceux qui entretiennent le bétail ne seront plus tenus à donner, chaque année, deux fromages : l'un pour le Comte, l'autre pour l'abbé.

À Cauterets, ville hors du Temps, on a vraiment l'impression d'être au bout du monde, tant la nature est sauvage, imposante, abritant de grandes curiosités comme les fabuleuses chutes du Pont d'Espagne ou encore la Brèche de Roland. L'aigle royal, le gypaède barbu, les marmottes, les isards, les mouflons, les chevreuils, les loutres, et même l'ours y ont trouvé un monde à leur dimension.

Mais, venons-en aux personnalités des Arts et des Lettres qui ont fréquenté et marqué Cauterets, au pays que survolent les aigles et les corbeaux, et où l'ours et les isards laissent leur trace. Alfred de Vigny, très inspiré par Cauterets, a écrit son fameux poème du "Cor" :

En 1978, à l'occasion d'un colloque organisé par "Les Amis d'Alfred de Vigny" le poète et historien Émile Vaucheret a cité quelques vers écrits par l'illustre Vigny qui, de passage à Cauterets, a écrit ce court poème, très certainement rédigé au "Pont d'Espagne".

CAUTERETS

Une nuit, j'errais seul à pied dans la montagne
Dont la gorge est en France et le dos en Espagne.
Moi j'allais sur le front et je me croyais grand
Pour avoir sous mes pieds l'eau verte d'un torrent.
J'allais donc triomphant sur cette énorme tête
Dont la neige est le casque et le glacier la crête,
Dont le roc est l'armure et jusqu'à l'horizon
Je voyais se traîner sa robe de gazon

Jean-Louis Vallas, que j'ai déjà cité, a écrit un merveilleux poème à la gloire de Cauterets. Quelle paix majestueuse on y goûte !

CAUTERETS

Hêtres pyrénéens, piliers vertigineux,
Dans le jour pénombré de vos nefs séculaires,
Colonnes de quel temple êtes-vous, de quels cieux
Que nous ne voyons pas sous la voûte légère
Mais dense des arceaux de vos fûts sulfureux ?
Ou ses prêtres géants, debout, silencieux,

Ou de la terre au ciel vous mêmes la prière ?

Hêtres de Cauterets, tubes vertigineux
De bois bien calibré de pièces forestières,
Vous êtes bien surtout de beaux outils de Dieu ;
Par les canaux ligneux de vos longs troncs nerveux
Qui finissent là-haut en fins doigts de lumière,
C'est l'incessant échange et de l'eau et du feu

Et, par eux, l'incessant du ciel et de la terre.

À SUIVRE...

De très jolis poèmes de Vigny et de Vallas pour cette magnifique vallée !
Tu es un excellent guide André avec comme appui l'histoire de notre France et de ses rois et reines !
Très agréable lecture ! Merci.
bis

La montagne a su inspirer de nombreux poètes. Nous allons donc partir à leur rencontre en ta compagnie pour découvrir ces superbes Pyrénées. petitbis

Cauterets avec ses belles excursions en montagne est très apprécié chaque année, et les poètes, peintres et autres artistes y séjournent régulièrement.

Flamme a écrit:: De très jolis poèmes de Vigny et de Vallas pour cette magnifique vallée !
Tu es un excellent guide André avec comme appui l'histoire de notre France et de ses rois et reines !
Très agréable lecture ! Merci.

Si tu as pris plaisir au milieu de cette vallée des Gaves, FLAMME, sache que chaque fois que je prends connaissance de tes commentaires si sympathiques et d'une sincérité qui me touche énormément, c'est un plaisir renouvelé que d'y sentir autant de chaleur et d'amitié. Je te sais gré pour tous ces mots d'Amitié et de partage.

MES TRÈS CHALEUREUX

Passe une excellente journée.

CARPE DIEM

fripou a écrit:: La montagne a su inspirer de nombreux poètes. Nous allons donc partir à leur rencontre en ta compagnie pour découvrir ces superbes Pyrénées.

Découvrir autrement que par les guides touristiques où les Syndicats d'initiative nos belles régions de France, en les dévoilant par les œuvres poétiques de ceux qui y sont originaires ou qui y ont séjourné, ne peut qu'offrir un ressenti et un vécu encore plus proches de la réalité des lieux qu'ils ont su appréhender.

Je te REMERCIE VIVEMENT pour l'intérêt que tu portes à ces "paysages de France", en espérant que les poèmes qui vont suivre te procureront le même enthousiasme.

BEAUCOUP et DE GROS marseillais.

CARPE DIEM

Excellente journée.

Claude3240 a écrit:: Cauterets avec ses belles excursions en montagne est très apprécié chaque année, et les poètes, peintres et autres artistes y séjournent régulièrement.

Bonjour CLAUDE,

Oui, tu as raison, et il m'est plaisant de faire revivre les impressions de tous ces Poètes et Artistes qui ont su apprécier le charme et les Thermes de cette véritable perle des Hautes Pyrénées.

Je te sais gré du partage ainsi que de tes mots très positifs d'agrément.

Passe une très bonne journée, et TOUTE MA TRÈS SINCÈRE AMITIÉ.

Un autre Poète anonyme, un siècle plus tard, au XIXème, fait paraître ces vers qui prouvent que son auteur avait des clartés sur la médecine thermale :

Victimes du mercure au funeste renom
Vous qu'un derme squameux sans trêve persécute
À la source de Pauze vous allez...

Vous que la gastralgie en tout temps tyrannise
Sachez que Mauhourat est l'eau qu'on préconise,
Les douches et les bains du petit Saint-Sauveur
De l'infâme névrose endorment la fureur,
À la source du Pré le rhumatisme cède,
De l'emphysème enfin César est le remède.
Des bains de la Raillère on connaît les vertus :
Ulcères du larynx y seront combattus.

Ci dessous, un poème écrit par Marguerite d'ANGOULÊME, reine de Navarre à l'intention de son gendre Antoine de BOURBON, en 1549 :

"Ces monts très hauts haussent notre désir
De vous y voir avec plaisir ;
De contempler cette grande machine
Où l'on connaît la puissance divine.

La profondeur de cette eau qui détruit
Terre et roches, et mène si grand bruit
Qu'à souffrir défaillent nos oreilles

Du Gave en bas, connaître la laideur
De notre enfer et de notre péché

Voilà, mon fils, la contemplation
De Cauterets, ce jour d'Ascension
Où nous voyons la divine hautesse
Par ces hauts monts, et de nous la bassesse."

C’est le Sieur FABAS, inspecteur des Bains de Saint-Sauveur, qui composa ce poème inspiré par le séjour de Sa Majesté la reine de Hollande et de Louis BONAPARTE lors d’une excursion au Vignemale :

Roi des monts ! Despote intraitable,
Toi qui domines dans les airs,
Toi dont le trône inabordable
Appelle et fixe les éclairs !
Fier Vignemale, en vain ta cime
S’entoure d »’un affreux abîme
De neige et de débris pierreux :
Une nouvelle Bérénice,
Ose, à côté du précipice,
Gravir ton dur front sourcilleux.

En 1843, celui qui n’était pas encore "le plus grand des poètes de tous les temps", mais déjà auréolé de gloire, Victor HUGO, passe à Cauterets, accompagné de Juliette DROUET. Il en ressortira ce poème :

JOURS DE BRUMES À CAUTERETS (27/08/1843)

Le matin tes vapeurs en blanches mousselines
Montent en même temps à travers les grands bois,
De tous les ravins noirs, de toutes les collines,
De tous les sommets à la fois !

Un jour douteux ternit l’horizon ; l’aube est pâle
Le ciel voilé n’a plus l’azur que nous aimons,
Toute une brume épaisse à longs flocons s’exhale
Du flanc ruisselant des vieux monts.

On croit les voir bondir comme au temps du prophète
Et l’on se dit de crainte et de stupeur saisi :
O chevaux monstrueux ! Quelle course ils ont faite
Pour que leur croupe fume ainsi !

À SUIVRE...

Marguerite CLÉRY

LE COEUR SECRET DES MONTS

Lorsque tous nos agneaux dans la prairie en pente
Où perle la rosée enfin se sont couchés,
Nous, bergers, nous rêvons. Au loin le lac serpente,
Et sur son eau qui dort les sommets bleus penchés
Semblent compter les fleurs que sèment les étoiles;
De mystère et de froid pénétrés jusqu'aux moelles,
Nous voyons s'entrouvrir le cœur secret des monts
Que nous aimons.
______________________

Comment résister au plaisir de vous faire découvrir ce très sensuel poème écrit par Jean-Louis VALLAS :

Tes lacs, comme les yeux, là-haut, de la montagne,
Tes glaciers, tes ravins depuis le Pont d’Espagne !
Et si, comme en portaient les bergers d’autrefois,
De tes brumes, parfois, les longue pèlerines
Descendent te couvrir jusqu’ici de leur bruine ;
Mais le soleil, déjà, brillant sur tes vieux toits,
Vient décapuchonner la tête de tes bois.
______________________

Un autre poème très célèbre écrit en la ville de Cauterets, par Marguerite de NAVARRE :

LES MARGUERITES DE LA MARGUERITE DES PRINCESSES

Voici nouvelle joie,
La nuit pleine d’obscurité
Est passée ; et voici le jouir
Auquel marchons en sûreté,
Chassant toute peur par amour,
Sans que nul se dévoie :
Voici nouvelle joie.

L’hiver plein de froid et de pleurs
Est passé tremblant et glacé ;
L’été plein de verdure et fleurs
Nous vient plus beau que l’an passé ;
Ore chacun le voie :
Voici nouvelle joie.

L’arbre sec et fâcheux à voir,
Raboteux et dur à toucher,
Que nul ne désirait avoir,
Maintenant pouvons le toucher :
Il fleurit et verdoie,
Voici nouvelle joie.

Le rossignol qui s’est fâché
Pour la rigueur de l’hiver froid,
Maintenant il ne s’est plus caché
Mais sur la branche il se tient droit :
Il jargonne et verboie,
Voici nouvelle joie.

À SUIVRE...

Guy de MONTGAILHARD

LA CHANSON DU GAVE

Ma source murmure et se ride
Près du dernier bouquet de pins,
Entre deux touffes de lupins,
A flans de la montagne aride.

Pour frères, j'ai les ouragans,
Pour nourrices, les avalanches
Qui posent leurs pelisses blanches
Sur mon front ceint de pics géants.

Le miroir des nuits étoilées
Tremble au sein de mes flots d'acier,
Et le froid mordant du glacier
Coule avec moi par les vallées.

Je suis le gave qui bondit
Sous les fougères et la mousse :
Devant moi le rocher s'émousse
Et le germe épars s'engourdit.
__________________

Émile RENAULD

SOIR FLEURI

Unanime douceur aux champs bleus du vertige,
Les corolles du soir pensif mènent leur chœur :
Harmonieux mystère, ineffable prestige
Du ciel épanoui de feux et de langueur.

Au fil du Gave ami leur image voltige :
Tel se joue, illusoire, un souvenir au cœur.
Dans les grands bois, perdu l'accent d'un cor s'afflige
Et s'éteint aux lointains du silence vainqueur.

N'entends-tu pas vibrer des harpes étouffées ?
Les souffles de la nuit, comme un baiser de fées,
S'attardent sur nos fronts, suaves et charmeurs,

Et, las, s'en vont dormir sur l'épaule des chênes,
Tandis que les échos, par subtiles rumeurs,
Chuchotent les chansons des cascades prochaines.
___________________

Armand SILVESTRE (1837-1901). Né à Paris d'une famille ariégeoise, devint enthousiaste des montagnes des Hautes-Pyrénées dont il ne cessa d'exprimer les splendeurs dans de jolies poésies.

Soir dans la montagne, août 1896.
Sous un flot de vapeurs d'azur et d'améthyste
Le couchant a laissé les rocs silencieux.
L'âme tiède du soir baigne leur grandeur triste
Et leurs profils hautains se perdent dans les cieux.

Leurs sereines hauteurs, l'une à l'autre enchaînées,
Comme les flots mouvants qu'emporte le reflux,
S'effacent, et d'éteint l'ombre des Pyrénées
Que le cor de Roland ne réveillera plus.
...
Mais soudain un croissant a déchiré la nue,
Et, suspendant un pleur de flamme au firmament,
Chaque étoile à son tour au fond des cieux venue,
Chasse un peu de cette ombre et brille lentement.

Un souffle de lumière erre au contour des choses
Et ranime l'esprit dont chacune est hantée :
Et, comme des rayons glissent en des paupières closes,
Sur les cimes des monts s'éveille une clarté.

Ah ! Comme un vin vermeil qui fait le cœur moins sombre,
Gardez un peu de feu qui, sur vos crêtes, luit,
Montagnes qui tendez vos grandes coupes d'ombre
Au ruissellement d'or des astres de la nuit.
__________________

Jacques BOMPARD

FIN DE JOUR

Le déclin de ce jour s'est prolongé longtemps
Là-bas à l'horizon derrière la rivière,
Dans la masse des bois où filtrait la lumière
Des mauves adoucis et des ors éclatants.

Des songes s'éveillaient magnifiques et tendres,
Évoquant la splendeur de la pourpre des rois,
Ou disant lentement le charme et les effrois
De l'heure où l'on est seul à remuer des cendres.

Dans l'eau se balançaient, fantastiques, des fleurs.
Une écharpe traînait mi-voilée et mi-claire.
Un parfum mélangé de thym et de fougère
Venait de la forêt où jouaient des lueurs.
__________________

Comme les montagnes Pyrénées étaient redoutées, peu fréquentées, si ce n'est que par quelques scientifiques audacieux et peu connus, la littérature à leur sujet est quasi inexistante jusqu'au début du XIXe siècle. C'est l'époque où se développent les stations thermales, ce qui entraîne un tourisme montagnard. Les promeneurs d'alors désireux de faire partager leurs découvertes se mettent à décrire la montagne sans être pour autant des écrivains comme par exemple : Ramond de CARBONNIÈRES, AZAÏS, Jean-Joseph Etienne de JOUY, CERVINI, etc. D'autres auteurs, eux fort connus, comme Victor HUGO, Hippolyte TAINE, Alfred de VIGNY, BAUDELAIRE, George SAND sont enthousiastes des Pyrénées et les décrivent avec leur talent. Les apparitions de Lourdes intéressent ZOLA et HUYSMANS ; Francis JAMMES, LAUTRÉAMONT et LAFORGUE ont des parents bigourdans; Laurent TAILHADE est l'enfant terrible : Paul GUTH est amoureux du piémont. Autant de noms prestigieux de notre littérature.

FIN

[/center]

» Marseille vue par les poètes (Compilation)
» Bordeaux vue par les poètes (compilation)
» Lyon vue par les poètes (Compilation)
» La Loire vue par les poètes (Compilation)
» ANNECY vu par les Poètes (Compilation).