Cauterets vu par les poètes (Compilation)

CAUTERETS

Une nuit, j'errais seul à pied dans la montagne
Dont la gorge est en France et le dos en Espagne.
Moi j'allais sur le front et je me croyais grand
Pour avoir sous mes pieds l'eau verte d'un torrent.
J'allais donc triomphant sur cette énorme tête
Dont la neige est le casque et le glacier la crête,
Dont le roc est l'armure et jusqu'à l'horizon
Je voyais se traîner sa robe de gazon

CAUTERETS

Hêtres pyrénéens, piliers vertigineux,
Dans le jour pénombré de vos nefs séculaires,
Colonnes de quel temple êtes-vous, de quels cieux
Que nous ne voyons pas sous la voûte légère
Mais dense des arceaux de vos fûts sulfureux ?
Ou ses prêtres géants, debout, silencieux,

Ou de la terre au ciel vous mêmes la prière ?

Hêtres de Cauterets, tubes vertigineux
De bois bien calibré de pièces forestières,
Vous êtes bien surtout de beaux outils de Dieu ;
Par les canaux ligneux de vos longs troncs nerveux
Qui finissent là-haut en fins doigts de lumière,
C'est l'incessant échange et de l'eau et du feu

Et, par eux, l'incessant du ciel et de la terre.

Victimes du mercure au funeste renom
Vous qu'un derme squameux sans trêve persécute
À la source de Pauze vous allez...

Vous que la gastralgie en tout temps tyrannise
Sachez que Mauhourat est l'eau qu'on préconise,
Les douches et les bains du petit Saint-Sauveur
De l'infâme névrose endorment la fureur,
À la source du Pré le rhumatisme cède,
De l'emphysème enfin César est le remède.
Des bains de la Raillère on connaît les vertus :
Ulcères du larynx y seront combattus.

"Ces monts très hauts haussent notre désir
De vous y voir avec plaisir ;
De contempler cette grande machine
Où l'on connaît la puissance divine.

La profondeur de cette eau qui détruit
Terre et roches, et mène si grand bruit
Qu'à souffrir défaillent nos oreilles

Du Gave en bas, connaître la laideur
De notre enfer et de notre péché

Voilà, mon fils, la contemplation
De Cauterets, ce jour d'Ascension
Où nous voyons la divine hautesse
Par ces hauts monts, et de nous la bassesse."

Roi des monts ! Despote intraitable,
Toi qui domines dans les airs,
Toi dont le trône inabordable
Appelle et fixe les éclairs !
Fier Vignemale, en vain ta cime
S’entoure d »’un affreux abîme
De neige et de débris pierreux :
Une nouvelle Bérénice,
Ose, à côté du précipice,
Gravir ton dur front sourcilleux.

JOURS DE BRUMES À CAUTERETS (27/08/1843)

Le matin tes vapeurs en blanches mousselines
Montent en même temps à travers les grands bois,
De tous les ravins noirs, de toutes les collines,
De tous les sommets à la fois !

Un jour douteux ternit l’horizon ; l’aube est pâle
Le ciel voilé n’a plus l’azur que nous aimons,
Toute une brume épaisse à longs flocons s’exhale
Du flanc ruisselant des vieux monts.

On croit les voir bondir comme au temps du prophète
Et l’on se dit de crainte et de stupeur saisi :
O chevaux monstrueux ! Quelle course ils ont faite
Pour que leur croupe fume ainsi !

Tes lacs, comme les yeux, là-haut, de la montagne,
Tes glaciers, tes ravins depuis le Pont d’Espagne !
Et si, comme en portaient les bergers d’autrefois,
De tes brumes, parfois, les longue pèlerines
Descendent te couvrir jusqu’ici de leur bruine ;
Mais le soleil, déjà, brillant sur tes vieux toits,
Vient décapuchonner la tête de tes bois.
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LES MARGUERITES DE LA MARGUERITE DES PRINCESSES

Voici nouvelle joie,
La nuit pleine d’obscurité
Est passée ; et voici le jouir
Auquel marchons en sûreté,
Chassant toute peur par amour,
Sans que nul se dévoie :
Voici nouvelle joie.

L’hiver plein de froid et de pleurs
Est passé tremblant et glacé ;
L’été plein de verdure et fleurs
Nous vient plus beau que l’an passé ;
Ore chacun le voie :
Voici nouvelle joie.

L’arbre sec et fâcheux à voir,
Raboteux et dur à toucher,
Que nul ne désirait avoir,
Maintenant pouvons le toucher :
Il fleurit et verdoie,
Voici nouvelle joie.

Le rossignol qui s’est fâché
Pour la rigueur de l’hiver froid,
Maintenant il ne s’est plus caché
Mais sur la branche il se tient droit :
Il jargonne et verboie,
Voici nouvelle joie.

Soir dans la montagne, août 1896.
Sous un flot de vapeurs d'azur et d'améthyste
Le couchant a laissé les rocs silencieux.
L'âme tiède du soir baigne leur grandeur triste
Et leurs profils hautains se perdent dans les cieux.

Leurs sereines hauteurs, l'une à l'autre enchaînées,
Comme les flots mouvants qu'emporte le reflux,
S'effacent, et d'éteint l'ombre des Pyrénées
Que le cor de Roland ne réveillera plus.
...
Mais soudain un croissant a déchiré la nue,
Et, suspendant un pleur de flamme au firmament,
Chaque étoile à son tour au fond des cieux venue,
Chasse un peu de cette ombre et brille lentement.

Un souffle de lumière erre au contour des choses
Et ranime l'esprit dont chacune est hantée :
Et, comme des rayons glissent en des paupières closes,
Sur les cimes des monts s'éveille une clarté.

Ah ! Comme un vin vermeil qui fait le cœur moins sombre,
Gardez un peu de feu qui, sur vos crêtes, luit,
Montagnes qui tendez vos grandes coupes d'ombre
Au ruissellement d'or des astres de la nuit.
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Jacques BOMPARD

FIN DE JOUR

Le déclin de ce jour s'est prolongé longtemps
Là-bas à l'horizon derrière la rivière,
Dans la masse des bois où filtrait la lumière
Des mauves adoucis et des ors éclatants.

Des songes s'éveillaient magnifiques et tendres,
Évoquant la splendeur de la pourpre des rois,
Ou disant lentement le charme et les effrois
De l'heure où l'on est seul à remuer des cendres.

Dans l'eau se balançaient, fantastiques, des fleurs.
Une écharpe traînait mi-voilée et mi-claire.
Un parfum mélangé de thym et de fougère
Venait de la forêt où jouaient des lueurs.
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