PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LE BESTIAIRE
La première apparition de ce mot apparaît dès le XIIe siècle : il s'agit d'un recueil de textes consacrés aux animaux. Les "bestiaires" étaient presque tous composés en vers.
Les bestiaires du Moyen Âge faisaient partie d'une littérature didactique qui voulait transmettre un enseignement et utilisait la versification dans un souci d'efficacité et de mémorisation.
À côté des bestiaires, les "lapidaires" donnaient des renseignements sur les pierres précieuses ou non, sur ce qui concernait plus généralement la terre et les sciences.
Les "volucraires" étaient consacrés uniquement aux oiseaux. Les bestiaires du Moyen Âge sont des ouvrages composites , savants, mélangeant pseudo-science, religion, légendes, amour et poésie. Toutefois, les bestiaires les plus importants, écrits en langue française, datent du XIIIe siècle. Citons, pour exemple : "Le Bestiaire" de Philippe THAON, "Le Bestiaire" de GERVAISE, et "Le Bestiaire Divin" de Guillaume LE CLERC (qui, à lui seul comportait 3426 vers).
Ces "bestiaires" évoquent aussi bien des "êtres légendaires" que des "animaux réels".
Au XVe siècle, le genre continua un moment avant de disparaître presque complètement. Rémy BELLEAU écrivit un bestiaire et un lapidaire. "Petites inventions". 1157 ; "Les Amours et Nouveaux Èchanges des pierres précieuses, vertus et propriétés d'icelles",1576. Le genre ne reparut pas dans la poésie pendant plusieurs siècles, pour resurgir avec vigueur au XXe siècle.
Le premier à la prouver fut Guillaume APOLLINAIRE avec "Bestiaire au Cortège d'Orphée", dont les premiers poèmes parurent dans LA PHALANGE en 1908. Sans en porter le titre, on peut considérer que le recueil de Paul ÉLUARD, "Les Animaux et leurs hommes", "Les Hommes et leurs Animaux" est une sorte de bestiaire qui passe en revue "Cheval" , "Vache", "Porc", "Poule", "Poisson", etc.
LA CHENILLE
Le travail mène à la richesse.
Pauvres poètes, travaillons !
La chenille en peinant sans cesse
Devient le riche papillon.
Guillaume APOLLINAIRE.
Toutefois, c'est un recueil de Robert DESNOS qui ressuscita pleinement le vieux genre en rendant populaire le thème du bestiaire. Citons : "Trente chantefables pour les enfants sages" (1944) , auxquelles s'adjoignirent ensuite "Les Chantefleurs" :
Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi parlant français,
Parlant latin et javanais,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Eh ! Pourquoi pas ?
Robert DESNOS
La seconde partie du XXe siècle a connu un véritable déferlement de "bestiaires", dont beaucoup d'une affligeante médiocrité. Cependant, parmi tous ces bestiaires certains ont su s'inscrire dans la tradition pour réaliser une poésie nouvelle. Ils ont même, parfois, retrouvé le charme des abécédaires :
M COMME MOUTON
Il n'est rien moins qui nous épate
Qu'un mouton au milieu d'un pré,
Mais que dire quand vu de près,
Ce mouton banal a cinq pattes ?
Daniel LANDER