André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: L'ORALITÉ (Prosodie) Mar 29 Mar - 18:22 | |
| PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
L'ORALITÉ La poésie a toujours entretenu une relation étroite avec la performance à voix haute, définie comme l'action complexe par laquelle un message poétique est simultanément transmis et perçu, ici et maintenant, autrement dit par la voix et l'ouïe.
" - La poésie est une parole pleine, elle use de tous les aspects physiques de la langue" écrit Coleridge, en 1817. On pourrait ajouter que la poésie chante pour apprendre à douter et maintenir par là notre liberté, notre indépendance de poète.
Ce lien, ancien et fondateur trouve son bien-fondé dans le fait que la poésie a précédé l'écriture, et a longtemps été destiné à des récitations en musique, et qui a connu son apogée à l'époque des troubadours.
Travaillant non seulement les mots, leur organisation particulière pour susciter des effets que l'on peut décrire avec quelque rigueur, la poésie phonique conduit à la limite où la versification cesse d'être de la poésie pour basculer du côté de l'art des sons : la musique. Les synesthésies, comme l'harmonie imitative, doivent donc être utilisées, intégrées, assimilées par l'organisation textuelle du poème. Elles constituent, de ce fait, un moyen et non la fin de l'activité poétique. On peut appeler ce phénomène une sorte de pouvoir mimétique des sons du langage.
Mallarmé, ou encore Isidore Isou, ont cherché des codes précis pour indiquer la façon de restituer correctement leurs textes, en inventant des "poèmes-partitions" utilisant des systèmes particuliers de notation des notations des intonations ou des bruits.
Le XXème siècle a vu se développer une poésie sonore cherchant à exploiter la matière vocale pure d'où le lexique et la syntaxe peuvent être totalement exclus. Ces créations sont présentées comme une libération par rapport aux contraintes de la langue, ou encore, par certains, comme u enrichissement de ses ressources. En 1918, Apollinaire incite, par exemple, à trouver de "nouveaux sons". Ces démarches, en fait, n'ont rien de contemporaines. Elles renouent, simplement, avec des pratiques anciennes comme l'incantation ou le chant. Ces deux formes d'oralité donnent une place importante à un corps qui est à la fois celui "physiquement individualisé, de chacune des personnes engagées dans la performance, et celui, plus difficilement cernable, mais bien réel, de la collectivité". Autrement dit, elles reposent sur l'exercice de la "puissance physiologique" complète de la voix qui ne tient pas de façon immédiate au sens, mais prépare le milieu où il se dira.
À ce titre, son évaluation esthétique doit dépasser le simple examen des textes pour prendre en compte, comme au théâtre, l'ensemble de la performance.
Mallarmé, à ce propos, a écrit : - "Le vers qui de plusieurs vocables refait un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire, achève cet isolement de la parole : niant, d'un trait souverain, le hasard demeuré aux termes malgré l'artifice de leur retrempe alternées en le sens et la sonorité, et vous cause cette surprise de n'avoir ouï jamais tel fragment ordinaire d'élocution, en même temps que la réminiscence de l'objet nommé baigne dans une neuve atmosphère".
Reconnaissons que le fait de faire glisser le sens des mots pour l'accorder aux valeurs expressives de leurs sonorités est la recherche de tout poète amoureux de l'harmonie musicale. | |
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