PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LA PARODIE
Du Grec
parôdia qui signifie :
"chant" et
para qui veut dire :
"à côté". La
parodie, étymologiquement parlant, est désignée comme une sorte de contre-chant d'une littérature parallèle : elle s'utilise et se lit, généralement, au second degré. Mais on peut affirmer qu'elle se s'inscrit dans le cadre de
l'intertextualité. (Voir mon article dans le forum à ce sujet).
En fait, par parodie on a l'habitude de désigner l'imitation satirique d'une œuvre réputée "sérieuse". Il est important de distinguer la
parodie du
travestissement burlesque (pastiche du style plutôt vulgaire pour traiter un noble sujet).
Le but de la parodie est d'adresser un petit clin d'œil aux lecteurs ; elle est un moyen de se moquer des travers de la société du temps. Elle joue à dessein avec les anachronismes, et se plaît à employer un registre de langue familier, voire trivial (vous me connaissez pour savoir que j'use souvent de ce procédé) pour démystifier, en quelque sorte, l'austérité aseptisées des œuvres classiques dont elle s'inspire. Il s'agissait, par exemple, au XVIIe siècle, de dénoncer le badinage précieux des habitués de l'Hôtel de Rambouillet. Tel était d'ailleurs bien l'objectif de Molière dans ses "
Précieuses ridicules", ou encore le
"Virgile travesti" de Scarron, inspiré lui-même de
"l'Énéide travestie", écrite en 1633 par Giambettista Lulli.
"Les Contes cruels" de Villiers de Lisle-Adam (Virginie et Paul), ainsi que
"Les Amours jaunes" de Tristan Corbières, ou encore
"La guerre de Troie n'aura pas lieu", de Giraudoux, en sont de parfaites illustrations.
Comme le pastiche (sujet que j'aborderai bientôt), la parodie imite un modèle célèbre, un poème suffisamment connu pour être reconnu. Mais, à la différence du pastiche qui est simplement une imitation, la parodie s'invente, et elle est une caricature. Toutes les parodies sont toujours des pastiches ; mais tous les pastiches ne sont pas forcément des parodies, comme le souligne Jacques Charpentreau dans son
"Dictionnaire de la Poésie française".
"- Le pastiche sourit, il est tendre et timide" écrivait Victor Hugo.
"Le fils pastiche le père, le disciple pastiche le maître", tandis que
"la parodie ricane et grince"... Le poète-parodiste pourchasse effrontément la nymphe poésie, et un peu de viol ne saurait lui déplaire.
Victor Hugo a certainement été l'un des poètes le plus parodié et le plus pastiché. C'est ainsi dans cette pièce que les fameux vers du Hugo ont été paraphés par Auguste de Lauzanne, le parodiste de service :
... Sait-tu, futur César romain
Que je t'ai là, chétif et petit dans ma main
Et que, si je serrais cette main trop loyale,
j'écraserais dans l'œuf ton aigle impériale ;
Victor Hugo
Vu à présent par le monsieur ci-dessus cité, voilà ce que cela donne :
Je pourrais dans l'instant, ton dédain m'y provoque,
T'écraser dans ma main comme un œuf à la coque.
Henri Bellaunay, célèbre poète contemporain, à, quant à lui, pastiché presque tous les grands classiques. Voici sa manière de célébrer Villon dans
"La ballade des étoiles du Temps jadis" :
Dites-moi où n'en quel pays
Est Sophia la belle Loren
Lollobrigida et Vitti,
Qui ne lui cédaient qu'à peine,
B.B. aux bêtes tant amène,
Dessus banquise ou dans les champs
Aux phoques donnant tendre aveine.
Où sont les Étoiles d'antan ?
Et encore un autre pastiche, du même homme, sur un poème de Hugo :
BOOZ INSOMNIEUX
Il s'était mis au lit de bonne heure. Il avait
Bu la fleur d'oranger à l'effet salutaire.
Il avait pris son bain ainsi qu'à l'ordinaire,
Mais il ne dormait pas, et cela l'ennuyait.
Quand on est vieux, on a des nuits interminables.
On attend le sommeil ainsi qu'un baume frais ;
Mais on l'attend encor lorsque l'aube paraît
Comme un phoque pensif échoué sur les sables (...)
"-
Le pastiche, écrivait Oscar Wilde,
c'est la muse ironique. Depuis toujours il m'a séduit, mais il exige un amour réel du maître caricaturé. Seuls les disciples peuvent parodier".