La Comtesse romantique (défi de mots)

La Comtesse romantique,
Dans son vieux manoir à l’orée des bois, Madame la Comtesse était en COLERE et réfléchissait à une foule de sensations fugitives. Son esprit s’était lassé et comme vieilli de ce cérémonial dû à son titre. Cependant, il lui restait un amour immense pour la nature et la grande musique. Sa route avait été longue et pénible. Elle était partie faire une cure sur les côtes de Biarritz. Elle avait DERIVE sur les plages mousseuses de l’Atlantique. Elle y avait admiré les escouades de GOELANDS argentés au large de l’océan. Elle y avait laissé son ESPRIT et son âme. La fatigue de sa dernière anémie et le trépas prématuré de son époux l‘avaient anéantie. Qu’allait-elle devenir maintenant que Monsieur le Comte n’était plus ? Comment se défendre des rumeurs qui courraient depuis si longtemps ? Les gens de la ville lui avaient prêtée des aventures mais c’était infondé. Sa vie maritale l’avait enchantée mais elle éprouvait des incertitudes : avait-elle fait le bon choix de quitter sa chère province ? Qu’étaient  devenues ses chères amies d’enfance ? Et la petite maison familiale en bord de rivière où elle laissa tant de bons souvenirs, existait-elle encore ? Elle était lasse de sa vie monotone, dans cette trop vieille bâtisse où il y PLEUVAIT, à ce rang qu’elle devait toujours tenir, à ressasser souvent les mêmes pensées et elle se mit à sonder son cœur, le plus profondément possible. Une vague de sentiments la submergea soudain  et elle se dit qu’une promenade dans la forêt lui serait un moment délicieux pour évacuer ce trop-plein de douleurs et d’abattement.
Elle remisa rapidement dans le coffre à linge sa robe noire et son chapeau de deuil. Elle les échangea pour une tenue plus propice à sa promenade. Elle sortit de la maison d’un pas altier et se dirigea vers les écuries pour sortir Jonas, son fidèle étalon noir et ils partirent au grand galop suer les petits SENTIERS. Elle ne pouvait plus supporter cette solitude malfaisante. Quand elle s’approcha du bois, elle FRISSONNA de plaisir : elle retrouvait les douces sensations de sa jeunesse et son cœur palpitait. Elle en avait des LARMES aux yeux. Elle s’émerveilla du doux sifflement du vent dans les feuillages et apprécia son souffle léger dans ses cheveux dénoués. Ses jolis yeux bleus brillaient de joie et de bonheur. Le doux chant des oiseaux l’accompagnait et elle essayait de reconnaître leur mélodie comme lorsque elle était une enfant. Le parfum des fleurs sauvages et de l’humus lui chatouillaient agréablement les narines. Il fallait si peu de choses à sa rêverie : le craquement d’une branche, le murmure du ruisseau, le halo de la lune se reflétant dans le cours d’eau, des battements d’ailes au-dessus de sa tête, des fragrances subtiles, Elle rêvait alors d’horizons lointains, de mondes magiques emplis de jolies fées bleues, de petits lutins verts, de papillons arc-en-ciel, de loups blancs, de merveilleuses fleurs qui ne se fanent jamais, d’oiseaux de paradis qu’elle avait rencontrés lors d’un voyage en Australie… Elle oubliait les tristes évènements de sa vie et surtout que l’hiver s’approchait d’elle inexorablement. Elle s’était soumise avec peine au protocole et à sa vie quotidienne mais son imagination nostalgique l’avait libérée. Elle était  maintenant heureuse et elle pouvait enfin rêver à l’infini. Madame la Comtesse était une jolie dame de soixante-quinze printemps qui avait gardé, malgré les aléas de la vie, une âme très romantique. Dans ce bois joli avec son fidèle compagnon, elle avait sans doute trouvé sa cure de Jouvence. Elle n’avait plus mal nulle part, plus de barrière, plus d’horaire ni de faste à respecter, sourde à tous commérages : elle ne faisait plus qu’un avec Jonas et cette nature vivifiante qui l’entourait et qui semblait la comprendre. Plus rien ne l’arrêtait dans sa course folle contre le temps : elle devait rattraper  plus de cinquante ans de soumission et de mal-être dans une société étriquée et trop snob pour elle. Elle était restée simple dans son cœur et dans sa tête et se jurait de le rester jusqu’à son dernier souffle : qu’importait son titre et son manoir, elle les mettrait au clou pour partir en bohème, un peu à la manière de la superbe Elisabeth d’Autriche. Elle avait le même tempérament de feu et aussi casse-cou. Elle sautait les barrières comme au temps de sa jeunesse, partait au triple galop, s’arrêtait quelquefois pour se désaltérer à l’eau pure d’une source, parlait à son cheval ou à elle-même, chantait des airs d’opéra qu’elle connaissait par cœur, enivrée par la brise qui courait sur son corps de vieille dame qui n’en avait pas fini avec la vie. Elle avait quitté sa CAGE dorée de grand Dame et s’absorbait enfin dans le SILENCE de son cœur apaisé et serein.
Lucienne le 12.02.2016