L'inspecteur reprend du service 10

L’inspecteur reprend du service 10,
En visitant la demeure de fond en comble, les policiers avaient trouvé des documents notariés, l’acte de vente de la maison aux époux, un certificat de décès au nom de Mademoiselle Florence de Serreville, des cartes d’identité à différents patronymes, des passeports également : tout cela sentait la falsification et l’usage de faux. L’inspecteur dépêcha en urgence un expert assermenté près d’une cour d’appel pour déterminer la valeur de ces documents, l’authenticité des signatures. Cela nécessitait un travail d’observation de haut niveau, de comparaison et d’analyse qui requerrait une formation spécifique ainsi qu’une technologie de pointe et une méthode rédactionnelle rigoureuse. L’expert examinera ces pièces de questions qu’il pourra comparer avec les lettres et autres papiers familiaux de la jeune femme. Il fallait qu’il fasse diligence pour inculper le couple de faux et usage de faux, meurtre, usurpation de biens immobiliers, séquestration sur la personne du jardinier, et cetera.
Pour l’heure, l’inspecteur se sentait épuisé et, laissant ses hommes sur le terrain, il décida de regagner son bureau pour aller se reposer. Sa nuit avait été courte et sa journée à n’en plus finir: plus de dix heures qu’il était sur les lieux à chercher, à comprendre, à discuter et interroger. Il commençait à avoir mal à la tête et il ne pouvait plus réfléchir correctement. Un peu de silence lui ferait grand bien et s’il pouvait dormir une petite heure, ce serait que mieux. Il décrocha le téléphone pour ne pas être dérangé et s’allongea dans son vieux canapé. Mais il eut du mal à attraper le sommeil : trop de questions restaient en suspens.
Alors, il se releva et se mit à l’ordinateur pour taper toutes les données en sa possession. Puis, il appela le conseil régional de la chambre des notaires pour s’informer sur le dit maître Dupont d’Orville et quelle ne fut pas sa stupéfaction d’apprendre qu’il avait été incarcéré depuis deux mois pour des manœuvres financières illicites et falsifications de documents.
L’inspecteur n’avait pas perdu son temps : il n’avait plus qu’à interroger les deux forcenés pour leur faire avouer leur crime. Il lui semblait que le plus faible des deux était l’homme. Il commencerait donc par lui, espérant lui soutirer le plus de renseignements possibles pour faire basculer l’arrogance et la superbe de sa femme, quitte à le bousculer un peu.
Ce dernier entra dans son bureau, menotté et entouré de deux policiers. Il faisait profil bas, le regard toujours aussi fuyant, très pâle, le corps secoué de spasmes, la lèvre tremblotante.
Et il se mit très vite à table, comme pressé d’en finir en chargeant son épouse au maximum : d’après lui, c’était elle qui avait eu l’idée de cambrioler la propriété. Elle l’avait repérée quelques six mois auparavant en cherchant des maisons cossues à dévaliser pour faire bouillir la marmite. Elle passait son temps chez les chineurs et savait parfaitement reconnaître les meubles et autres objets de valeur à refourguer chez les brocanteurs. Elle connaissait un receleur et s’était mis d’accord avec lui pour récupérer le fruit de ces cambrioles. Mais, ils ignoraient que la maison était encore occupée par le personnel. Quand ils déboulèrent dans la propriété, ils tombèrent sur le jardinier et, sous l’effet de la surprise, ils n’eurent aucun mal à le maîtriser. Par contre, quand ils pénétrèrent dans la maison, le majordome leur tint tête et les menaça d’appeler les gendarmes. Alors, ils s’affolèrent et comme il leur tournait le dos pour atteindre le téléphone, sa femme s’empara d’un grand couteau de cuisine et lui planta dans le dos mais, il n’était pas mort et continuait de hurler. Un autre coup dans la jugulaire le fit taire à jamais. Ils l’enterrèrent dans le parc sous un amas de tôle qu’ils recouvrirent de branches et enfermèrent le jardinier dans l’appentis : ce dernier n’avait rien vu.
Ainsi donc, l’inspecteur en savait un peu plus mais il ignorait toujours pourquoi ils avaient épargné le jardinier et Mademoiselle de Serreville ; ils n’étaient plus à un cadavre près !
L’homme était prostré et abattu par ses aveux. Il avait chargé sa femme de toute l’affaire et ne semblait pas se rendre compte de l’importance des faits : faux en écriture, falsifications d’actes notariés, fausses pièces d’identité détenues, effraction et cambriolage, meurtre, recel de biens et de personne, usurpation d’identité et cetera. Il risquait vingt-deux de réclusion sans libération conditionnelle.
Ne restait plus qu’à l’inspecteur à entendre la version de l’épouse : elle serait récalcitrante mais il pensait la faire craquer ; il savait comment procéder avec elle, il avait déjà sa petite idée…
Lucienne le 06.02.2016