L'inspecteur reprend du service 7

L’inspecteur reprend du service 7,
Fort de ces renseignements, il quitta son vieil ami sur une poignée de main ferme et chaleureuse, tout en lui promettant de se revoir bientôt.
Il regagna son bureau d’un pas alerte, poussé par le vent frais qui avait forci.
Il ne lui restait plus qu’à s’occuper du jardinier : cette disparition l’inquiétait au plus haut point. Il savait par la jeune femme que c’était un homme d’une soixantaine d’années, vieux garçon, sans attache familiale dans la région et qu’il était à leur service depuis plus de trente ans. Autant dire qu’il faisait partie de la maison. Travaillant en toute autonomie, il faisait preuve d'initiatives et de créativité. Son activité étant à l'extérieur, une grande résistance physique lui permettait de porter des charges lourdes, de travailler parfois dans le froid, sous la pluie ou au contraire au soleil. Enfin, il faisait  preuve de discrétion et de respect face aux éléments de la vie privée de ses patrons. Il était titulaire du baccalauréat professionnel agricole en aménagement paysager et très polyvalent. Il s’occupait parfois de l’intendance du domaine et servait, à l’occasion, de chauffeur. Il habitait un appentis adossé derrière la demeure et prenait ses collations avec le petit personnel. C’était un homme qui avait de grandes connaissances, qui aimait par-dessus-tout son métier, un fin observateur et qui était très attaché à ses employeurs. Cette absence sans nouvelles n’était pas normale : il lui était sûrement arrivé quelque chose de grave.
Quand il arriva à destination, Mademoiselle de Serreville l’attendait à la porte. Il la fit entrer et lui offrit un café mais elle refusa. Alors, il lui exposa en détail les explications du notaire et ses recommandations pour faire valoir ses droits.
La jeune femme semblait exténuée, si pâle et les yeux larmoyants mais elle esquissa un petit sourire de soulagement. Enfin, elle pouvait voir le bout du tunnel et récupérer sa propriété.
Il ne la retint pas plus longtemps : elle avait besoin de repos. Il la raccompagna à la porte et lui promit de tout mettre en œuvre pour retrouver son homme de main. Il ne lui cacha pas son inquiétude.
Il n’eut pas le temps de fermer le bureau que le téléphone sonna : il se précipita pour répondre. C’était l’équipe cynophile qui l’appelait de la propriété : ils avaient trouvé un cadavre dans le parc, enfoui sous un tas de tôles ondulées, dissimulé sous un amoncellement de feuilles et de branches. L’inspecteur était anéanti de cette nouvelle : il l’avait pressenti mais avait espéré jusqu’au bout qu’il se fût trompé. Il dépêcha un médecin légiste sur le terrain mais il connaissait déjà l’identité de la victime. Restait à trouver les causes du décès et si homicide avéré, le ou les coupables.
Il lui fallait maintenant avertir la jeune femme de cette macabre découverte : sans nul doute qu’elle serait effondrée par cette terrible nouvelle. Elle semblait l’avoir fort apprécié pour son professionnalisme et l’avait considéré comme un père de substitution. Elle avait perdu le sien très jeune et il l’avait pris sous son aile très naturellement, il lui avait prouvé son savoir-faire et lui avait appris le semis des fleurs et des arbres, le bouturage, les caractéristiques des végétaux, les contraintes saisonnières, le recyclage des déchets verts, l’entretien des outils, l’engazonnement de la pelouse, et cetera. Mais son enseignement ne s’était pas arrêté à son seul métier. Il lui avait raconté aussi sa vie, ses voyages quand il était plus jeune, ses connaissances livresques, ses nombreuses conquêtes féminines sans lendemain, ses aspirations, entre autres. Apparemment, c’était un homme très ouvert qui s’était pris de grande affection pour elle. A n’en pas douter, il laisserait un vide énorme et une peine immense dans le cœur de la jeune femme. Il lui fallait pourtant lui annoncer cette triste nouvelle. C’était le côté le plus sombre et difficile de son rôle d’officier de police…
Lucienne le 04.02..2016