Sale histoire pour l’inspecteur 4

Sale histoire pour l’inspecteur 4

A son réveil, l’inspecteur passa la main sur son front dégarni, se palpa les bras, le dos : il était courbaturé, comme d’habitude ! Il étira sa carcasse harassée et alla se préparer un café serré, sans sucre : il en aurait besoin de plus d’un dans la journée, il n’avait dormi que quelques heures.
Le téléphone le fit sursauter mais il laissa sonner. Il faut dire que c’était dimanche et que, normalement, il était de repos. Son adjoint étant en congés, il voulait régler cette affaire lui-même : pas question de la laisser en sous-main.
Pour commencer, il devait récapituler et assembler tous les éléments à sa disposition. Il fallait faire vite : l’élite du bled avait déjà demandé au procureur de ne pas trop ébruiter cette affaire. Cela faisait mauvais effet pour les éventuels touristes et la municipalité : les élections approchaient.
D’après ses premiers renseignements, le couple de retraités étaient des enfants du pays. Ils faisaient partie des notables ayant pignon sur rue. Lui était l’ancien maire du village et sa compagne  avocate au barreau. Ils n’étaient pas mariés, n’avaient pas d’enfants et leurs biens devaient aller à une association caritative : le gratin, quoi ! Il fallait donc y aller avec précaution pour ne pas froisser les esprits.
Il devait établir un plan pour faire parler les baba-cools plus muets que les villageois. Il ferait appel au journal local, sans doute les pigistes connaissaient –ils les secrets du village mieux que personne !
Et puis, il irait à l’étude de Maître Lamarque, le notaire de la famille pour évaluer les biens et savoir ce qui avait disparu. Mais, au risque de se tromper, l’inspecteur ne croyait pas à la thèse du cambriolage. Le crime macabre ne collait pas du tout : pas d’effraction, aucun verre cassé et le temps était trop précieux pour le perdre à dépecer et démembrer des corps. C’était certainement plus sordide que ça ! Si mystère il y avait, le médecin légiste se chargera de l’éclaircir en partie.
Tandis qu’il feuilletait son dossier avec flegme, il poussa un grognement : la caméra installée à l’entrée de la maison devrait certainement l’aider à retrouver ces assassins. Ils étaient plusieurs, c’était sûr et certain, il le savait. Il fouillerait dans le jardin pour voir les éventuelles empreintes : il devait y en avoir parce que le temps était pluvieux depuis plusieurs jours et il avait remarqué de la boue sur les baskets des jeunes gens.
Pendant qu’il cherchait les informations, il fit tomber sa tasse de café .Comme d’habitude, il se fit une écorchure avec les morceaux brisés.
- Allons bon, que je suis maladroit, gémit-il dans une plainte! Il serra le poing pour arrêter l’écoulement sanguin et mit un pansement. Il n’était pas douillet d’ordinaire mais, en l’occurrence, il était fatigué et quelque peu énervé.
Cette affaire ne serait pas facile à élucider, beaucoup d’éléments restaient à vérifier, à commencer par les alibis de ces farfelus et l’enquête de voisinage du couple : pourquoi avaient-ils ouvert de leur plein gré, semblait-il et à qui ?
La routine ? Peut-être que son légendaire « pifomètre » se trompait pour une fois, cette histoire dépassait la raison.
Il passa deux coups de fil urgents et se dirigea d’un pas rapide vers les cellules de dégrisement ; il n’avait que quarante-huit heures pour la garde à vue …

Lucienne le 28.12.2015