Sale histoire pour l’inspecteur,

Sale histoire pour l’inspecteur,
L’inspecteur releva le col de son trench-coat et rajusta son chapeau. Le vent soufflait très fort et les nuages noirs annonçaient une belle averse.
C’était le deuxième homicide dans ce bled, perdu au milieu de nulle part : un couple de paisibles retraités avait été assassiné avec grande sauvagerie. Ils avaient été torturés, dépecés, démembrés et calcinés. Leur maison avait été mise à sac et saccagée. L’argent et les bijoux avaient disparu.
Il n’y avait pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde exceptés des chiens errants, à croire que la vie s’était arrêtée : alors, que c’était-il donc passé ici ?
Il remonta le chemin de cailloux blancs et se dirigea vers l’estaminet du coin, seul commerce encore ouvert à cette heure tardive.
Son entrée fut remarquée comme s’il était un extra-terrestre !
Il se fit servir un chocolat chaud, l’alcool étant interdit pendant le service et s’assit sur un tabouret en bout de comptoir : ainsi, avait-il une vue élargie sur toute la salle.
Il écoutait d’une oreille attentive l’histoire des uns et des autres mais à priori, rien d’intéressant pour son enquête.
C’est alors que son regard s’arrêta sur un couple de baba cools : cheveux longs avec des rastas, piercings, tatouages, verbe haut et quelque peu éméchés. L’homme payait ses consommations avec un gros billet de cinq cent euros flambant neuf. Le policier interrogea le cafetier pour connaître leur identité mais celui-ci ne put le renseigner : ils n’étaient pas du pays et c’était la première fois qu’ils venaient dans son pub.
Alors, l’inspecteur s’approcha de la table et sortit sa plaque de police.
Les jeunes gens furent mal à l’aise, pâlirent subitement et commencèrent à trembler : il était clair qu’ils n’étaient pas dans leur état normal ou alors ils avaient quelque chose à se reprocher.
En les examinant de plus près, les vêtements semblaient souillés de sang et, tout en les questionnant, l’inspecteur vit des griffures et des hématomes sur leurs bras et leurs mains.
Il leur demanda leur identité et leur emploi du temps pour la soirée du double meurtre.
Mais un grand silence lui répondit : les marginaux se renfermèrent dans un mutisme renfrogné qui lui semblait bruyant dans le grand brouhaha de la pièce.
Il n’en tirerait rien maintenant, il devait les conduire manu militari au commissariat.
Ils n’étaient pas en condition pour parler et le lieu n’était pas propice.
Mais l’inspecteur pensait  tenir ses coupables ; il ne lui restait plus qu’à savoir le pourquoi du comment.
Il les menotta par précaution et ils sortirent du bar : une camionnette de la gendarmerie attendait pour les réceptionner.
Dehors, un épais brouillard était tombé et l’inspecteur eut des frissons : quel temps pourri se dit-il !
Lucienne le 24.12.2015