Sale histoire pour l’inspecteur 6

Sale histoire pour l’inspecteur 6

L’inspecteur se leva pour signifier que l’entretien était terminé.
Mais il restait dubitatif : la jeune fille lui paraissait sincère et elle semblait fragile. Elle avait une perception très aiguisée qui s’apparentait à un sixième sens, dû à son handicap, certainement, pensa-t-il. Elle était capable de capter des signaux minuscules, imperceptibles pour le commun des mortels.
Hélas, des intuitions ne pouvaient pas figurer dans un dossier. Une expertise psychiatrique sera ordonnée  pour juger de la santé mentale des jeunes gens.  La jeune fille avait été fortement commotionnée et avait sans doute oublié quelques menus détails. En interrogeant William, il espérait en savoir beaucoup plus sur les évènements.de cette tragédie.
Si les témoignages ne se recoupaient pas, il aviserait pour une autre approche, plus musclée peut-être et tous les deux ensembles. Il fallait absolument que cette affaire soit bouclée avant les vingt-quatre heures restantes : le procureur était inflexible là-dessus.
Il avala vite fait une tasse de café, alluma une cigarette et s’octroya un petit quart d’heure pour faire une pause : il avait besoin de réfléchir.  Il attendait les résultats du médecin légiste et des experts en psychiatrie.  Il n’était pas habitué à ce genre de crime; c’était la première fois, dans sa carrière, qu’il devait élucider un meurtre aussi macabre. Ce genre d’assassinat avec mutilation de corps n’occupait pas régulièrement la une des journaux.
Qu’est-ce qui poussaient un ou plusieurs meurtriers à découper un corps ? Ce pouvait être d’ordre pratique : il est plus facilement transportable mais, alors, il ne reste pas sur les lieux du crime comme c’était le cas  ici. Les corps n’étaient pas dans un congélateur, pas plus que dans un coffre de voiture ni enterrés dans le jardin : ils étaient restés en évidence comme pour être sûrs qu’ils soient rapidement découverts. De plus, c’était en général le fait de proches des victimes au vu des statistiques des criminologues. En l’occurrence, il avait deux suspects potentiels : la petite nièce et son ami. A moins que ce ne fût uniquement dans le but de les rendre non identifiables. Ce n’était pas la bonne solution non plus au vu des éléments récoltés. Les mains semblaient intactes, les mâchoires étaient à leur place, rien n’empêchait une identification formelle et rapide.
S’attaquer à deux troncs en même temps et les couper en deux, c’était très rare : en général et d’après les informations de ses collègues,  la mutilation commence par la tête, puis les bras et enfin les jambes : aussi ne savait-il que penser. Il attendait un examen plus poussé de la maison et le résultat de l’enquête de voisinage.
Pour l’heure, il était grand temps d’interroger le prévenu : il devait être dégrisé et avait certainement  préparé sa défense. Il lui faudrait jouer serré avec lui, il avait l’air plus coriace que sa petite amie et avait eu plus de temps pour  travailler ses arguments.
Mais l’inspecteur restait perplexe et le temps jouait contre lui. Il vida sa tasse, éteignit sa cigarette et fit venir dans son bureau le jeune William Zend, bien menotté, accompagné par le planton de service …
Lucienne le 28.12.2015