Sale histoire pour l’inspecteur 3,

Sale histoire pour l’inspecteur 3,

Une fois arrivé, il se cala dans son fauteuil, les pieds sur son bureau et compulsa ses notes. Il regarda la pendule, elle affichait deux heures du matin : encore une nuit blanche pour lui.
Ses deux lascars étaient en cellule de dégrisement : il n’en tirerait rien pour l’instant. Sous l’emprise des drogues et de l’alcool, ils n’ouvriraient pas l’œil avant huit heures, suffisante marge pour réfléchir, monter le dossier, chercher dans les fichiers…
Il pianota sur son vieil ordinateur à la recherche de documents et renseignements sur le style gothique, leur domaine de prédilection, leurs coutumes, leurs dérives... Il avait l’impression de remonter le temps, à l’époque de l’inquisition et de la chasse aux sorcières.
A la suite de sa lecture, il comprit que ce mouvement s’installait dans le temps et s’inspirait de littérature ainsi que de cinéma, notamment de films d’épouvante où les vampires étaient omniprésents. Cela relevait plus du fétichisme et de la provocation que de la méchanceté, pensa-t-il.
Cela le ramenait à la découverte des corps des victimes horriblement saignés et démembrés.
Etait-ce un crime sordide pour quelques économies ou pour satisfaire à un rituel ? Et la mise à sac de la maison, était-ce pour détourner l’enquête, faire croire à un cambriolage ? Pourtant, ni portes ni fenêtres n’avaient été forcées : à croire que le vieux couple connaissait ses bourreaux.
Quels liens pouvait-il y avoir entre les marginaux et ces retraités en apparence paisibles ?
L’expérience lui avait appris qu’il ne devait pas trop se fier à ses ressentis, il lui fallait des preuves tangibles.
Après, leur mouvance n’en faisait pas pour autant des coupables : les semblances sont souvent très trompeuses.
Il rangea ses papiers, éteignit l’ordinateur et alla se prendre un encas : il commençait à avoir la dalle car le bourbon lui avait ouvert l’appétit.
Cependant, son repas serait frugal : salade de pissenlits aux lardons poêlés et aux œufs durs, échalotes avec une pointe de vinaigrette, le tout accompagné d’un bon cru et d’une petite part de fromage. Quand il eut fini, il profita des quelques heures qui restaient pour faire un petit somme. De toute façon, ses idées n’étaient plus trop claires pour réfléchir ni travailler. Il se leva de la chaise, contourna le bureau pour éteindre la lumière. Mais il se prit les pieds dans le tapis et s’envola directement sur le canapé : il fulmina contre lui-même de sa maladresse mais finit par se mettre à rire comme un fou de son vol pané. Décidément, il était temps pour lui de prendre du repos. L’alcool ajouté à une journée harassante ne lui allait pas très bien et sa chute avait réveillé une vieille cicatrice ; une balle dans le dos quand il faisait son apprentissage de détective : une bavure policière d’un de ses collègues jamais reconnue.
Il s’emmitoufla dans un plaid, toujours sous la main pour les coups durs ; il commençait à avoir froid et les radiateurs ne marchaient pas, les factures étant bien trop élevées pour son modeste salaire.
Il ferma les yeux, le trench-coat roulé en guise d’oreiller, et il s’endormit aussitôt…
Lucienne le 24.12.2015