André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: LA PETITE BALLADE (Prosodie) Ven 21 Aoû - 11:49 | |
| PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LA PETITE BALLADE
Petit complément d'information sur un genre poétique déjà traité dans ce salon par KATIA.
Le terme "Ballade" vient de baller qui voulait dire "danser". On le trouve, pour la première fois, en français, chez Adam de la HALLE, en 1260.
La "ballade" se présente sous quatre formes différentes :
- La ballade primitive - La petite ballade - La grande ballade - Le chant royal.
Les "ballades" les plus connues et pratiquement les seules utilisées par les poètes modernes sont la petite ballade et la grande ballade.
Je commence dont par la petite ballade.
1°) - LA PETITE BALLADE :
Elle est composée de 28 vers sur trois rimes, elle est divisée en trois strophes de huit vers et d'une demi-strophe de quatre vers appelé envoi. De plus, elle est composée de vers en octosyllabes.
En voici le schéma :
ABAB/BCBC (1)
ABAB/BCBC (1)
ABAB/BCBC (1)
BCBC (1)
(1) Les derniers vers de chaque strophe ainsi que le dernier de l'envoi sont identiques.
La "ballade" est délicate à réussir car elle exige 14 rimes "B", 8 rimes "C", et six rimes "A". Le choix de la rime est primordial car elle doit satisfaire, sans faiblir, quatorze fois aux obligations du sens et de la mélodie.
L'envoi est ainsi nommé parce qu'il "envoie" le poème à une autre personnalité, une personne aimée, etc... Il commence donc par un vocatif : Prince, Sire, vous, etc...
Étant donné la grande répétition des mêmes rimes, il est recommandé d'éviter soigneusement les rimes en "ENT" (adverbes), "ION" peu jolies, et "IBLE" (adjectifs).
En voici une illustration parfaite, dans un poème de François VILLON, dont j'ai conservé le français d'origine :
Quoy qu'on tient belles langagières Florentines, Vénitiennes, Assez pour estre messaigieres, Et mesmement les anciennes ; Mais, soient Lombardes, Rommaines, Genevoyses, à mes périlz, Piemontaises, Savoysiennes, Il n'est bon bec que de Paris.
De beau parler tiennent chayeres, Ce dit-on, Neapolitaines, Et que sont bonnes caquetieres Allemandes et Prussiennes ; Soient Grecques, Egyptiennes, De Hongrie ou d'autres pays, Espaignolles ou Castellennes, Il n'est bon bec que de Paris.
Brettes, Suysses, n'y sçavent gueres, Ne Gasconnes et Thoulouzaines ; Du petit-Pont deux harangeres Les concluront, et les Lorraines, Angloises ou Calaisiennes (Ay-je beaucoup de lieux compris ?), Picardes, de Valenciennes... Il n'est bon bec que de Paris.
Envoi
Prince, aux dames Parisiennes, De bien parler donnez le prix. Quoy qu'on die d'Italiennes, Il n'est bon bec que de Paris.
En voici un autre exemple de Clément MAROT :
DE S'AMIE BIEN BELLE (mis en français moderne)
Amour, me voyant sans tristesse Et de la servir dégoûté, M'a dit que fisse une maîtresse, Et qu'il serait de mon côté. Après l'avoir bien écouté, J'en ai fait une à ma plaisance Et ne me suis point mécompté : C 'est bien la plus belle de France.
Elle a un oeil riant, qui blesse Mon coeur tout plein de loyauté, Et parmi sa haute noblesse Mêle une douce privauté. Grand mal serait si cruauté Faisait en elle demeurance ; Car, quant à parler beauté, C'est bien la plus belle de France.
De fuir son amour qui m'oppresse Je n'ai pouvoir ni volonté, Arrêté suis en cette presse Comme l'arbre en terre planté. S'établit-on si j'ai plenté De peine, tourment et souffrance ? Pour moins on est bien tourmenté : C'est bien la plus belle de France.
Prince d'amour, par ta bonté Si d'elle j'avais jouissance, Onc homme ne fut mieux monté : C'est bien la plus belle de France.
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