PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
HÉTÉROMÉTRIE
L'hétérométrie, provient du grec "heteros", qui signifie "autre" et de "metron", qui veut dire "mètre". C'est l'inverse de l'isométrie*.
En hétérométrie on utilise, dans le même poème, deux ou plusieurs types de vers, comme, par exemple, dans le poème de BAUDELAIRE : "La Musique", qui est composé, en alternance, d'alexandrins et de vers de cinq syllabes, tel le premier quatrain :
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile.
Un autre exemple de vers hérométriques, autrement dit de vers de différentes longueurs, se retrouve dans "Les Contrerimes" de Paul-Jean TOULET. On y rencontre des quatrains alternant les vers de huit et de six syllabes :
L'immortelle, et l'oeillet de mer
Qui pousse dans le sable,
La pervenche trop périssable
Ou ce fenouil amer
Qui craquait sous la dent des chèvres
Ne vous en souvient-il,
Ni de la brise au sel subtil
Qui nous brûlait aux lèvres.
Dans la strophe ci-dessous, Victor HUGO utilise trois vers de huit syllabes, tandis que le dernier comprend seulement quatre syllabes :
Longtemps muets, nous contemplâmes
Le ciel où s'éteignait le jour.
Que se passerait-il dans nos âmes ?
Amour ! Amour !
Mais la succession n'est pas toujours aussi régulière, en témoignent les Fables de La FONTAINE, dans lesquelles aucun principe organisateur ne vient présider à l'ordre des différents mètres. C'est pourquoi on les appelle "vers mêlés". (Il en va de même dans les vers libres).
Un exemple extrait de : "Le Berger et la mer" de La FONTAINE :
Du rapport d'un troupeau dont il vivait sans soins (12 syllabes)
Se contenta longtemps un voisin d'Amphitrite. (12 syllabes)
Si sa fortune était petite, (8 syllabes)
Elle était sûre tout au moins. (8 syllabes)
À la fin les trésors déchargés sur la plage (12 syllabes)
Le tentèrent si bien qu'il vendit son troupeau, (12 syllabes)
Trafiqua de l'argent, le mit entier sur l'eau ; (12 syllabes)
Cet argent périt par naufrage. (8 syllabes).
Cette notion de vers libres du VIIe siècle, à la manière de La FONTAINE, (qui étaient des vers hétérométriques, bien évidemment) n'a plus guère de sens pour les vers libérés nés à la fin du XIXe siècle qu'on a tendance encore à confondre avec les vers libres, bien que des poètes comme René Guy CADOU, quand ils utilisent ces vers libérés, font en sorte de répondre à des schémas métriques peu apparents, mais réels.
Toutefois, et pour conclure, il convient de signaler que la notion d'hétérométrie, pour avoir sa pleine valeur, suppose l'utilisation de la versification traditionnelle.
_______________________
*ISOMÉTRIE : nom féminin, du grec "isos", qui signifie : égal en nombre, et "metron" : mètre. Il s'agit, dans un même poème, (ou dans une strophe)de l'utilisation d'un seul et même type de vers, ou de mètre..