André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: La rime couronnée (Prosodie) Mer 27 Mai - 12:21 | |
| PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LA RIME COURONNÉE
Sous cette désignation on fait référence à une exercice poétique fort difficile et assez précieux dans la versification des Grands Rhétoriqueurs de la fin du Moyen-Âge et du début du XVIe siècle. Le genre est très délicat, car au risque de trop de raffinement on pouvait en arriver à des prouesses techniques dont l'intérêt poétique risquait d'être quasi nul.
Il s'agit, en fait, du redoublement de la dernière syllabe du vers produisant un "effet d'écho".
La rime couronnée suivait bien le système de la rime, mais elle y ajoutait, à chaque vers, un redoublement de cette rime. Ce système introduisait ainsi, comme je viens de le dire, un "redoublement" au vers. Ceci confine au galimatias, comme cet exemple tiré d'un poème de MOLINET :
Guerre a fait maint châtelet laid Et mainte bonne ville vile, Et gâté maint jardinet net. Je ne sais à qui son plaid* plaît.
* Plaid = lutte.
Autre exemple de MAROT qui s'était fait une spécialité dans ce genre de poèmes :
"Ma blanche colombelle belle Souvent je vois priant, criant; Mais dessous la cordelle d'elle, Me jette un oeil friand, riant, En me consommant et sommant A douleur qui ma face efface."
MOLINET et CRÉTIN ont composé des vers couronnés qui présentent une difficulté de plus, c'est le rapprochement de deux syllabes pareilles à la césure :
"Molinet n'est sans bruit ne sans nom non ; Il a son son, et, comme tu vois, voix; Son doux plaid plaît, mieux que ne fait ton ton ; Son vif art ard plus clair que charbon bon."
MOLINET.
"Molinet net ne rend son canon non ; Trop de vent vend, et met nos ébats bas ; Bon crédit dit, qui donne au renom nom... Se Venus nus nous tient en ses lacs las."
CRÉTIN.
Les exemples sont assez fréquents dans les anciennes pastorales. Exemple :
"Pour vous en dire plus, il faudrait vous pouvoir Voir... Aura- t-elle pitié de mon mal inouï ? - Oui." Les vers monosyllabiques sont souvent des vers en écho. En voici un bel exemple de Gilles de VINIERS, un poète qui exerça au XIIIe siècle :
"Au partir de la froidure Dure Que vois apprêté Été Lors plains ma mésaventure Cure N'ai eu d'aimer; Qu'amer Ai souvent soit jeu trouvé." De nos jours la rime couronnée est tombée en désuétude. La tradition, cependant, a été reprise, au tout début du XXe siècle par quelques poètes sensibles aux procédés formels fondés sur les jeux de signifiants. Ce qui nous montre bien que la poésie vit un perpétuel recommencement.
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