LE COIN POÉTIQUE DE FRIPOU
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 Lle sonnet, cette merveilleuse architecture (Article)

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AuteurMessage
André Laugier

André Laugier


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MessageSujet: Lle sonnet, cette merveilleuse architecture (Article)   Lle sonnet, cette merveilleuse architecture (Article) EmptyVen 13 Mar - 11:28


LE SONNET, CETTE MERVEILLEUSE ARCHITECTURE...

"Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème", affirmait Boileau.

Et Aragon, plus tard, disait : "C'est ici la beauté sévère des deux vers rimant, qui se suivent, immédiatement, pour laisser le troisième sur sa rime impaire, demeurée en l'air, sans réponse jusqu'à la fin, sans réponse jusqu'à la fin du sonnet comme une musique errante." [fin de citation].

Le sonnet vient de l'italien "sonneto" (diminutif de "suono") qui signifie "petit son". À ses débuts, le sonnet était uniquement chanté ou récité avec un accompagnement musical. Il n'avait, alors, qu'un seul contenu : l'amour allégorique et mythique. Il est né, en fait, d'une série d'expérimentations faites par les poètes italiens sous l'influence de plusieurs genres littéraires : le "lais" et la "canzoni" des troubadours et des trouvères, le "qasida" et le "ghasel" des poètes du Proche-Orient, la poésie scaldique des vikings, le "motet", et l'hymne des moines ; le "tenzoni" des italiens. C'est dire qu'il trouve ses racines dans toutes les origines.

Le sonnet se développe dans deux quatrains suivant une même idée ; tandis que les deux tercets forment un "contraire" et un "parallèle". Le dernier vers est appelé : la pointe (ou encore le signal). Il doit donner la quintessence et conclure le sonnet par un trait brillant.

On comprendra aisément que le sonnet sera d'autant plus riche qu'il sera composé de rimes "homographes", dont le son et l'orthographe sont identiques (couleur/fleur) (nymphée/paraphée) que s'il comprend des rimes "homophones" qui, bien qu'étant des rimes identiques phonétiquement (à l'oreille) comprennent une orthographe différente : frêle/aile) (complot/tableau). Les diérèses et les synérèses qui sont occultées dans la plupart des poèmes néo-classiques, ne peuvent être négligées dans le sonnet. La réglementation des diérèses est assez complexe. C'est ainsi, par exemple, que le mot "hier" s'employait en une seule syllabe aux temps classiques, mais en compte deux depuis Boileau.

Hi/er, (deux syllabes) tandis "qu'avant-hier" s'est toujours maintenu avec une seule syllabe, tout comme le mot "Dieu". Le sonnet est véritablement apparu en Sicile au XIIe siècle à la cour de Frédéric II de Hohenstaufen, et sous la plume du poète Giacomo da Laurini. Sa structure la plus répandue que l'on retrouve, notamment chez Plutarque, dans son "Canzonière" est celui des rimes :

ABAB ABAB CDC DCD.

Dante fut l'un de ses plus ardents défenseurs. Il devient un genre "européen" par excellence. Ce n'est que XVIe siècle que les poètes français, comme Mellin de Saint-Gelais, Joachim Du Bellay ou encore Pontus de Tyard, l'empruntèrent aux italiens. Il ne connut toute sa vogue qu'à partir de Louis XIII et, au commencement du règne de Louis XIV. Quelques poètes du XIXe siècle ont essayé de le rajeunir, de redorer son blason, comme Sainte-Beuve. On estime, aujourd'hui, à 45.000 le nombre de sonnets qui ont été publiés en France, au XVIe siècle seulement. C'est dire qu'il a encore de beaux jours devant lui. Le sonnet peut être satirique, politique, moral, religieux, réaliste, burlesque, mais aussi érotique, avec un égal bonheur. Ronsard, Hugo, Gautier, Verlaine ne s'en sont pas privés, ainsi que Rimbaud et Aragon, plus près de nous.

Il existe plusieurs formes d'écriture du sonnet : la structure traditionnelle :

Marotique : ABBA ABBA CCD EED
Française : ABBA ABBA CCD EDE

Signalons, pour être complet, le sonnet apparent : ABAB ABAB ABA BAB

Le sonnet layé (cher à Rimbaud) ; le sonnet irrégulier (d'Arvers), le sonnet à rebours (Verlaine) dont l'organisation des vers est : DEE DCC ABBA ABBA.

Le sonnet polaire (cher à Baudelaire et à Brizeux) : ABBA CEF GGF CDDC ou encore :
ABBA CCD EED ABBA.

Le sonnet alterné (l'une des spécialités du Poète Catulle Mendés).
Le sonnet quinzain (qui révéla Albert Samain) : ABBA ABBA CDC DCC + un vers final isolé : D.

Plus rare est le sonnet rapporté. Ce sonnet est ainsi nommé parce que ses vers peuvent se partager en plusieurs colonnes qui, lues séparément, dans l'ordre vertical, donnent un sens cohérent.

Le sonnet continue d'être pratiqué au XXe siècle par des poètes comme Louis Aragon et Philippe Jaccottet. En 1992, un important recueil de sonnets a été publié en France : Il s'agit de "Liturgie", de Robert Marteau. Ce sont des sonnets assez libres dans leur forme (ex : il n'y a pas toujours de rimes). Le fait d'écrire des sonnets à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle est fortement significatif : cela marque une prise de position contre les principes de l'écriture poétique moderne : rupture avec le passé, absence d'unité et de continuité, etc.…

… suivie de l’alexandrin :

On appelle ainsi le vers de douze syllabes (ou encore l'hexamètre, son équivalent). Si l'hexamètre fait six mesures tandis que l'alexandrin n'en fait que rarement six : il fait plutôt quatre mesures, même trois parfois. Il s'agit du seul vers français dont le nom n'est pas fondé sur sa quantité syllabique. Il date du début du XIIe siècle, et tient son nom di "Roman d'Alexandre", commencé par Lambert le Tort et terminé par Alexandre de Bernay. Son nom ne lui a été donné qu'au XVe siècle. Au XIIIe siècle, il est utilisé dans les épopées hagiographiques, les discours majestueux, les chansons de geste remaniées. Il est aussi appelé le "vers héroïque" puisqu'il est le vers par excellence de l'épopée, de la tragédie, du poème didactique et du sonnet. Puis il tombe dans l'oubli à peu près total. Il ne reparaît vraiment que dans la moitié du XVIe siècle, puisqu'en 1548, dans son "Art Poétique français", Thomas Sébillet remarque, le comparant à l'octosyllabe et au décasyllabe ses deux caractères principaux :

1°) La continuité de l'expression figurée ;
2°) La coexistence systématiquement maintenue d'un double sens, littéral et symbolique.
L'alexandrin étant un vers long, il admet une pause particulièrement marquée en son milieu, après le sixième pied ; cette coupe principale du vers est nommée césure. Les deux parties égales de six pieds qu'elle délimite sont appelées "hémistiches" (demi vers). La césure, à son origine, et encore au XIXe siècle, correspond au point le plus haut de la déclamation, suivie d'une légère pause avant que la voix ne décroisse.

- Vous-même rougiriez de ma lâche conduite. (Bérénice).

La sixième syllabe étant toujours accentuée, ne peut être muette dans la règle classique ; la septième non plus, ne peut être en –e atone final à cause de l'interdiction de la césure enjambante.

La "césure épique" (ainsi nommée parce qu'elle était fréquente dans l'épopée) permettait de ne pas compter une finale en "e" muet à l'hémistiche, considérée comme équivalant à une fin de vers. François Villon peut encore écrire, "Les contredis de Franc Gontier" :

- À son costé gisant dame Sidoine
Blanche, tendre, polie et atteintée…

Le deuxième vers serait faux si on n'élidait pas le "e" muet final de "tendre".

C'est Clément Marot (1496 – 1544) qui, suivant sans doute les conseils de Jean Lemaire de Belges (1473 – 1548 ), fit une règle de s'interdire la présence du "e" muet non compté dans la césure. Son exemple a ensuite fait école. La césure épique ne reparaîtra que dans la versification "libérée" de la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle :

- Aux cris d'une sirène // moderne sans époux. (Guillaume Apollinaire. "L'Emigrant de Landor Road. Alcools. 1913.)

Le choix de l'alexandrin peut surprendre au début de ce XXIe siècle, après qu'Hugo ait "disloqué ce grand niais d'alexandrin." Mais le double choix de ce mètre et du sonnet relève d'une réaction à la poésie du siècle, aux innovations hugoliennes notamment (réaction que Baudelaire et les poètes parnassiens ont initié au milieu du XIXe siècle.)

L'alexandrin a sans doute souffert d'être transformé en mécanique verbale, pivotant sur le tourniquet de la césure. La "crise des vers" que dénonce Mallarmé en 1886, tenait, selon lui, à l'épuisement de l'alexandrin, resserré dans le "mécanisme rigide et puéril de sa mesure" , bloqué par son "compteur factice."
Gilles Sorgel, dans son " Traité de prosodie classique à l'usage des classique et des dissidents" a écrit : - Les règles ne sont pas des barrières, ce sont des rampes souples qui nous guident vers la perfection".

L'alexandrin à encore de beaux jours devant lui. Il est la pièce maîtresse de la poésie et compte de nombreux adeptes qui perpétuent ce diamant légué par nos illustres prédécesseurs.

Marcel Chabot, y fait référence en écrivant : "Les vers classiques sont les gammes des poètes" .
Bien avant lui, Gautier avait écrit :

- Les Dieux eux-mêmes meurent ;
Mais les vers souverains
Demeurent
Plus fort que des airains.


André LAUGIER


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