Le Centon (Prosodie)

PETIT LEXIQUE DE PROSODIE

LE CENTON

Aucun lien de parenté avec notre traditionnelle crèche de Noël. Le "Centon" est une variété de collage, qui réunit des vers empruntés à des poèmes de plusieurs auteurs pour former un "nouveau poème". Le mot vient du latin "cento" qui désignait un vêtement constitué de plusieurs morceaux. Arlequin est vêtu d'un "cento".

Un centon peut être commis à partir de deux auteurs différents jusqu'à un nombre indéfini de poètes.

La fabrication d'un "centon" fait partie des travaux pratiques de ce que les linguistes nomment "intertextualité". Rien à voir non plus avec l'érotisme).
Les poètes ont toujours recopié, conservé, magnifié les vers qui leur plaisaient. On y trouve par exemple dans "Premières vues anciennes" de Paul ÉLUARD (Le Minotaure, 1937), des citations de NERVAL, LAFORGUE, RIMBAUD, APOLLINAIRE, BACHELARD, NOVALIS, DALI et BLAKE, le plus souvent mises côté à côte. Mais ces citations, encore faut-il les "coudre" habilement pour en faire un "centon". La difficulté est triple pour les vrais centons, ceux qui respectent la versification traditionnelle, en fait les seuls intéressants, surtout s'ils sont constitués de vers célèbres que le lecteur reconnaît : il convient de garder les rimes, les mètres, et un sens plausible. La difficulté vaincue fait partie de la poésie, qui est aussi une façon d'agencer les mots. La signature de "l'agenceur" devient alors légitime.

Voici un exemple de "centon" imaginé par Sylvaine GARDERET, dans "Jouer avec les poètes" (Hachette, 1999) :

DÉTOURENEMENT DE VERS

La chambre est pleine d'ombre ; on entend vaguement
Nos deux cœurs exhalant leur tendresse paisible ;
Et pourtant je vous cherche en longs tâtonnements...

Des projets de mon cœur ne prenez point d'alarme,
Cessez d'être charmant, et faites-vous terrible !
La nuit plus que le jour aurait-elle des charmes...

1. Arthur RIMBAUD
2. Paul VERLAINE
3 Paul VERLAINE

4. MOLIÈRE
5. CORNEILLE
6. ARAGON

Ci-dessous, un autre exemple concocté par Maxence PRZYBOROWSKI :

UN DÉLICIEUX MENSONGE

Promenant sur le ciel des yeux appesantis,
Je suis d'un pas rêveur le sentier .solitaire,
Car le vent, élevé bien au-dessus des terres,
Porte le soleil noir de la mélancolie.

Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Suspend une immobile ombelle de rosée ;
A travers le chaos des vivantes cités
L'air est parfois si doux qu'on ferme la paupière.

Le silence y somnole entre les quais de songe
Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit,
Ou comme Don Quichotte en sa morne folie,
Laissez, laissez mon cœur s'enivrer d'un mensonge.

1. Charles BAUDELAIRE, Bohémiens en voyage.
2. Alphonse de LAMARTINE, L'automne.
3. Alfred de VIGNY, La mort du loup.
4. Gérard de NERVAL, El Deldichado.

1. Alphonse de LAMARTINE, L'automne.
2. Catulle MENDÈS, Paysage de neige.
3. Charles BAUDELAIRE, Les petites vieille.
4. Arthur RIMBAUD, Roman.

1. Henri de Régnier, Il est un port ...
2. Victor Hugo, Demain, dés l'aube
3. Saint-Amant, Le paresseux.
4. Charles Baudelaire, Semper aedem

.

Cela demande une connaissance poétique de base assez importante sans doute. Car plus on connait de poèmes plus on peut s'en inspirer pour initier l'exercice du centon.
bisounours

fripou a écrit:: Cela demande une connaissance poétique de base assez importante sans doute. Car plus on connait de poèmes plus on peut s'en inspirer pour initier l'exercice du centon.

Il faut surtout après avoir écrit le premier vers, lire une quantité plus ou moins importante de poèmes pour trouver le vers suivant dans la même rime. Si le travail s'arrêtait là, ce serait encore assez abordable... mais il n'est pas certain que le mètre trouvé s'enchaîne dans la logique du sens. C'est un travail faramineux. Il n'est pas étonnant que ce genre d'exercice n'ait que peu de prétendants. On trouve plus fréquemment des poèmes sur la technique du Centon à partir de deux auteurs. Tache nettement plus facile, comme je l'ai fait sur le poème de Victor HUGO et publié dans le forum.

MERCI pour ta lecture FRIPOU. Je profite de ce petit mot pour te féliciter une nouvelle fois vivement et sincèrement pour tes sonnets dont je viens de lire la totalité. C'est de la bien belle œuvre !

DE GROS de nous trois.

Après avoir lu le centon du "Printemps " de Victor Hugo, je viens de me documenter ici pour en savoir davantage.

Je pensais qu'il fallait inventer les vers à intercaler et j'étais prête à faire un essai. Or, je viens de lire ce qu'est un centon, et je me rends compte que c'est bien plus compliqué. Cela demande beaucoup de recherche et une connaissance très approfondie de l'œuvre poétique.

Me voici donc bien davantage encore admirative devant le centon que tu as concocté avec brio et publié tout à l'heure. Époustouflant !

Je m'incline bien bas devant la haute performance.

Encore Bravo et merci !

Bonsoir, Chère CLARI,

Le "Centon" est un exercice pointilleux qui s'apparente en poésie au "collage". Normalement, il réunit des vers empruntés à des poèmes de plusieurs auteurs (un par mètre), pour former un nouveau poème. Mais il est possible de commettre un centon à partir de 2 auteurs à condition d'alterner les vers. Bien entendu, plus il y a d'auteurs plus grande est la difficulté car cela demande de lire une quantité énorme de poèmes pour trouver les rimes correspondantes tout en conservant un sens et une linéarité à l'ensemble.

Demain, je posterai l'un de mes rares centons, intitulé "Sonnet fédéré", dans lequel je fais intervenir 14 poètes différents. Ce n'est pas la difficulté technique qui est fastidieuse, mais bien le temps passé dans les recherches pour trouver quatorze vers rimant parfaitement. C'est quand même nettement plus facile de composer un centon à deux mains.

Je te sais gré, Chère CLARI de cet intérêt que tu portes pour tout ce qui à trait aux procédés de prosodie. Tu es une personne de culture.

GROS ET

Bonjour cher André,

Mieux vaut tard que jamais...

Voici donc mon essai de Centon que j'ai publié sur mes poèmes.

LE CENTON en un puzzle d'Alexandrins

C'est notre heure éternelle

Lorsque tu vins, à pas réfléchis, dans la brume,

Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ;

On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,

Au loin, brillante encore, par sa barre d'écume.

Sur le chemin du bord du fleuve lentement

Vos coeurs sont doux et purs et vos voix caressantes.

L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.

Elle parle - et ses dents sont un miroitement.

Son front ceint de rubis presse son bras charmant

Son teint est chaud ; la brune enchanteresse

Souffrant de tous les maux, faible de sa faiblesse

Et la grâce est le grain qu'on recueille en l'aimant.

Nul sur un plus beau front ne t'a jamais baisé

Allons parmy les fleurs cueillir une guirlande

C'est notre heure éternelle, éternellement grande

Où chantent les pinsons au plumage frisé.

Bercé dans la langueur de cet enivrement,

Il aima. Son amour d'une autre fut suivie,

Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

Et si c'est trop d'une heure... un moment ! Un moment !

1* Renée vivien -A la femme aimée
2* Germain Nouveau - L'amour de l'amour
3* Lamartine - Le Lac
4*J.M. De Hérédia - Coucher de soleil

5* Apollinaire - Mai
6*André Chénier - Les colombes
7* Rimbaud Le bateau ivre
8* Verlaine – Une grande dame

9* Leconte de L'Isles - Leïlah
10 Baudelaire -A ma douce créole
11 Evariste Boulay – Paty
12 Marguerite de France

13 Musset – A Georges Sand
14 Jean Augier de Gombot
15 Pierre Louys - L'apogée
16 Aragon -la naissance du printemps

17 Raymond de Talhède – Ombres
18 Richepin - Epitaphe pour n'importe qui
19 Ronsard - Mignonne...
20 Marceline Desbordes-Valmore

Voilà ! mes neurones sont en ébullition !

Bonne journée

Messages : 111 Date d'inscription : 01/03/2015 Age : 45

Bonsoir André et Clarie

J'ai apprécié la lecture de vos centons respectifs (j'espère que cela se met au pluriel !)

J'ai reconnu des vers dans celui de Clarie...

Belle soirée

Amitiés

Invité

Ouh là là, quel travail !
Je préfère écrire dix pantoums + trois bergerettes + deux fatras + cinq balladines + sept villanelles
plutôt qu'un seul centon..

Bravo à vous pour ces deux chefs poèmes en costume d'Arlequin et merci à André pour l'anecdote historique. Je suis baba d'amiration.

bibi bas !
amitie3

j'ai vu ton œuvre, ma chère Clari, qui t'avait demandé tant de boulot!
Chapeau bas, une fois de plus!
Bellysa

Bonjour Auguinou, Amarante et Bellysa.
Merci pour vos commentaires élogieux.
J'attends le verdict de notre maître en Prosodie.

J'ai bien aimé faire des recherches qui m'ont édifiée sur la variété impressionnante des rimes utilisées par les uns et les autres de nos Grands.

Le résultat peut certes s'améliorer, mais ce n'est pas très évident.
Les thèmes de la femme et de l'amour sont très prisés, donc le "cheptel" fut assez large pour des recherches qui m'ont remis certains bijoux poétiques en mémoire. Donc l'exercice est positif en ce sens.

Belle journée à tous
smack

Chère amie Clari, André rentre demain de ses petites vacances "anniversaire de mariage" qu'il nous a annoncées sur le salon papotages divers, il y a 1 semaine.
Il va certainement te répondre.
Bises bis

Flamme a écrit:: Chère amie Clari, André rentre demain de ses petites vacances "anniversaire de mariage" qu'il nous a annoncées sur le salon papotages divers, il y a 1 semaine.
Il va certainement te répondre.
Bises

Merci chère Babette,

Je viens de lire le merveilleux sonnet d'André à l'occasion de ses ans de mariage. C'est très agréable de voir cet Amour qui dure en gardant la brillance de sa flamme.

J'en suis très heureuse pour lui.

Amitiés

coeur

Messages : 483 Date d'inscription : 11/03/2015 Age : 76 Localisation : Lot

Amarante a écrit:: Ouh là là, quel travail !
Je préfère écrire dix pantoums + trois bergerettes + deux fatras + cinq balladines + sept villanelles
plutôt qu'un seul centon..

Bravo à vous pour ces deux chefs poèmes en costume d'Arlequin et merci à André pour l'anecdote historique. Je suis baba d'amiration.

bibi bas !

Même avis, même veine....

mais bravo à vous joueurs "masos"

Le plaisir est pour nous
Tonin

CLARI a écrit:: Bonjour cher André,

Mieux vaut tard que jamais...

Voici donc mon essai de Centon que j'ai publié sur mes poèmes.

LE CENTON en un puzzle d'Alexandrins

C'est notre heure éternelle

Lorsque tu vins, à pas réfléchis, dans la brume,
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Au loin, brillante encore, par sa barre d'écume.

Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Vos coeurs sont doux et purs et vos voix caressantes.
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Elle parle - et ses dents sont un miroitement.

Son front ceint de rubis presse son bras charmant
Son teint est chaud ; la brune enchanteresse
Souffrant de tous les maux, faible de sa faiblesse
Et la grâce est le grain qu'on recueille en l'aimant.

Nul sur un plus beau front ne t'a jamais baisé
Allons parmy les fleurs cueillir une guirlande
C'est notre heure éternelle, éternellement grande
Où chantent les pinsons au plumage frisé.

Bercé dans la langueur de cet enivrement,
Il aima. Son amour d'une autre fut suivie,
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
Et si c'est trop d'une heure... un moment ! Un moment !

1* Renée vivien -A la femme aimée
2* Germain Nouveau - L'amour de l'amour
3* Lamartine - Le Lac
4*J.M. De Hérédia - Coucher de soleil

5* Apollinaire - Mai
6*André Chénier - Les colombes
7* Rimbaud Le bateau ivre
8* Verlaine – Une grande dame

9* Leconte de L'Isles - Leïlah
10 Baudelaire -A ma douce créole
11 Evariste Boulay – Paty
12 Marguerite de France

13 Musset – A Georges Sand
14 Jean Augier de Gombot
15 Pierre Louys - L'apogée
16 Aragon -la naissance du printemps

17 Raymond de Talhède – Ombres
18 Richepin - Epitaphe pour n'importe qui
19 Ronsard - Mignonne...
20 Marceline Desbordes-Valmore

Voilà ! mes neurones sont en ébullition !

Bonne journée

Oh ! quel travail et quelle œuvre monumentale tu viens de commettre, Chère CLARI. Le mot "monumental" est tout à fait le terme adéquat car tu as accomplis là une composition MAGISTRALE, minutieuse, délicate et de haute tenue.

Je comprends que tu aies les neurones en ébullition... Mais QUELLE RÉCOMPENSE d'avoir commis un poème aussi achevé tant dans LA FORME que dans le FOND.

Je te le dis sans aucune flagornerie : c'est un travail d'orfèvre, et je suis en ADMIRATION devant ta détermination à relever un défi qui s'avère aussi rebutant devant l'ampleur des recherches pour le mener à bien et le concocter dans une plume qui ne mérite que des éloges.

BRAVO !!!

Je souhaite que TOUS les membres du forum viennent lire ce "centon" et te témoigner le même enthousiasme qui a été le mien ainsi que de tous ceux qui viennent de te lire.

CHAPEAU BAS !!!

Mes PLUS CHALEUREUX

Et un GRAND pour l'excellente facture de ce partage.

CARPE DIEM

Tonin Dulot a écrit:

Amarante a écrit:: Ouh là là, quel travail !
Je préfère écrire dix pantoums + trois bergerettes + deux fatras + cinq balladines + sept villanelles
plutôt qu'un seul centon..

Bravo à vous pour ces deux chefs poèmes en costume d'Arlequin et merci à André pour l'anecdote historique. Je suis baba d'amiration.

bibi bas !

Même avis, même veine....

mais bravo à vous joueurs "masos"

Le plaisir est pour nous
Tonin

Vous me faites rire et le "joueur maso" m'amuse bien !

Mais j'adore faire des recherches, il faut juste que je sois d'humeur à le faire. Pour mes jeux de mots ce n'est pas évident non plus, mais j'adore.

Merci d'avoir lu jusqu'au bout.
Bonne soirée
pandabisou

André Laugier a écrit:: Oh ! quel travail et quelle œuvre monumentale tu viens de commettre, Chère CLARI. Le mot "monumental" est tout à fait le terme adéquat car tu as accomplis là une composition MAGISTRALE, minutieuse, délicate et de haute tenue.

Je comprends que tu aies les neurones en ébullition... Mais QUELLE RÉCOMPENSE d'avoir commis un poème aussi achevé tant dans LA FORME que dans le FOND.

Je te le dis sans aucune flagornerie : c'est un travail d'orfèvre, et je suis en ADMIRATION devant ta détermination à relever un défi qui s'avère aussi rebutant devant l'ampleur des recherches pour le mener à bien et le concocter dans une plume qui ne mérite que des éloges.

BRAVO !!!

Je souhaite que TOUS les membres du forum viennent lire ce "centon" et te témoigner le même enthousiasme qui a été le mien ainsi que de tous ceux qui viennent de te lire.

CHAPEAU BAS !!!

Mes PLUS CHALEUREUX

Et un GRAND pour l'excellente facture de ce partage.

CARPE DIEM

Merci cher André,

J'avoue que j'adore les défis, çà me stimule.

Mes premières recherches sur internet m'ont mis les yeux au carré.
Mais facile de trouver de beaux vers sur le thème de la femme et de l'amour, on aurait même l'embarras du choix.

Ensuite, j'ai sorti mes livres de sonnets et autres poésies en alexandrins pour trouver les rimes qui concordent avec les premières, là c'était une autre paire de manche, mais plus rapide en feuilletant les pages.

J'ai constaté que les classique anciens ont une belle gamme de rimes. C'est vraiment divers et pour brume je n'ai trouvé qu'écume.
Et rien qui s'accordait avec "mer" pour justifier l'écume. J'ai fait suivre le vers parlant "du bord du fleuve".

Pour trouver une rime au mot baisé, j'ai découvert in extremis uniquement : frisé ! (même pas aisé, nulle part)

En tout état de cause UN GRAND MERCI pour toutes ces bonnes idées que tu nous proposes.

Pour les rimes fratisées, j'ai commis un deuxième essai, une loufoquerie intitulée : "les fourberies d'escarpin". Un amusement dont je raffole !

Ravie de ton retour et au plaisir de te lire.

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