Je me regarde vieillir

JE ME REGARDE VIEILLIR

Avec 2018 se profile pour moi l'ascension de mon ultime sommet, mon Anapurna, premier 8 000. Il me faut le gravir pour entamer paisiblement la descente vers la vallée des Reines où je m'en irai dormir de mon dernier sommeil.
Pas de souci, je ne vais pas lâcher prise et mes sherpas me protègent avec amour et attentions. Non, je ne suis pas la première de cordée ni la dernière et le chemin est encore long.
Je me regarde vieillir. Depuis quelques mois Je m'observe dans le miroir des ans, je suis mes transformations. Il est difficile d'admettre de ne plus être ce qu'on a été, jeune, souple, belle (oui, peut être) dans les yeux de celui qui nous aimait. Il faut savoir accepter « des ans l'irréparable outrage » et s'en faire un atout bien au delà des maux.
Je me regarde vieillir. La vie se ralentit, devient plus douce. Le temps perdu est un retour aux sources de la douceur de vivre sans contraintes, sans crainte. La vie s'écoule comme un long fleuve tranquille, plus de remous dans son courant, juste quelques jolies carpes-souvenirs que l'on pêche en passant pour les rendre ensuite aux eaux du passé.
Je me regarde vieillir. Changer lentement et sans peur. Prendre les jours les uns après les autres, vivre le moment présent (carpe diem) dans toute son intensité, ne faire que ce dont j'ai envie sans avoir à obéir à d'autres obligations que celles que je choisis.
Je me regarde vieillir. Je me dis que ma vie a pris une autre dimension, un autre chemin, celui qui conduit loin du quotidien banal.
Je me regarde vieillir. Je suis heureuse de ce nouvel âge qui me permet de ne plus souffrir des erreurs du passé, d'éteindre leurs braises qui m'ont si longtemps brûlée pour en faire des cendres à jamais. Les traces sont indélébiles mais la douleur a disparue.
Je me regarde vieillir. Autour de moi, ma tribu est si belle qu'elle me donne la foi en un avenir serein.
Qu'il est bon de se regarder vieillir.