Le réverbère
Le réverbère a froid à l’âme…
Son cœur de verre s’est brisé frappé par la fronde d’un gamin facétieux.
Dans la nuit, il se tient debout, tête basse, hébété, transi :
« Allumeur de réverbères ! Ne me laisse pas tout seul !
Je suis comme un enfant perdu, j’ai froid…Et puis, j’ai si peur du noir ! »
« Si la lune a ses étoiles et le ciel a son soleil, si la nuit à sa grande ourse et l’ombre ses feux-follets, si l’orage a ses éclairs, si l’hiver a son printemps et la fleur a ses abeilles, si l’oiseau a ses deux ailes, si la mer a ses embruns, si l’océan a ses coraux, si la vague a son écume, si le sable a ses dunes, si la pluie a ses nuages et le vent a ses steppes, si l’enfer a son paradis, si les murs ont des oreilles et si l’écho a cent voix, si le phare a son fanal et la ville a ses néons, si la tristesse a le rire, si l’amour a ses baisers, si l’ivresse a son feu, si le gueux à sa chandelle et le poète a sa muse,
Moi, je n’ai que toi, Allumeur de réverbères…
Rends-moi le tapis des étoiles, rends-moi les rayons du soleil, le sourire de la grande ourse et la joie des feux-follets, rends-moi les javelots d’éclairs, les prémices du printemps, le miel des abeilles, le vol du papillon de nuit, le hululement de la chouette, rends-moi le miaulement du chat, le chien qui lève la patte, rends-moi les amoureux qui se bécotent dans les coins sombres, rends-moi les vagues de la mer, les coraux de l’océan, rends-moi la course des nuages, rends-moi le vent, rends-moi le feu de l’ivresse, rends-moi les rumeurs de la ville, les feux de la rampe… rends-moi les allumettes…
Et puis, rends-moi cette rue qui est mienne, cette rue qui est ma maison, cette rue qui semble se pétrifier dans le silence et la brume, cette rue qui se meurt…
Rends-moi la lumière et la vie !
Allumeur de réverbères !
Allumeur de réverbères !!
Allumeur de réverbères !!! »
CB – Extrait de DESSINE-MOI UN PO-AIME
Photo prise un soir à Paris