Pas de repos pour l'inspecteur 4

Pas de repos pour l’inspecteur 4,
Le commissaire avait un abord sympathique. La cinquantaine tout au plus, le cheveu grisonnant, une barbe bien taillée, l’œil bleu dans un regard vif, une main très franche et amicale et un caractère bien trempé. Il énonça les faits qu’il avait déjà en sa possession. La jeune fille était une lycéenne accomplie et très avenante. Ses parents étaient commerçants à la ville de Poitiers, marchands d’art pour être plus précis : le père dans la brocante et la mère dans une galerie. Elle était fille unique et avait projeté de faire une carrière dans le mannequinat. Elle en rêvait depuis sa plus tendre enfance et devait se présenter à un casting le jour même de sa disparition. Le divisionnaire ne croyait pas à une fugue : la jeune fille était bien dans ses baskets, aucun souci financier ni familial et des amis de cours irréprochables, d’après son enquête préliminaire. Elle ne se droguait pas, ne consommait pas d’alcool et ne sortait que rarement dans les discothèques du coin. Sa vie avait l’air d’être bien rangée et ses amis lycéens avaient été unanimes sur sa conduite et son caractère. A priori, rien d’irrépréhensible dans son comportement en société. Quant au jeune homme, il faisait des études à la faculté et était brillant étudiant. Il était très précoce dans son cursus universitaire. C’était son année d’obtention de master et pour rien au monde, il n’aurait abandonné ses études qui lui tenaient à cœur pour travailler dans le médico-social. Il avait fait quelques extras pour financer son année. Il vivait seul dans une chambre d’étudiant mais avait une petite amie avec laquelle il avait projeté de se marier en fin d’année universitaire. C’est elle qui avait averti la gendarmerie de sa disparition inquiétante. Elle ne pouvait plus le joindre au téléphone ni à son domicile. Les parents non plus n’avaient pas de nouvelles depuis un mois alors qu’il les appelait tous les jours. Ils avaient demandé une recherche dans l’intérêt des familles mais cette procédure avait été abrogée en 2013. Comme il était majeur, la police ne prit pas le dossier en considération ni dans l’urgence. Il avait parfaitement le droit de circuler sans donner de nouvelles à ses proches. Cependant, la famille restait très inquiète car c’était un garçon sérieux et travailleur. Il tenait ses études à cœur. Lui non plus ne consommait pas de drogues ni d’alcool à outrance. Tout au plus quelques verres le weekend pour se défouler entre amis mais jamais à l’ivresse.
Ces deux affaires se ressemblaient sur bien des points et le commissaire assez perplexe en fit part à l’inspecteur. Se pouvait-il que ce fut des enlèvements ? Cependant, nulle rançon n’avait été demandée. La police scientifique n’avait toujours pas localisé les téléphones portables. Aucun retrait bancaire n’avait été enregistré ni pour l’un ni pour l’autre. La jeune fille possédait un compte jeune et ne pouvait retirer que vingt euros par semaine. Quant au jeune homme, de son patronyme Alexandre PUJOLAT, son compte bancaire n’avait pas bougé non plus. Pourtant, il devait régler la chambre au Crous et ses courses quotidiennes.
L’inspecteur comprenait parfaitement l’anxiété de son collègue. Il essaya de le rassurer mais lui-même restait très dubitatif. Il lui demanda s’il avait fait des recherches via les réseaux sociaux ; cela pouvait donner d’excellents résultats. Et puis sans doute faudrait-il placarder tout azimut des avis de recherche dans la région : ce ne serait peut-être pas inutile. Il y aurait bien quelques personnes à fournir des renseignements importants. Il fallait faire très vite. Le parcours de ces jeunes gens ne laissait pas la place à une éventuelle fugue passagère : cela avait l’air bien plus sérieux et le temps risquait de jouer contre eux.
Le commissaire se leva pour mettre fin à l’entretien et remercia son alter-ego pour les conseils apportés. Il était rassuré de son aide. Il lui donna rendez-vous pour le lendemain, même endroit, même heure pour refaire le point sur les résultats obtenus. Il serra chaleureusement la main de l’inspecteur et partit le dos un peu voûté par le poids de ses soucis, semblait-il.
L’inspecteur resta en terrasse et commanda un autre petit noir bien serré : il avait grand besoin de réfléchir à cette affaire qui ne lui disait rien de bon…
Lucienne le 27.03.2016