Un petit coin de campagne pour l'inspecteur 15

Un petit coin de campagne pour l’inspecteur 15,
Sur le trajet du retour, l’inspecteur s’assoupit : deux nuits sans dormir ou si peu, c’était harassant et il n’était plus tout jeune.
De toute façon, il ne pouvait rien faire pour le moment vu l’état d’ivresse manifeste du prévenu : quelques heures dans une cellule de dégrisement serait sans doute nécessaires. Il n’avait pas le droit de l’interroger tant qu’il n’avait pas recouvré la raison. Cela laissa à l’inspecteur le temps de rejoindre sa chambre d’hôte pour faire un brin de toilette, aller se restaurer d’un café noir-croissant et dormir une heure ou deux pour évacuer la fatigue accumulée de la matinée mouvementée. Le présumé coupable étant en salle de sécurité, il pouvait dormir sur ses deux oreilles et il éteignit son portable. L’hôtesse de maison le réveillerait pour le déjeuner ainsi qu’il l’avait demandé. Et il tomba dans un sommeil profond dès lors qu’il se fut allongé. Et son somme fut serein mais trop court.
A l’heure prévue, on tapa à la porte : c’était l’heure de se mettre à table pour reprendre des forces. L’inspecteur fit une rapide toilette et descendit en salle de restauration. Au menu de ce midi, il était proposé une assiette de charcuteries, du gigot d’agneau rôti a à l’ail et au thym frais avec ses patates rissolées, de la salade de chèvre chaud au miel et une grande variété de desserts fait maison. L’inspecteur choisit une tarte au citron meringuée suivie d’un bon café arrosé à l’armagnac : de quoi tenir son estomac tranquille jusqu’au soir !
Le repas aussitôt terminé, il sortit et partit en grandes enjambées vers le commissariat de police où l’attendait, peut-être, un interrogatoire musclé. L’homme qu’il avait vu la veille ne serait pas facile à gérer, étant un habitué des services de police et des inspections judiciaires. Il avait l’air roublard et très au fait des lois et règles policières. Une bataille forcenée allait sans aucun doute s’engager entre eux mais l’inspecteur saurait déjouer tous les pièges : il avait une stratégie en tête et une carte maîtresse dans la poche, l’ADN retrouvé sur la victime.
Il arriva un peu essoufflé à la caserne où l’attendait impatiemment le commissaire de police et ses subordonnés. L’heure était grave pour eux et l’instant solennel : ce n’était pas tous les jours qu’il avait en leurs murs un proxénète recherché par la police des polices. Ce n’était qu’un petit commissariat de quartier et il n’était guère habitué à recevoir du « beau » monde.
L’inspecteur salua chaleureusement ses homologues et se dirigea d’un pas vif et décidé à la salle d’interrogatoire avec son collègue le commissaire : ils ne seraient pas trop de deux pour poser les questions au prévenu et si possible en escalade pour le décontenancer et lui faire perdre pied.
L’homme qui les affronta était très brun de peau, le visage carré, le sourcil épais, les yeux enfoncés, le nez assez volumineux, une grande bouche aux lèvres épaisses, le cheveu grisonnant mi- long et crépu, le front assez dégarni, une barbe mal taillée sur un menton volontaire, des mains massives menottées dans le dos, un corps petit et trapu. C’était un homme d’une soixantaine d’années. Il portait un survêtement Adidas sur des baskets de marque Nike. Si tant est qu’un homme puisse porter sa profession sur sa figure, il ne donnait pas l’impression d’être proxénète mais plutôt un professeur de sport ou un entraîneur à la retraite. Sa voix rauque, d’un fumeur sans doute tonnait dans le bureau à chaque nouvelle question posée. L’homme était virulent et très arrogant au point de se moquer des policiers, de leur tenue vestimentaire, de leurs gestes, de leur accent : tout était prétexte à ironie pour ne pas répondre au feu nourri de questions et c’était insupportable pour les policiers.
Lucienne le 08.03.2016