Un petit coin de campagne pour l'inspecteur 10

Un petit coin de campagne pour l’inspecteur 10,
Mais il était très dubitatif : cette histoire avait l’air de tenir la route, certes ! Elle collait assez bien aux preuves récoltées sur le terrain sauf qu’il lui restait à comparer l’ADN recueilli par le médecin légiste avec celle de son présumé coupable. Cet homme avait trop facilement avoué mais peut-être cachait-il quelque chose de plus lourd ou de moins glorieux. Son témoignage avait été spontané, sans pression aucune et il s’accusait presque avec légèreté de ce crime passionnel. L’inspecteur comptait beaucoup sur la serveuse, son seul témoin à décharge pour confirmer l’identification du suspect. Pour que la parade d’identification puisse être admissible comme preuve devant une juridiction, elle devait être menée de façon équitable. L’inspecteur ne devait se livrer à aucune manœuvre visant à influencer le témoin sur son choix. Ceci incluait le fait d'intégrer dans la parade des personnes qui ne ressembleraient pas du tout au signalement de l'individu recherché, et dans le cas présent suspect. Il aurait besoin de quelques figures locales et de policiers pour compléter le tapissage d’identification.
Fort de ces informations et de son intime conviction, l’inspecteur mit fin à la séance d’interrogatoire. Il fit reconduire l’homme en cellule de prévention : il avait quarante-huit heures de garde à vue à disposition. Le temps pour lui de cogiter une autre défense, peut-être. Il fallait absolument faire vite pour élaborer un plan d’action afin d’amener le prévenu à revenir éventuellement sur ces aveux. Dans son intime conviction, il ne le pressentait pas coupable de la mort de sa compagne. Il avait besoin de beaucoup plus de preuves à charge pour étoffer et clôturer ses investigations. Il ne voulait pas faire de faux pas ni de bavure. Son instinct de fin limier lui disait de prendre toutes les précautions nécessaires.
Pour l’heure, il quitta la caserne de police pour faire quelques pas et se décompresser mentalement : l’interrogatoire avait duré plus de trois heures et il était las. Sa courte nuit cauchemardesque commençait à se faire sentir et il était grand temps de prendre quelque repos. Une petite marche à pied jusqu’au gîte lui ferait grand bien, histoire de se dégourdir les jambes et d’aérer son cerveau ! Il en profiterait pour passer en revue les renseignements recueillis et les comparer aux éléments récoltés par la police scientifique. Le résultat des analyses tomberait sans doute le lendemain matin. Il ne pouvait faire guère plus qu’attendre.
En quelques belles foulées, il atteint la maison d’hôte en meilleure forme psychologique juste à temps pour le souper. Il commençait sérieusement à avoir faim et le menu était alléchant : entrée de salades composées, cuisse de canard confit avec ses petits légumes glacés, plateau de fromages, flan fait maison le tout accompagné d’une bonne bouteille de bordeaux, le sourire de l’hôtesse en sus ! A n’en pas douter, après un tel repas, c’était une bonne nuit assurée pour l’inspecteur. Il devait être en superbe forme pour assurer la confrontation de la barmaid avec le suspect et, peut-être tout reprendre au début, selon les résultats obtenus. Elle était prévue à neuf du matin. Il avait le fort pressentiment que cet homme n’avait pas le profil d’un tueur, même en crise passionnelle.
Il avait hâte de clore cette enquête pour prendre quelques jours de vacances…

Lucienne le 03.03.2016