Un petit coin de campagne pour l'inspecteur 1

Un petit coin de campagne pour l’inspecteur,
L’inspecteur cheminait dans les rues sombres de la petite ville. Il réfléchissait à la nouvelle enquête confiée par son chef de service, en l’occurrence le préfet lui-même. Le corps d’une jeune femme avait été retrouvé près d’une décharge publique, en pleine cambrousse. Il faut dire que celle-ci n’était pas très éloignée : à vol d’oiseau, pas plus de dix kilomètres.
Il marchait d’un bon pas, d’une allure presque féline, en loup solitaire sur les lieux de la découverte. La marche à pieds lui fit grand bien et elle lui permettait de commencer à prendre des repères dans cette contrée qu’il ne connaissait pas très bien. Son allure cavalière et quelque peu efflanquée attirait les regards. Son vieux trenchcoat tout mité et son stetson de flanelle ne passaient pas inaperçus. Il comptait bien sur la médisance et le franc-parler des villageois pour en apprendre un peu plus sur ce crime horrible. Il passa devant des petits bancs de bois où quelques amoureux étaient enlacés, désireux d’être seuls au monde sans doute, en harmonie parfaite avec la nature. Il traversa les allées vertes d’un parc joliment boisé, contourna une grande fontaine ancienne, prit un petit chemin tortueux et aride et déboula sur un terrain vague : une immense décharge à ciel ouvert ! L’odeur en était pestilentielle et il lui était impossible d’avancer dans ces détritus sans s’en coller aux chaussures. Néanmoins, il se devait d’aller au charbon en tout bon inspecteur qui se respecte. Il sortit un mouchoir de sa poche et  le posa sur le nez pour atténuer l’odeur nauséabonde du site.

L’endroit avait été balisé par la police locale et le médecin légiste s’affairait déjà sur le corps de la victime. Il serait difficile voire impossible de relever des indices probants dans ce tas d’immondices, pensa l’inspecteur. Il se présenta rapidement et commença son inspection. Il posa les questions rituelles en pareille situation au corps de police et au médecin : personne ne connaissait cette jeune femme ! Elle semblait avoir une trentaine d’année, une chevelure de rêve sur un corps de mannequin. Elle portait des vêtements de grande marque et son maquillage était discret, du moins ce qu’il en restait. Mais son identification se révélait difficile : il ne trouva aucun papier sur elle ni sac à main dans les environs. Il lui faudra donc encore une fois, procéder au mandat de recherche et afficher dans toute la ville des placards de personne disparue. L’état du corps présageait que la mort datait de quelques semaines déjà : l’entomologiste lui en dirait peut-être plus sur la date exacte du décès et le médecin légiste en déterminerait les causes.
Pour l’heure, l’inspecteur releva quelques notes sur son carnet qui ne le quittait pas : c’était son pense-bête, son aide-mémoire qui se révéla bien  utile dans d’autres affaires. Et puis il y retrouvait quelques numéros de téléphone très utiles qu’il ne manquait pas d’utiliser en cas de dernière ressource, une enquête qui piétine par exemple. Il pensait fermement qu’il s’avèrerait fort utile pour cette affaire qui ne lui disait rien de bon : tout paraissait bien trop propre, à commencer par la victime elle-même, sauf évidemment les lieux du crime…
Lucienne le 23.02.2016