Un petit coin de campagne pour l'inspecteur 9

Un petit coin de campagne pour l’inspecteur 9,
L’homme qui se tenait dans le bureau était encore menotté. Il était petit et trapu, avait une apparence rébarbative, assez poli mais très arrogant. Malgré sa petite taille, il était imposant : un habitué des salles sans doute, pensa l’inspecteur. Il serait capable d’agir vigoureusement en cas d’excès de colère. Il avait le teint pâle malgré son hâle d’oriental et les traits tirés. Ses yeux sombres et globuleux étaient presque ternes. Le prévenu regardait l’inspecteur fixement, sans détourner les yeux. Ses gestes étaient nerveux et son timbre de voix était grave. Il s’exprimait avec aisance mais semblait de caractère peu sociable voire violent si on le poussait à bout !
L’inspecteur avait devant lui un homme décidé, à qui il ne fallait pas en conter, très orgueilleux et imbu de sa personne. Il devait agir avec précaution et discernement. Il décida de jouer carte sur table.
Il le fit assoir en face de lui et lui présenta les photos de la victime. L’homme blêmit soudain un peu plus et sembla vaciller sur sa chaise. Il devint très mal à l’aise mais se reprit vite : par fierté ou par orgueil peut-être, il ne voulait se monter faible en public.
Il connaissait effectivement la victime : elle s’appelait Carlotta LAMBERTI, italienne d’origine et naturalisée suisse. Elle était âgée de trente-deux ans, était Escort-girl déclarée et sa compagne légitime depuis dix ans. Et il expliqua en détail ce qu’était l’Escort.
« Ce métier consistait à accompagner des clients dans certains endroits, tels qu'un restaurant, au cinéma, ou à des réunions. En fait, un client l’appelait pour qu’elle lui tienne compagnie. En tête à tête ou avec d'autres personnes. Cela allait d'un simple repas à des relations plus intimes. L’agence employait des femmes à la personnalité agréable ainsi que celles leur paraissant douées, attirantes, très soignées, cultivées et jeunes : c’était le cas de Carlotta.
C’était ainsi qu’il avait fait sa connaissance dans un vieux bistrot de Lausanne, autour d’un verre. Au bout de plusieurs rendez-vous, ils étaient devenus amants et s’étaient même mariés l’année dernière. Mais son agence avait vu cela d’un très mauvais œil et lui fit pression pour faire machine arrière. C’était trop tard, nous étions parents d’une petite fille du nom de Soraya et il n’était pas question pour moi qu’elle reprît cette activité : c’était une trop mauvaise image de marque pour mon métier d’entrepreneur international. Je commençai à perdre des marchés à cause de sa réputation sulfureuse. Et puis, je considère qu’une femme se doit de rester au foyer conjugal pour s’occuper de son mari et de ses enfants : elle n’avait pas à trainer dans d’autres bras, ni rien à faire dans les bars la nuit venue. Leur situation matérielle était plus que confortable pour ne plus travailler du tout. Et des disputes ont éclaté entre nous. Carlotta voulait reprendre sa liberté, son activité d’Escort-girl et garder notre petite Soraya. Pour moi, il n’en fut pas question et des altercations violentes et quotidiennes s’ensuivirent jusqu’au mois dernier où je fus dépassé par les évènements. Je la surpris en train de faire sa valise. Excédé et blessé dans mon orgueil de mâle par ce soudain départ, je demandai des explications mais n’eut qu’un rire sarcastique en retour et des mots orduriers jetés en pleine figure. Alors, je commençai à la bousculer puis à la frapper. Mais elle ne voulait pas en démordre : elle voulait me quitter définitivement en emmenant avec elle notre fille.
A cet instant, la rage et le désespoir me prirent, je la tins au cou de mes mains puissantes mais la serrant sans doute trop fort, je l’étranglai. Je me débarrassai du corps dans une décharge municipale vosgienne. »
L’homme semblait épuisé par son récit mais en quelque sorte soulagé. Il regarda l’inspecteur droit dans les yeux et attendit le verdict.
En fait pensa l’inspecteur c’était tout bonnement un crime passionnel presque ordinaire…
Lucienne le 03.03.2016