Le loup et la grue

Le loup et la grue


Un loup, voracement, dévorait un lapin.
Il avalait tout rond, sans mâcher, mort de faim,
Et n’arrivait pas même à calmer sa famine…
Il finit son repas par le râble et l’échine,
Certes morceaux de choix, mais pourvus d’os nombreux.
Le loup, sans le mâcher, engloutit l’un d’entre eux,
Qui, au fond du gosier, se coince et puis s’arrête,
Piqué dans le conduit comme fait une arrête !
Au ruisseau, le loup court, avale un litre d’eau…
Rien n’y fait, l’os maudit reste dans le tuyau !
Une grue au long cou qui pêchait l’écrevisse
Propose alors au loup de lui rendre service.
« Grace à mon très long bec, je retire l’intrus
Coincé dans votre gorge, au fond, et qui l’obstrue.
Cela pour presque rien, pour un petit salaire,
Ce sera vite fait, je connais mon affaire ! »
Le loup, en gargouillant, promet tout ce qu’on veut.
Il ouvre grand la gueule, elle nettoie le lieu,
Retire avec son bec l’os coincé dans la gorge.
Le loup respire à fond comme un soufflet de forge,
Il se sent mieux, il boit, il reprend ses esprits.
« Sire loup, je ne sais si vous m’avez compris ?
Maintenant il faudra me payer mon salaire.
Au comptant ? En trois fois ? Comment comptez-vous faire ? »
Mais le loup répondit en lui montrant les dents.
«Ça ! Je vous ai payée, dit-il en ricanant.
Croyez-vous que beaucoup de gens peuvent prétendre
Retirer de ma gueule un morceau aussi tendre
Que votre tête ou bien… même votre long cou ?
Sauvez-vous, croyez-moi, de la gueule du loup ! »

Méfiez-vous des gens dont la reconnaissance,
Qui vous était acquise au moment du danger
S’évanouit dès lors qu’ils ont pu s’en tirer.
Ils retrouvent bientôt toute leur arrogance !

14/01/2020