La Roumélie ((en turc : Rumeli) est la partie européenne du pays dont Istanbul fait partie, par opposition à la rive asiatique qui est l'Anatolie.
Elle demeure en son palais...Elle demeure en son palais, près du Bosphore,
Où la lune s'étend comme en un lit nacré
Sa bouche est interdite et son corps est sacré,
Et nul être, sauf moi, n'osa l'étreindre encore.
Des nègres cauteleux la servent à genoux
Humbles, ils ont pourtant des regards de menace
Fugitifs à l'égal d'un éclair roux qui passe
Leur sourire est très blanc et leurs gestes sont doux
Ils sont ainsi mauvais parce qu'ils sont eunuques
Et que celle que j'aime a des yeux sans pareils,
Pleins d'abîmes, de mers, de déserts, de soleils,
Qui font vibrer d'amour les moelles et les nuques.
Leur colère est le cri haineux de la douleur
Et moi, je les excuse en la sentant si belle,
Si loin d'eux à jamais, si près de moi Pour elle,
Elle les voit souffrir en mordant une fleur.
J'entre dans le palais baigné par l'eau charmante,
Où l'ombre est calme, où le silence est infini,
Où, sur les tapis frais plus qu'un herbage uni,
Glissent avec lenteur les pas de mon amante.
Ma Sultane aux yeux noirs m'attend, comme autrefois.
Des jasmins enlaceurs voilent les jalousies
J'admire, en l'admirant, ses parures choisies,
Et mon âme s'accroche aux bagues de ses doigts.
Nos caresses ont de cruels enthousiasmes
Et des effrois et des rires de désespoir
Plus tard une douceur tombe, semblable au soir,
Et ce sont des baisers de soeur, après les spasmes.
Elle redresse un pli de sa robe, en riant
Et j'évoque son corps mûri par la lumière
Auprès du mien, dans quelque inégal cimetière,
Sous l'ombre sans terreur des cyprès d'orient.
poème de Renée Vivien
née Pauline Mary Tarn le 11 juin 1877 à Londres et morte le 18 novembre 1909 à Paris, surnommée « Sapho 1900 », est une poétesse britannique de langue française aux multiples appartenances littéraires...
La marche Turque Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.
J'aime le vrai soldat, effroi de Bélial.
Son turban évasé rend son front plus sévère,
Il baise avec respect la barbe de son père,
Il voue à son vieux sabre un amour filial,
Et porte un doliman, percé dans les mêlées
De plus de coups, que n'a de taches étoilées
La peau du tigre impérial.
Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.
Un bouclier de cuivre à son bras sonne et luit,
Rouge comme la lune au milieu d'une brume.
Son cheval hennissant mâche un frein blanc d'écume ;
Un long sillon de poudre en sa course le suit.
Quand il passe au galop sur le pavé sonore,
On fait silence, on dit : C'est un cavalier maure !
Et chacun se retourne au bruit.
Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.
Quand dix mille giaours viennent au son du cor,
Il leur répond ; il vole, et d'un souffle farouche
Fait jaillir la terreur du clairon qu'il embouche,
Tue, et parmi les morts sent croître son essor,
Rafraîchit dans leur sang son caftan écarlate,
Et pousse son coursier qui se lasse, et le flatte
Pour en égorger plus encor !
Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.
J'aime, s'il est vainqueur, quand s'est tû le tambour,
Qu'il ait sa belle esclave aux paupières arquées,
Et, laissant les imans qui prêchent aux mosquées
Boire du vin la nuit, qu'il en boive au grand jour ;
J'aime, après le combat, que sa voix enjouée
Rie, et des cris de guerre encor tout enrouée,
Chante les houris et l'amour !
Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.
Qu'il soit grave, et rapide à venger un affront ;
Qu'il aime mieux savoir le jeu du cimeterre
Que tout ce qu'à vieillir on apprend sur la terre ;
Qu'il ignore quel jour les soleils s'éteindront ;
Quand rouleront les mers sur les sables arides ;
Mais qu'il soit brave et jeune, et préfère à des rides
Des cicatrices sur son front.
Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.
Tel est, coparadgis, spahis, timariots,
Le vrai guerrier croyant ! Mais celui qui se vante,
Et qui tremble au moment de semer l'épouvante,
Qui le dernier arrive aux camps impériaux,
Qui, lorsque d'une ville on a forcé la porte,
Ne fait pas, sous le poids du butin qu'il rapporte,
Plier l'essieu des chariots ;
Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.
Celui qui d'une femme aime les entretiens ;
Celui qui ne sait pas dire dans une orgie
Quelle est d'un beau cheval la généalogie ;
Qui cherche ailleurs qu'en soi force, amis et soutiens,
Sur de soyeux divans se couche avec mollesse,
Craint le soleil, sait lire, et par scrupule laisse
Tout le vin de Chypre aux chrétiens ;
Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.
Celui-là, c'est un lâche, et non pas un guerrier.
Ce n'est pas lui qu'on voit dans la bataille ardente
Pousser un fier cheval à la housse pendante,
Le sabre en main, debout sur le large étrier ;
Il n'est bon qu'à presser des talons une mule,
En murmurant tout bas quelque vaine formule,
Comme un prêtre qui va prier !
Ma dague d'un sang noir à mon côté ruisselle,
Et ma hache est pendue à l'arçon de ma selle.
Victor Hugo, le 1 au 2 mai 1828.
Extrait de "Les orientales"
Mosquée Sokollu Mehmet Pasha (1571-72)
photo du minbar et du mihrab
respectivement l'escabeau à ne pas confondre avec "minibar"
et le Mhrhab qui indique la direction de la Kabaa
J’écoute Istanbul, les yeux fermés…J’écoute Istanbul, mes yeux sont fermés
D’abord souffle un vent léger ;
Il ballotte peu à peu
Les feuilles dans les arbres ;
Au bout du monde, bigrement au bout du monde
Les clochettes des porteurs d’eau ne s’arrêtent jamais ;
J’écoute Istanbul les yeux fermés.
J’écoute Istanbul les yeux fermés ;
Les oiseaux passent
Des hauteurs, de nuées en nuées, de cris en cris ;
Les filets sont retirés dans les bordigues
Les pieds d’une femme touchent l’eau
J’écoute Istanbul, les yeux fermés.
J’écoute Istanbul, mes yeux sont fermés ;
Le bazar est empli de fraîcheur
Mahmut Pacha est animé
Les cours sont remplies de pigeons
La voix du marteau vient des docks ;
Les odeurs de sueur au vent du beau printemps
J’écoute Istanbul, mes yeux sont fermés.
J’écoute Istanbul, mes yeux sont fermés ;
L’ivresse d’anciens mondes en tête,
Une maison de rivage avec de sombres hangars à bateaux
Les vents du sud ouest sont tombés dans un bruissement intérieur
J’écoute Istanbul les yeux fermés.
J’écoute Istanbul, mes yeux sont fermés;
Une jeune fille aguicheuse d’une beauté provocante passe sur le pavé.
Les blasphèmes, les chants, les chansons, les jets de mots.
Une chose tombe de ses mains à terre ;
Cela doit être une rose;
J’écoute Istanbul, mes yeux sont fermés.
J’écoute Istanbul, mes yeux sont fermés;
Un oiseau s’évertue à tes pieds.
J’ignore si ton front est chaud
J’ignore si tes lèvres sont humides
Une lune blanche nait au milieu des pignons ;
Je comprends les battements de ton cœur ;
J’écoute Istanbul.ORHAN VELI
İstanbul’u dinliyorum,İstanbul’u dinliyorum, gözlerim kapalı;
Önce hafiften bir rüzgar esiyor;
Yavaş yavaş sallanıyor
Yapraklar ağaçlarda;
Uzaklarda, çok uzaklarda
Sucuların hiç durmayan çıngırakları;
İstanbul’u dinliyorum gözlerim kapalı.
İstanbul’u dinliyorum gözlerim kapalı;
Kuşlar geçiyor derken
Yükseklerden, sürü sürü, çığlık çığlık;
Ağlar çekiliyor dalyanlarda;
Bir kadının suya değiyor ayakları;
İstanbul’u dinliyorum, gözlerim kapalı.
İstanbul’u dinliyorum, gözlerim kapalı;
Serin serin Kapalıçarşı,
Cıvıl cıvıl Mahmutpaşa
Güvercin dolu avlular,
Çekiç sesleri geliyor doklardan
Güzelim bahar rüzgarında ter kokuları;
İstanbul’u dinliyorum, gözlerim kapalı.
İstanbul’u dinliyorum, gözlerim kapalı;
Başında eski alemlerin sarhoşluğu,
Loş kayıkhaneleriyle bir yalı
Dinmiş lodosların uğultusu içinde.
İstanbul’u dinliyorum gözlerim kapalı.
İstanbul’u dinliyorum, gözlerim kapalı;
Bir yosma geçiyor kaldırımdan.
Küfürler, şarkılar, türküler, laf atmalar.
Bir şey düşüyor elinden yere;
Bir gül olmalı.
İstanbul’u dinliyorum, gözlerim kapalı.
İstanbul’u dinliyorum, gözlerim kapalı;
Bir kuş çırpınıyor eteklerinde.
Alnın sıcak mı, değil mi bilmiyorum;
Dudakların ıslak mı değil mi, bilmiyorum;
Beyaz bir ay doğuyor fıstıkların arkasından
Kalbinin vuruşundan anlıyorum;
İstanbul’u dinliyorum.
ORHAN VELI