RÉSIGNONS-NOUS
C’est la saison des avalanches ;
Le bois est noir, le ciel est gris,
Les corbeaux dans les plaines blanches,
Par milliers, volent à grands cris;
— Mais, bientôt, de tièdes haleines
Descendront du ciel moins jaloux,
Avril consolera les plaines...
Résignons-nous.
C’est l’orage! Les eaux flamboient
En se heurtant comme des blocs,
Les dogues de l’abîme aboient
Et hurlent en mordant les rocs ;
— Mais demain tous ces flots rebelles
Se changeront, unis et doux,
En miroirs pour les hirondelles...
Résignons-nous.
C’est l’âge où l’homme nie et doute :
Soleils couchés et rêves morts !
À chaque tournant de la route,
Ou des regrets ou des remords !
— Mais, bientôt, viendra la vieillesse
Elevant sur nos fronts à tous
La lampe d’or de la sagesse...
Résignons-nous.
Ceux qu’on aima sont dans les tombes.
Les yeux adorés sont éteints,
Dieu rappelle à lui nos colombes
Pour réjouir des cieux lointains...
— Mais, bientôt, d’une âme ravie,
Seigneur ! pour les rejoindre en vous,
Nous nous enfuirons de la vie...
Résignons-nous.