PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LES VERS MÊLÉS
Sous cette dénomination on a souvent associé les
"vers libres", ce qui a provoqué une certaine confusion avec cette dernière catégorie instituée à la fin du XIXe siècle par les
Symbolistes. Les
"vers mêlés" sont, en fait, un mélange de vers de
"mesures différentes", sans que ce mélange ait une structure régulière. La plupart des "Fables" de La Fontaine sont écrites en
vers mêlés, des alexandrins se trouvant associés à des décasyllabes, des octosyllabes ou encore des tétrasyllabes.
Mais au XVIIe siècle on les appelaient des
"vers libres". Monsieur De La Fontaine respectait ce mélange de mètres tout à fait reconnaissables (pair le plus souvent) et tous ses vers rimaient. Les rimes peuvent être plates, croisées, embrassées ou distribuées dans un mode de composition non strophique.
Dans l'exemple suivant, extrait du début de la fable intitulée
"L'hirondelle et les petits oiseaux", de La Fontaine, on constate que se mêlent
octosyllabes et
alexandrins. Elle se compose de trois phrases réparties en deux ensembles : un
quatrain en rimes embrassées (ABBA), suivi d'un
distique en rimes plates (CC) ; autrement dit, deux ensembles qui développent trois phrases enchâssées :
Une hirondelle en ses voyages (A)
Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup su (B)
Peut avoir beaucoup retenu. (B)
Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages, (A)
Et devant qu'ils fussent éclos, (C)
Les annonçait aux Matelots. (C)
Les
"vers mêlés" connurent un grand succès au XVIIIe siècle. Les
"Contes de Perrault" sont ainsi composés, tout comme certaines pièces de théâtre dont on peut citer
"Psyché". Au XIXe siècle, les Romantiques (Musset, Lamartine, Victor Hugo en tête), employèrent à leur tour cette forme qui a bien embarrassé les critiques de l'époque. Certains lui reconnaissaient une grande régularité, tandis que d'autres, au contraire, la jugeaient très irrégulière. On peut noter, dans l'exemple retenu ci-dessus, une parfaite concordance entre la
syntaxe et la métrique, concordance d'autant plus respectée qu'elle est soulignée par la ponctuation et la structure des vers :
césure des alexandrins, place des
accents rythmiques, et respect du principe :
rimes féminines/masculines.Il ne faut surtout pas confondre
"vers libres" (ou vers mêlés avec la poésie dite
libre, ou
libérée. La
"poésie libérée", comme l'explique dans son remarquable ouvrage Gilles Sorgel, est une poésie qui n'a plus l'apparence, à l'œil, d'une poésie classique, mais qui en conserve, consciemment ou inconsciemment, les éléments de base.