PETIT LEXIQUE DE PROSODIE
LES VERS RAPPORTÉS
Non, mes ami(e)s, je n'ai pas commis de faute, et il ne s'agit pas de verres que l'on ferait rapporter par le sommelier considérant qu'il s'agit d'un mauvais pinard.
Ce procédé appartient au domaine français de l'esthétique du XVIe siècle. On appelle ainsi un mode de composition qui tient à la fois de l'énumération et du parallélisme.
Autrement dit, au lieu d'énumérer des syntagmes divers, on en "disjoint" les éléments en les regroupant par fonctions ou par catégories. Ainsi dans le sonnet XVII, par exemple, des "AMOURS" de RONSARD, sont énoncés trois grâces de la bien-aimée (l'œil, la main, le crin, c'est-à-dire la chevelure), auxquelles sont liées respectivement trois tortures sur son amant (brûler, enserrer, attacher), et cette logique se poursuit tout au long du poème dont voici les quatrains :
Par un destin dedans mon cœur demeure,
L'œil, et la main, et le crin délié
Qui m'ont si fort brûlé, serré, lié,
Qu'ars, pris, lassé, par eux faut que je meure.
Le feu, la prise, et le rets à toute heure,
Ardant, pressant, nouant mon amitié,
En m'immolant aux pieds de ma moitié,
Font par la mort, ma vie être meilleure.
Les mots ci-dessous pourront permettre de se faire une idée très nette de cette répartition et de ces correspondances
isotopiques :
Œil, brûlé, ars (=brûlé), le feu, ardant.
Main, serré, pris, la serre, pressant.
Crin, lié, lacé, le rets, nouant.
On peut considérer de la même manière ce sonnet de Jean de SPONDE :
Tout s'enfle contre moi, tout m'assaut, tout me tente,
Et le monde, et la Chair, et l'Ange révolté,
Dont l'onde, dont l'effort, dont le charme inventé,
Et m'abîme, Seigneur, et m'ébranle, et m'enchante.
Quelle nef, quel appui, quelle oreille dormante,
Sans péril, sans tomber, et sans être enchanté,
Me donras-tu ? Ton Temple où vit ta Sainteté,
Ton invincible main, et ta voix si constante ?
Et quoi ! mon Dieu, je sens combattre maintes fois
Encor avec ton Temple, et ta main, et ta voix,
Cet Ange révolté, cette chair, et ce Monde.
Mais ton Temple pourtant, ta main, ta voix sera
La nef, l'appui, l'oreille, où ce charme perdra,
Où mourra cet effort, où se rompra cette onde.
Ce poème est fondé également sur la
"répétition", dans les
tercets, des mêmes termes que dans les quatrains, dans un ordre différent.
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