Drôle d'affaire pour l'inspecteur

Drôle d’affaire pour l’inspecteur
L’inspecteur fumait tranquillement dans son minuscule et sombre bureau. Il lui tardait de devenir commissaire pour en changer, ce dernier lui devenant trop étroit.  Le Procureur lui avait promis de le monter en grade dès l’an prochain Il était grand temps : il ne supportait plus cette promiscuité avec les plantons et les cellules toutes  proches. La peinture était terne et sale, écaillée par-ci, par-là. L’air devenait irrespirable : il n’y avait pas de fenêtre et la ventilation ne fonctionnait plus. Le seul point d’eau à sa disposition se trouvait dans les toilettes : géniale comme hygiène.
Il en était là de ses jérémiades quand le téléphone sonna. Allons bon, encore une affaire compliquée qui serait difficile à élucider : la disparition d’un gamin de quatorze ans.
Il était parti à la pêche et n’en était pas revenu. Il devait se rendre sur le terrain pour voir ce qu’il en était.
Il enfila son trench-coat et son vieux chapeau usé et héla la voiture de service. Il préféra se faire conduire dans les lieux, l’enquête précédente lui avait procuré une immense fatigue et il ne s’en était pas encore remis : il prenait son travail bien trop à cœur. Il ne savait pas prendre le recul nécessaire. Mais avant de partir, il demanda un coussin pour pouvoir se reposer un peu. Ces véhicules de fonction étaient si inconfortables et il avait besoin de repos pour réfléchir plus rapidement, une fois arrivé sur place. Il n’avait pas droit à l’erreur : la vie d’un gamin en dépendait.
Il s’allongea sur la banquette arrière une petite heure, le temps du trajet.
Le temps n’était pas de la partie ; de lourds nuages noirs couraient dans le ciel, de grosses gouttes de pluie tombaient avec force et fracas. D’énormes rafales de vent soufflaient et les secousses de la voiture l’empêchaient de fermer l’œil ! Alors, il demanda à son chauffeur de mettre une cassette audio pour écouter ses chansons préférées afin de réfléchir plus sereinement. De toute manière, les ondes radio ne passaient pas.
Il avait coutume de dire que c’était une région pourrie et il avait raison : le soleil y était très rare. Le froid était omniprésent et le vent soufflait plus de trois cent jours par an. C’était assez démoralisant et perturbait les scènes de crimes. Les empreintes extérieures étaient moins visibles ou noyées par les orages fréquents. Les indices papiers étaient illisibles ou presque et les taches de sang diluées devenaient presque impossibles à analyser correctement. Il avait beau geler les scènes de crime rapidement, les enquêtes extérieures piétinaient souvent à cause des intempéries.
Hélas, c’était encore le cas aujourd’hui : à part le matériel de pêche retrouvé sur place, les premières constatations n’avaient pas donné grand-chose.
Dans le cas précis, nul ne savait si c’était une fugue d’adolescent, un enlèvement ou un meurtre : on n’avait pas de corps, pas de témoins et très peu d’indices …
Lucienne le 05.01.2016