André Laugier

Messages : 7144 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 81 Localisation : Marseille
 | Sujet: ÏAMBE ou IAMBE (Prosodie) Lun 30 Mai - 11:44 | |
| PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
ÏAMBE (ou IAMBE) L'ÏAMBE (mot masculin). Du grec "iambos", qui signifie même sens. Que veut dire ce terme barbare ? On appelle ÏAMBE ou IAMBE un poème écrit en vers de deux mètres régulièrement alternés. Ils peuvent être écrits en vers de douze et de huit syllabes, alternées, en rimes croisées. Mais ils peuvent aussi s'accommoder dans d'autres mètres, comme, par exemple, des vers de dix et de 8 syllabes. André CHÉNIER a beaucoup utilisé ce procédé. Ce procédé est surtout utilisé en poésie satirique. En voici un bon exemple d'André CHÉNIER :
Vingt barques, faux tissus de plantes fugitives, S'entrouvrant au milieu des eaux, Ont-elles par milliers dans les gouffres de Loire Vomi des captifs enchaînés, Au proconsul Carrier, implacable après boire, Pour son passe-temps amenés ?
On connaît surtout, sous cette forme, ses derniers poèmes de la prison de Saint-Lazare dans l'attente de son exécution, écrits sur de fins rubans de papier qu'il parvint à faire sortir. Ainsi le poème connu sous le titre "La jeune captive" :
Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre Animent la fin d'un beau jour, Au pied de l'échafaud j'essaye encore ma lyre. Peut-être est-ce bientôt mon tour. Peut-être avant que l'heure en cercle promenée Ait posé sur l'émail brillant, Dans les soixante pas où sa route est bornée, Son pied sonore et vigilant, Le sommeil du tombeau pressera ma paupière. Sous l'influence de ses prestigieux modèles, les ïambes ont souvent été, par la suite, utilisés pour exprimer la révolte, l'indignation. C'est donc une des formes privilégiées de la satire :
COLÈRE
... Hypocrisie et vice, - oui, c'est bien là le monde : Belles maximes et grands airs Jetés comme un manteau sur le cloaque immonde D'un coeur tout gangrené de vers.
...
Théophile GAUTIER ("Albertus ou l'âme et le pêché". 1833) Cette forme, apparemment si simple, est en réalité plus complexe, plus souple, plus variée, et on peut dire qu'elle accepte tous les mètres, pourvu que la régularité de l'alternance binaire apporte à l'oreille la possibilité de reconnaître cette forme. Dans cette optique, on trouve des ïambes alternant des vers de mesures paire et impaire, comme dans le poème de Charles CROS, extrait de "Le Collier de griffe". 1908
AUX FEMMES
Noyez dans un regard limpide, aérien, Les douleurs. Ne dites rien de mal, ne dites rien de bien, Soyez fleurs. Soyez fleurs ; par ces temps enragés, enfumés De charbon, Soyez roses et lys. Et puis, aimez, aimez ! C'est si bon !
Les vers écrits en ïambes ont une grande intensité de force ; le mètre changeant à chaque vers, tout y est mis en relief. Les plus saillants sont pourtant les petits vers parce que les idées y sont présentées plus rapidement. La caractéristique de tous ces poèmes d'époques, de tons, de mesures, de sujets si différents, reste l'alternance régulière dans tout poème, strophique ou pas, de deux mètres différents. Cette alternance, une fois l'oreille accordée à ce rythme particulier, en assure l'unité. ______________________
* Sources : - "Dictionnaire de la poésie française", de Jacques Charpentreau. Ed. Fayard. 2006." - "Dictionnaire de poétique", de M. Aquien. Ed. Livre de Poche 1993."
_________________ La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André Laugier)
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