L'inspecteur part en chasse 6

L’inspecteur part en chasse 6,
Mais avant de s’assoupir, il se prépara un encas : il n’avait pas mangé de la journée et il avait l’estomac dans les talons. Il se confectionna un sandwich avec de la salade, des rondelles de tomates, un reste de blanc de poulet, des cornichons et il badigeonna tout ça avec force ketchup et mayonnaise. Il ouvrit une canette de bière pour faire descendre ce souper frugal et, tout en savourant son repas, il réfléchit à son affaire. Il connaissait mieux le monde fermé de la pédophilie grâce au net et aux informations données par son ami psychiatre. Le tabou commençait à se lever depuis les affaires Marc Dutroux, Michel Fourniret surnommé le forestier des Ardennes, entre autres dont les procès furent retentissants. Ils avaient été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité pour enlèvements d’enfants, viols et meurtres sur des mineurs et des adolescents. Il espérait fortement que son affaire ne fut pas de cette ampleur.
Le dîner terminé, il s’allongea sur son vieux canapé défraîchi pour se reposer une heure ou deux en attendant des nouvelles de ses hommes. Il ne trouva pas le sommeil, l’esprit bien trop occupé à son enquête. Il pensait à ces deux individus lâchés dans la nature et il avait hâte de les savoir enfermés, tout du moins  mis hors d'état de nuire. Mais il était très inquiet. Ces révélations d’affaires de pédocriminalité défrayaient de plus en plus les chroniques. Et malheureusement,  elles ne correspondaient que trop bien aux pulsions voyeuristes de la foule, assouvie par la presse à scandales et fascinée par le morbide, les rumeurs étant alimentées par les réseaux sociaux.
Il se devait de calmer la colère des foules et son attrait pour les actes pervers en tout genre : c’était trop malsain et redoutable pour les petites victimes. Il se promit de protéger les enfants et leur famille : c’était son devoir de citoyen avant tout et de défenseur de la loi aussi.
Le temps passait, la nuit était tombée. Incapable de dominer son angoisse, l’inspecteur rappela le service de la cybercriminalité pour s’informer de l’avancée de l’enquête. La liste des suspects faisait froid dans le dos car elle comportait des profils atypiques qui passaient souvent sous le radar, comme des médecins, des éducateurs, d'anciens policiers ou des enseignants, souvent au contact d'enfants. Afin de les débusquer, les enquêteurs avaient remonté leur trace à partir des sites Internet qu'ils avaient consultés. Ils étaient sur une piste ciblée et ils l’exploitaient au mieux qu’ils pouvaient. Pour être plus convaincants, ils avaient  choisi une photo puisée dans la base de données de milliers de clichés saisis par la police et la gendarmerie au cours de leurs enquêtes, et l'avaient postée, floutée, pour ferrer le poisson. Puis, ils étaient allés boire un café. Un quart d'heure plus tard, une trentaine d'internautes, pour la plupart des hommes adultes, s'étaient connectés, avaient allumé leur webcam et étaient prêts à chatter avec "Julie", la pseudo adolescente mais il n’avait toujours pas débusqué le pédoprédateur Marcel Duchamp. Par contre, en remontant la filière, ils avaient retrouvé des chats et des photos pour le moins allusives de Luc Chatier. Vu que tout cela avait lieu sur internet, ce dernier pensait que personne ne l’observait, il fut donc facile de collecter des informations à son sujet. Et elles étaient assez compromettantes.
L’inspecteur se sentit rassuré. Son enquête semblait sur la bonne voie d’élucidation. Le présumé pédophile était sous surveillance depuis quelques heures déjà et n’avait, semble-t-il, pas bougé de son domicile : il était certainement devant son ordinateur en train de chater sur les réseaux pédophiles. Il fallait le prendre en flagrant délit et saisir son matériel informatique ainsi que les photos et les éventuelles vidéos en tant que preuves, la détention et la production de pédopornographie étant  illégale. Toute représentation nue d'une personne d'âge mineur sur photo, vidéo ou écrit est considérée, si la caractéristique dominante est la représentation des organes sexuels de l’enfant et ce dans le but de stimuler sexuellement une personne, comme étant de la pornographie juvénile,  et en ce sens, ces représentations sont interdites. Luc Chatier dormira sous les verrous ce soir. L’inspecteur en était si convaincu qu’il se permit de fermer les yeux quelques instants, histoire de relaxer ses membres et de se vider l’esprit de ces images d’enfants abusés qui l’obsédaient  …
Lucienne le 20.02.2016