Marius Laugier "À..."

Marius LAUGIER

À...

Avant de t’en aller, donne-moi quelques larmes,
Je ne puis concevoir ton départ sans adieu :
Me priver tout à coup du plaisir de tes charmes
Serait tromper le ciel, faire une offense à Dieu.
Mais de notre passé te souvient-il encore ?
Pourquoi pars-tu si loin pour ne plus revenir ?
Et que pourront les cieux, que me dira l’aurore
Quand il ne restera de toi qu’un souvenir ?
Alors dans les sentiers que nous foulions la veille,
Promenant mes regrets, exhalant mes sanglots,
Je sens revivre en moi cette ardeur qui sommeille,
Me poursuit nuit et jour sans trêve ni repos.
Tout me rappelle toi, créature adorée :
La mer, les flots, les cieux et l’amandier en fleurs,
Et cette roche plate à la forme carrée
où ma maison recueillit les gouttes de tes pleurs.
Ces pins, ces oliviers, cette flore abondante,
Ces plaintes, dans les airs, et ce soleil couchant,
Ces baisers échangés quand tu fus mon amante,
Cette voix dont l’écho m’en renvoyait le chant.
Cette tristesse, enfin, dont je vivais naguère,
Croissait avec le temps et me rongeait le cœur,
A mon affliction n’était pas étrangère :
Plus je la combattais, moins j’en étais vainqueur.
Ah ! vous vous accrochiez à cette forme humaine
Vestiges du passé, qui tremble devant vous,
Et me rendez encor cette marche incertaine,
Au lieu de me frayer un chemin calme et doux !
Plus tard, en me voyant, vous me plaindrez peut-être,
Un bâton à la main pour appuyer mes ans,
Et vous murmurerez, croyant me reconnaître :
« C’est lui, c’est un vieillard couvert de cheveux blancs.
Quand un siècle s’éteint un autre recommence ;
Les générations n’ont pas deux avenirs :
Chacune, sous le ciel, poursuit son existence,
Et lègue, en s’en allant, un flot de souvenirs.

Ecrit à Marseille, en 1946.

© SDGL - Échos Poétiques 2005

Que de jolis et tristes regrets sur cette femme qui prenait tout son horizon...l'absence réveille les habitudes de la voir toute proche et tout à coup le grand vide.
Cette jeune personne avait rendu heureux cet homme dont le sentiment de tristesse de son passé, ne pouvait disparaitre complètement..et voilà que revient cet état plus pressant, plus présent, depuis le départ de sa belle redevenant une marche incertaine, ne pouvant garder de ce bonheur que de merveilleux souvenirs !
Comme la séparation est dure et inacceptable quand la différence d'âge "Les générations n’ont pas deux avenirs", ou la lassitude de deux êtres en arrivent à ne plus vouloir en garder les serments et en détruisent, l'indestructible bonheur !
Comme ton papa nous le fait bien comprendre par ses mots de tendresse et de tristesse !
Moi, je fonds devant ces sentiments si profonds et ne pourrais quitter la personne qui aurait autant de merveilleuses pensées.
Ton papa nous offre ses sentiments par cette triste histoire qui bien trop souvent déchire la vie de celui qui ne peut empêcher l'autre de le quitter !
Grand merci André, tu viens de me faire passer un moment de douceur, de tristesse, si beau et si bien ressenti que j'en suis toute émue.
calinchat

pour ton papa, ce poète merveilleux !

Ce poème est absolument superbe. Au fil des lignes, on plonge dans le souvenir amoureux. On revit les émotions, les lieux, les odeurs du partage qui ne seront plus. L'âge sépare parfois ceux qui s'aiment. Aujourd'hui peut être les préjugés ont évolué et il est plus facile de mélanger les générations...
Merci pour ce partage émouvant et belle journée.
petitbis

J'admire un poète comme ton papa...avec des mots de tous les jours, il nous emmène dans une sublime poésie.
Merci à lui.
bis

C'est vraiment magnifique, digne des Méditations de Lamartine.

Quelle beauté ! Merveilleuse et exaltante façon d'exprimer ses sentiments et sa solitude après le départ de l'être cher.

Les mots ne vieillissent pas, l'émotion est intacte.

Merci cher André de nous offrir les sublimes écrits de ton regretté père.

oisami

Messages : 483 Date d'inscription : 11/03/2015 Age : 76 Localisation : Lot

On sent là dans ces lignes de la trame qui offre son moiré au lecteur ébaubi...

De la belle et grande poésie
Tonin

Messages : 1155 Date d'inscription : 08/02/2015

POIGNANT ET POURTANT SUBLIME...QUEL POETE ! JE RESTE SCOTCHE...MERCI...

Bonsoir FLAMME, FRIPOU, CLARI, TONIN, MOMO,

Je suis confus de ne répondre à vos admirables et très émouvants témoignages qu'aujourd'hui, et avec un gros retard. Ce n'est pas dans mes habitudes.

N'y voyez aucune légèreté ou indifférence de ma part, mais seulement une surcharge de travail qui ne m'a pas permis de rester à jour, ralentissant considérablement mes réponses et mes commentaires.

En plus du forum de FRIPOU, je suis également sur un autre lieu poétique où je m'investis de la même manière. Mais ce n'est pas tout, je suis rédacteur et correspondant technique sur 5 forums professionnels de prestidigitation dans lesquels je dispense mes tours et manipulations de cartomagie et de close-up.

De ce fait, je passe environ 6 à 7 heures chaque jour devant mon écran. Cela me demande une rigoureuse organisation pour pouvoir tenir tête de partout. Souvent j'y arrive... mais parfois, il suffit d'un impondérable pour que je prenne un retard difficile à combler.

C'est pour cette raison aussi que je me permets, exceptionnellement, une réponse "groupée", car vous le savez mes Ami(e)s, j'ai pour pratique de répondre personnellement à chaque commentaire. Cela me permet de gagner quelques précieuses minutes, et j'espère que vous n'en prendrez pas ombrage.

En tout cas, JE VOUS REMERCIE TOUS VIVEMENT ET DE TOUT COEUR pour ces mots généreux et pleins de gratitude que vous venez de témoigner à l'endroit de mon Cher Papa. Qu'il serait heureux, lui qui n'a jamais pu faire connaître ses poèmes au-delà du cercle de famille, s'il savait qu'il est lu par des poètes émérites qui lui rendent un aussi émouvant hommage grâce à ce merveilleux outil qu'est Internet.

BISOUS À TOUTES ET À TOUS.

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