André Laugier
Messages : 7152 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 81 Localisation : Marseille
| Sujet: La contre-assonance (Prosodie) Lun 16 Mar - 19:46 | |
| PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LA CONTRE-ASSONANCE Alors que la rime résulte de l'identité de la dernière voyelle tonique à la fin du vers, "la contre-assonance" repose sur l'identité de la dernière consonne prononcée à la fin du vers (ou du dernier groupe de consonnes), quelles que soient les voyelles :
Il entendit la licorne Hennir près de la lucarne.
Maurice FOMBEUSE
Une rime à "licorne" serait, par exemple, "salicorne" ; à "lucarne" : "il incarne".
Le système des rimes "babebines" constitue un cas particulier de la contre-assonance. Le mot est d'origine relativement récente, mais la pratique est ancienne, sans avoir été très répandue. On trouve déjà une utilisation proche de la contre-assonance par Clément MAROT, ou par Marc de PAPILLON-LASPHIRE (XVIe siècle).
RIME RONFLANTE À GROS GRAIN
Qui croira aux vertus de l'ancien proverbe, Le grand Monarque doit faire raser sa barbe, S'il perd sa lance avant la joyeuse bouteille, En coutelassant mieux il gagne la bataille.
Jules LAFORGUE l'utilisa dans plusieurs poèmes, parfois en alternance avec le système traditionnel de la rime :
LUNES EN DÉTRESSE
Vous voyez, la lune chevauche Les nuages noirs à tous crins, Cependant que le vent embouche Les trente-six mille buccins !
Adieu petits cœurs benjamins Choyés comme Jésus en crèche, Qui vous vantiez d'être orphelins Pour avoir toute la brioche !
Toutes les rimes féminines des six quatrains du poème sont ainsi des "contre-assonances" : "fache/niche", "reproche/lâche", "riche/brêche", "touche/autruche".
On en découvre des exemples aussi nets dans les poèmes d'Arthur RIMBAUD qui associe, par exemple : "des huches/aristoloches" (jeune ménage). "Veines/vignes", "blesse/mousse" (Bannière de Mai), ou "Gaule/idylle" (Michel et Christine), ou encore : "sentinelle/nulle", "élans/selon", "seules/s'exhale" (L'Éternité).
VERLAINE, MPONTESQUIOU, LE CARDONNEL, FAGUS, ont également utilisé le procédé.
La [i]contre-assonance ne fait pas partie de la versification traditionnelle que nous portons tous en nous. Nos habitudes ne nous permettent pas de la percevoir immédiatement, à l'audition, comme nous le faisons de la rime. Mais nous sentons, plus ou moins consciemment, qu'on a utilisé un système cohérent, différent de l'habituel. Il introduit toujours une espèce d'étrangeté, un subtil décalage qui se manifeste sans être forcément reconnu.
Un autre exemple de Pierre MENANTEAU, extrait de "Herbier pour un enfant poète".
CHIEN EL LAISSE
Par ce jour mouillé de Novembre Où perce parfois le soleil Un petit chien porte son ombre Le long des tilleuls de ce mail.
La ""contre-assonance" peut être employée en même temps que le système traditionnel de la rime :
... Leurs yeux qui sont faits Pour d'autres lumières Dans notre jour faux Clignent des paupières.
Jean de La VILLE de MIRMONT (L'Horizon chimérique)
_________________ La poésie se nourrit aux sources de la prose et s'embellit au concerto des mots. (André Laugier)
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