L'inspecteur reprend du service 4

L’inspecteur reprend du service 4,
Il attendit quelques secondes avant de lui poser les questions habituelles en pareille situation : nom, prénom, date de naissance, adresse, profession et cetera.
La jeune femme reprit vite ses esprits et répondit à l’interrogatoire avec minutie. L‘inspecteur tapait ses déclarations sur son ordinateur de bureau.  C’était le seul outil moderne quoique un peu poussif qu’il eût pu posséder, offert par la maison il y a déjà vingt ans.
Ceci étant fait, il en vint au vif du sujet : à son avis, cette affaire relevait de la justice, alors pourquoi lui et dans quelle mesure pourrait-il apporter son aide ? Il voulait savoir si elle était bien l’expéditrice de la missive et pourquoi tous ces mystères. Reconnaissait-elle cette maison comme étant la sienne et que voulaient dire ces mots énigmatiques écrits en majuscules, qui plus est ?
Depuis quand était-elle rentrée des USA  et quand s’était-elle rendue compte de la spoliation de son titre de propriété ? Pourquoi parler d’assassinat s’il n’y avait pas de cadavre ? Et, éventuellement, qui serait la victime ? Qui avait disparu et depuis quand ? Mais la jeune femme répondait à chaque question sur le vif, sans dérober son regard ni hésitation quelconque.
Elle dit avoir gardé d’excellentes relations avec ses employés de maison, notamment avec le jardinier qui l’avait vu naître et l’avait élevée comme sa propre fille : il travaillait pour eux depuis plus de trente ans et connaissait la propriété sur le bout des doigts. Il faisait parfois office de majordome quand ce dernier s’absentait pour raisons de famille ou pour les congés payés. C’est dire qu’il faisait presque partie de la famille et qu’il ne se serait jamais absenté, ne serait-ce qu’une demi-journée, s’en avertir les maîtres de maison. A son départ, ils avaient gardé un contact épistolaire et téléphonique. Mais depuis plus de six mois, plus aucunes nouvelles reçues et il n’y avait nulle possibilité de le joindre de quelque façon que ce fût. Aussi, quand elle eut son accident et qu’il lui fallut rentrer en France, son premier geste fut de regagner sa propriété en Lorraine pour poser ses bagages avant de regagner ses quartiers de villégiature dans le Pays Basque.
C’est ainsi qu’elle s’aperçut de sa spoliation et elle paniqua : elle avait écrit ce billet dans l’urgence et la peur d’être démasquée par les usurpateurs. Elle restait persuadée de la mort de son jardinier.
Elle ne put en dire davantage, gagnée par l’émotion et la fatigue. De grosses larmes perlaient de ses grands yeux discrètement fardés et le rimmel commençait à couler sur ses joues soudainement pâlies. L’inspecteur lui retendit un mouchoir et mit fin à l’interrogatoire.
Il la croyait sincère et l’histoire assez crédible pour diligenter une enquête de proximité : il passa quelques coups de fil à ses collègues de Nancy et de Biarritz pour avoir confirmation des renseignements obtenus et des dires de la jeune femme qui se trouvait dans son bureau.
Il s’inquiéta auprès d’elle pour savoir où elle logeait depuis. Elle était descendue en province chez une cousine éloignée qui lui avait conseillé de venir le voir pour démêler cette affaire qui la tourmentait et l’empêchait de prendre un nouveau départ.
L’inspecteur se leva pour mettre fin à l’entretien : la jeune femme était si épuisée qu’il n’en tirerait rien d’autre de conséquent pour son enquête.
Il la salua d’une poigne énergique qui se voulait rassurante et la raccompagna jusqu’à la porte…
Lucienne le 02.02.2016