L'inspecteur reprend du service 5

L’inspecteur reprend du service 5
L’inspecteur n’était pas mécontent de sa matinée et lorsqu’il eut fermé la porte, il se resservit une rasade de bourbon, coupée cette fois-ci d’eau pour avoir les idées moins nébuleuses. Le téléphone avait cessé de sonner. Par conséquent, il avait les coudées franches pour réfléchir aux éléments en sa possession. Il se posa derrière son bureau et commença à compulser quelques vieux dossiers ayant un rapport plus ou moins similaire avec son affaire du jour. Il se rappelait avoir déjà enquêté sur une captation d’héritage et se souvint avoir demandé de l’aide à son vieil ami le notaire : le cas avait été résolu et le contrevenant appréhendé grâce à leur ténacité commune. Il s’agissait d’une falsification de document notarial commanditée à un mafieux par une ressortissante roumaine. Il ferait donc appel à son ami en espérant qu’il fût encore en vie : cette affaire datait de quelques années déjà et ils s’étaient perdus de vue depuis.
Il y avait néanmoins quelques anomalies à élucider : pourquoi la jeune femme avait-elle attendu six mois pour s’inquiéter de son jardinier ? Avait-elle gardé les courriers échangés ? Dans l’affirmative, peut-être y trouverait-il des informations importantes sur ces propriétaires peu scrupuleux. Etait-elle l’unique bénéficiaire de ce patrimoine immobilier et pour quelle raison n’avait-t-elle pas été avertie au préalable par un acte en bonne et due forme ? Enfin, qu’était-il advenu du petit personnel attaché à ce domaine ? Toutes ces questions demandaient des réponses rapides et précises : le temps jouait peut-être contre eux, il ignorait s’il y avait un laps de temps à respecter afin d’invoquer la prescription. Mais il poserait ces questions pointues à son vieil ami beaucoup plus assermenté.
Pour l’heure, il passa quelques coups de fil urgents. Il appela en priorité le procureur de la République pour obtenir un mandat de garde à vue des propriétaires ainsi qu’une perquisition du domaine sis en Lorraine. Puis, il dépêcha une équipe cynophile pour inspecter le parc et ses environs immédiats. Enfin, il s’enquit du notaire et lui donna rendez-vous dans l’après-midi pour discuter de cette affaire qui le dépassait au point de vue juridique.
L’affaire prenait bonne tournure et l’inspecteur s’octroya deux heures de détente : il décida d’aller dîner au bistrot du coin pour reprendre ses anciennes habitudes et revoir quelques vieilles connaissances qui pourraient lui être utiles pour son enquête. Il avait encore deux ou trois indicateurs fidèles qui ne manqueraient pas de lui donner un coup de main pour se racheter une conduite. Depuis le temps qu’ils sillonnaient Nancy et ses environs, ils n’auraient pas manqué d’être informés sur ces nouveaux arrivants dans la région. Les renseignements circulaient vite dans ce milieu et un domaine comme celui-là avait certainement attiré les voleurs et les receleurs en tous genres ! L’inspecteur n’avait pas oublié que le mobilier Louis XV  et les tableaux privés avaient disparu de la maison.  Et un petit billet glissé subrepticement par-ci, par-là pouvait délier quelques langues. Il savait comment s’y prendre et connaissait par cœur cette faune qui l’appréciait un peu malgré son statut reconnu de flic privé. Il n’avait pas son pareil pour retourner les situations à son avantage. Et puis, ils les avaient sortis souventes fois de leurs sales draps, ces petits malfrats de quartier alors, c’était donnant donnant !
Il s’installa confortablement à une table éloignée de l’entrée, dans la semi pénombre pour ne pas être dérangé. Il commanda le menu du jour, le tout arrosé d’une bonne bière bien fraîche et, en attendant d’être servi, il se remémora toute l’affaire, chaque indice en sa possession, sans ne rien laisser au hasard. Mademoiselle de Serreville courait peut-être un grave danger…
Lucienne le 02.02.2016