« SORT injuste et cruel : il faut qu’elle s’en aille,
Son devoir accompli, fidèle, à nos côtés. »
Par Dieu ! Ne pourrait-on renvoyer la canaille ?
Mais voilà, les meilleurs nous sont toujours ôtés.
Madame, je vous plains, vous que l’on manipule,
Après ces mois passés, hélas ! trop vite, ici.
Vous nous laissez, malheur ! aux mains de la crapule :
Vous étiez courageuse et l’on vous dit merci.
Vous aurez tout connu, tous les mauvais apôtres ;
Ils méprisent le monde avec des airs hautains,
Ils cherchent le scandale, en accusent les autres,
Et colportent des bruits, des ragots, des potins.
Disons-le : vous quittez des gens bêtes, vulgaires,
Dont l’existence même est une insulte à Dieu ;
Ils nous font plus de mal que la pire des guerres :
Il faudrait, dans leur âme, enfoncer un épieu.
On parle très souvent de la bêtise humaine,
Souveraine absolue en ce vaste univers ;
J’observe ses sujets, je scrute et me démène :
À leur trépas je plains les pauvres petits vers.
Vous devez me trouver fort inquiet, morose ;
J’ignorais que l’on pût refuser le pardon.
On nous laisse l’ortie, on nous cueille la rose ;
Mais vous connaissez l’âne : il aime le chardon.
Ne prêtez pas l’oreille au sulfureux message
Que vous jettent les sots et les prétentieux.
Laissez-vous admirer aussi belle que sage ;
Qu’ils gardent leur venin, ce bien si précieux.
J’eusse aimé vous écrire, ô Muse sympathique !
Un poème impeccable et digne, sans défaut.
De vous, je n’attends rien qu’une aimable critique,
Pour le recommencer en entier s’il le faut.
Je garderai de vous l’ineffaçable trace
Qui laisse à la pensée un souvenir charmant.
Je vous dis au revoir, Madame, et vous embrasse,
Si vous le permettez, très amicalement.