L'âne et le chien (Fable)

L'âne et le chien


Un chien courait après un robuste garçon
Se frottant contre lui, posant sur ses épaules
Ses pattes et lui léchant les joues à tour de rôle.
Le maître le flattait de la même façon
Lui prodiguant avec tendresse
Des cajoleries, des caresses.

Un âne qui broutait dans un pré alentour
Voyant ce tableau là, en oublia de braire !
- Voyez un peu ! dit-il, un si troublant mystère !
Moi qui trime sans fin tout au long de mes jours,
Je ne reçois enfin que des coups en retour.
Ce stupide animal issu de la fourrière
Qui ne sait qu'aboyer et n'a rien d'autre à faire
Recueille des mots doux, des caresses, coquin !
Moi, j'ai droit, tout au plus, à mon seul picotin !
Pour le reste, les cris, les jurons, les injures
Sont mon lot quotidien et ma seul pâture.
Quand ce n'est pas force horions
Coups de pieds et coups de bâton.
Regarde bien cela mon pauvre âne de peine,
Regarde bien, surtout, et prends-en de la graine !

Vous l'avez tous compris, le pauvre Aliboron
Voulut singer du chien les étranges façons.
Le lendemain, courant, haletant, dans le pré,
Il rejoint le garçon, le caresse à son gré,
Se frottant contre lui d'un crin plein de rudesse
Il le râpe à loisir de rugueuses caresses,
Le pourléchant sur les deux joues
Lui posant ses sabots au cou.
Ayant bien observé cette façon de faire
Il croit avoir compris et l'art et la manière...

Tandis que le baudet se croit fier de son coup.
Le garçon est meurtri, renversé dans la boue
Mais à peine debout, remis sur des deux pieds,
Le voilà qui le roue de coups à l'étriller,
Le tanne d'un bâton de l'échine à l'oreille
Alors que le baudet attendait des merveilles...

C'est ainsi que parfois, copiant nos voisins,
Nous espérons, comme eux, en retirer du gain.
Mais hélas, ce n'est pas ainsi que tout se passe.
Pour eux, c'est du profit. Vous, vous boirez la tasse !