André Laugier
Messages : 7157 Date d'inscription : 25/01/2015 Age : 82 Localisation : Marseille
| Sujet: Le trimètre (Prosodie) Mer 25 Fév - 21:57 | |
| PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LE TRIMÈTRE Dans la versification grecque, c'était un vers de trois mesures de deux pieds chacune. Par analogie, la versification française applique ce terme à un alexandrin scandé en trois parties égales (4 + 4 + 4), alors que la coupe "classique" se situe à l'hémistiche (6 + 6).
On précise souvent "trimètre romantique", car cette coupe a été fréquemment utilisée par les poètes romantiques. Mais ils ne l'ont pas inventée. On donne d'ailleurs habituellement comme exemple un vers du XVIIe siècle dont la coupe en trois parties est très nette :
... Je veux, sans que la mort ose me secourir Toujours aimer,/ toujours souffrir,/ toujours mourir.
Pierre CORNEILLE
On peut trouver de telles coupes dès le XVIe siècle, mais elles sont assez rares, et laissent place à quelque hésitation quant à leur place dans le vers :
Je veux lire en trois jours l'Iliade d'Homère Et pour ce, Corydon, ferme bien l'huis sur moi ; Si rien me vient troubler, je t'assure ma foi Tu sentiras/ combien pesante/ est ma colère.
Pierre de RONSARD
On pourrait faire ressortir à la lecture de ce dernier vers un alexandrin plus traditionnel :
Tu sentira combien/ pesante est ma colère./
Le trimètres est assez rare dans la poésie classique où il produit un effet d'autant plus appuyé. Il est beaucoup plus fréquent dans la poésie "romantique" qui, par divers effets dont "l'enjambement", à voulu briser la scansion monotone de l'alexandrin traditionnellement coupé entre les deux hémistiches, tout en continuant à utiliser largement ce vers.
Victor HUGO s'est particulièrement vanté de l'avoir désarticulé. Si le trimètre joint à d'autres procédés, a bien rompu la monotonie de la scansion classique, ce vers a poursuivi sa longue carrière.
Exemples :
LA CONSCIENCE
... Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres, Il vit un œil/ tout grand ouvert? dans les ténèbres.
Victor HUGO
LE PARRICIDE
... Rien que dans un hiver, ce chasseur détruisit Trois dragons en cosse, et deux rois en Scanie ; Il fut héros,/ il fut géant,/ il fut génie.
Victor HUGO
... Avec ce qui l'opprime, avec ce qui l'accable, Le genre humain/ va se forger/ son point d'appui.
Victor HUGO
Le trimètre est souvent fortement marqué chez Victor HUO, et même parfois martelé, imposant la force de l'expression. On le trouve ainsi répété dans une de ses longues œuvres les plus puissantes :
... Malheur à ce qui vit ! Malheur à ce qui luit ! Je suis le mal,/ je suis le deuil, / je suis la nuit.
On n'a pas, ici, à hésiter sur le choix de la diction : elle est imposée. Ce n'est pas toujours le cas chez d'autres poètes romantiques :
ÉLOA OU LA SOEUR DES ANGES
... Lazare, qu'il aimait et ne visitait plus, Vint à mourir,/ ses jours étant/ tous révolus.
Alfred de VIGNY.
L'un des rénovateurs de l'alexandrin au XXème siècle, Louis ARAGON, n'ut garde de négliger le rythme significatif du trimètre, en des vers bien marqués, reprenant des formules qu'il transforme :
Je vous salue/ Marie de France/ aux cent visages.
Louis ARAGON
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