PETIT DICTIONNAIRE DE PROSODIE
AGENCEMENT COUÉ
On parle d'agencement coué (du latin caudatus qui signifie "à queue") pour une distribution strophique où, en hétérométrie, l'emploi des vers courts coïncide avec la disposition des rimes.
Cela se produit en particulier pour des strophes à rythme tripartite ou quadripartite, tel le sizain hétérométrique (AABCCB) 12-12-6-12-6) qui révèle de ce qu'on appelle "formule tripartite couée", si chère à Victor Hugo :
Parfois, je me sens pris d'horreur pour cette terre ;
Mon vers semble la bouche ouverte d'un cratère ;
J'ai le farouche émoi
Que donne l'ouragan monstrueux au grand arbre ;
Mon cœur prend feu ; je sens tout ce que j'ai de marbre
Devenir larve en moi.
La rime "B" liée ici au vers de 6 syllabes ne trouve son répondant que dans l'autre vers de 6 syllabes, qui clôt la strophe.
Dans son "Traité de versification française" W.T. Elwert désigne par rime couée le fait que la dernière rime d'une strophe soit reprise dans le premier vers de la suivante : c'est le procédé dit aussi de la "rime concaténée".
Pour être plus explicite, disons que les rimes longues riment entre elles, et de même pour les rimes courtes (qui qui est l'inverse des contrerimes). En voici un autre exemple :
Que je m'ennuie entre ces murs tout nus
Et peints de couleurs pâles
Une mouche sur le papier à pas menus
Parcourt mes lignes inégales.
Que deviendrai-je ô Dieu qui connaît ma douleur
Toi qui me l'as donnée
Prends en pitié mes yeux sans larmes ma pâleur
Le bruit de ma chaise enchaînée
Et tous ces pauvres coeurs battant dans la prison
L'Amour qui m'accompagne
Prends en pitié Surtout ma débile raison
Et ce désespoir qui le gagne.
G. Apollinaire, (in Alcools)