Le printemps au galop arrive dans les champs ;
La terre qui fut rouge ainsi que les couchants,
Se pare d'un tapis d'arbustes et de roses.
Adieu séjour macabre, adieu songes moroses,
Au ciel bleu l'on entend le chant gai des oiseaux.
Adieu mots imprégnés des gouffres abyssaux,
Que le suc des étangs soit l'encre de la plume !
Le zéphyr langoureux vient disperser la brume,
Et l'astre anéantit la pénombre d'hiver.
Que de verdure ainsi le vallon est couvert !
La saison des bourgeons, à celle des fleurs mortes,
Annonce le verdict. De mes pions les cohortes
Vont marcher sur le sol que la vie a quitté,
Et flatter ma grandeur, comme à l'antiquité
La légion romaine a bâti son empire.
Ne sens-tu pas ton front qui d'angoisse transpire,
Et fondre tes frimas au seuil de ma douceur ?
L'autre dit frissonnant " vous dont l'hymne berceur,
A dompté mes torrents, ma foudre et mes orages,
Je ne peux contre vous conquérir les suffrages
De l'homme qui se pâme au jeu de votre main.
C'est alors qu'en perdant je m'en irai demain ! "

Troubadour