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 "L'homme qui ne voulait pas voir la mer" (Prose)

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2 participants
AuteurMessage
Sansef Alafin

Sansef Alafin


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Date d'inscription : 22/02/2015
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Localisation : Cévennes

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MessageSujet: "L'homme qui ne voulait pas voir la mer" (Prose)   "L'homme qui ne voulait pas voir la mer" (Prose) EmptySam 13 Fév - 18:40

Extrait de mon livre "Contes et récits tirés de l'histoire des Cévennes"
Fin de la nouvelle intitulée :




"L'homme qui ne voulait pas voir la mer"





— Alors, monsieur, ils montèrent là-haut, tous les deux, le jeune suivant le vieux. Ils montèrent au-delà des crêtes où circulent les drailles, plus haut que la limite supérieure de la hêtraie, plus haut encore que la grande lande à genêts.
Ils montaient lentement sur les éboulis de rocs qui dégringolaient sous les semelles de leurs chaussures ferrées, posant des pas précautionneux sur les dalles pentues de schiste, qui brillent sous le soleil comme de la soie, mais que la rosée du matin peut aussi revêtir de myriades de perles brillantes.
Albert montait toujours d’un pas automatique. Le vieil homme, coutumier de ces ascensions, soufflait une haleine régulière et sereine.
De temps à autre, il s’arrêtait une minute pour observer un bouleau, un châtaignier, un arbousier, un buisson, une bogue… A chaque nouvelle halte, il semblait découvrir une nouvelle vertu cachée derrière les apparences des végétaux, des minéraux, des êtres ou des choses. Il semblait, à chaque fois, trouver ou retrouver, étudier avec soin une nouvelle particularité, découverte avec passion dans un objet déjà connu depuis longtemps, comme, lorsqu’ayant relu un livre cent fois, on est heureux d’y trouver encore une beauté nouvelle enfouie au détour d’une phrase.
Albert relisait, avec un amour, une attention infinie et toujours réinventée, le grand livre de la Cévenne, en l’étudiant dans ses plus petits détails.
Comme beaucoup de ses semblables, il restait à jamais un déchiffreur de traces et de signes, qui n’en étaient et n’avaient de sens que pour lui. Mais Daniel, qui le suivait, voyait bien que tout cela revêtait pour le vieil homme un sens profond, important, constitutif de tout son être.
On sentait que le vieux aspirait les serres comme une inhalation qui lui était vitale. A tel point que sa structure mentale ne pouvait vivre que de ces signes, de ces traces, de ces effluves, de ce contact aussi intellectuel que charnel avec l’ossature physique et l’essence des serres.
Le vieil Albert montait lentement, majestueusement, quasi respectueusement, jusqu’aux sommets arrondis de la Cévenne que couronnaient les grands rocs dénudés de schistes et de granites.
Daniel, fasciné par son père, haletait doucement sur ses pas.
Celui-ci l’avait presque oublié.
Il avait désormais rejoint son monde à lui, il s’y était plongé. Ce monde, dont il était une partie, au même titre que ce rocher sur lequel il venait de s’asseoir, que ce nuage qui passait au dessus de lui, que cette buse qui planait doucement, les ailes largement étalées en croix.
Daniel prit place lui-même sur une dalle de roc.
Devant eux s’étalait l’espace des Cévennes.
Ce n’était pas l’espace démesuré des grands sommets alpins, ce n’était pas non plus l’espace inintelligible des grands infinis de l’éther que dévorent les télescopes. C’était un espace sauvage, désert, gigantesque… mais humain.
C’était un espace assimilable, à condition de comprendre qu’il était définitivement inaccessible dans sa totalité, et d’admettre que ces montagnes pourtant habitables, restaient souvent inhabitées parce que leur vocation première demeurait d’élever l’homme jusqu’à la notion de l’éternel. Car l’esprit n’aime pas les multitudes.
Daniel en eut un frisson d‘exaltation orgueilleuse.
Au loin, les serres moutonnaient comme des vagues gigantesques lancées à l’assaut des plages intangibles qui bordaient les marges indéfinies de l’horizon. Au-delà des crêtes visibles qui se perdaient dans les brumes du matin comme les esquifs se noient au fond des brouillards maritimes, le regard n’apercevait plus que des tremblements de buées irisées.
L’âme croyait y atteindre de ces mirages inouïs, vertigineux, semblables sans doute aux mélopées mystérieuses des aèdes antiques.
Partout, plus près et autour d’eux, les serres immémoriaux, à la barbe de mousse et de lichens, à la vêture de lande rugueuse où pendaient les cosses des genêts rudes, émergeaient lentement des brouillards, comme les échines puissantes et arrondies d’un immense troupeau de cétacés patrouillant au-dessus d’un Océan de nuages. Il n’y manquait même pas les grondements sourds des échos du vent, répercutés par les gongs caverneux des valats où couvaient des conques de brumes et d’ombres. Cela ressemblait au bruit de l’immense ressac que faisaient ces vagues perpétuelles de serres battant lentement les murs de l’éternité.
Albert ne bougeait toujours pas. Daniel avait l’impression qu’ils se trouvaient sur un ilot perdu aux tréfonds des immensités, comme des vigies guettant sans trêve l’apparition d’une Terre Promise aux rivages éternels de l’Océan des Cévennes.
Albert se tourna vers son fils.
Lui montrant cet infini d’un mouvement large et circulaire de son bâton, il affirma, comme une évidence :
— Ma mer à moi, mon petit, la voilà !

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Alain

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MessageSujet: Re: "L'homme qui ne voulait pas voir la mer" (Prose)   "L'homme qui ne voulait pas voir la mer" (Prose) EmptyDim 14 Fév - 11:38

Certaines vies reposent sur l'amour de leur terroir ! Les souvenirs de leur jeunesse, les habitudes de vies sont ancrés dans leur mémoire, le passé devient un présent quotidien !
Chaque région a ses qualités, sa beauté est dans le cœur des anciens, elle constitue leur havre de paix et de sérénité !
Cet écrit, cher Alain en est bien la preuve ! Tu es le joyau de tes Cévennes, chaque pierre, chaque paysage, chaque arbuste, arbre et fleur ont fabriqué ton être pour toujours !
Tu es pétri par leur existence, par leur passé ,on ne peut que le ressentir dans tes écrits poèmes et romans !
Nul besoin d'aller voir le monde, tout est dans les Cévennes !

"On sentait que le vieux aspirait les serres comme une inhalation qui lui était vitale"
"Il avait désormais rejoint son monde à lui, il s’y était plongé. Ce monde, dont il était une partie, au même titre que ce rocher sur lequel il venait de s’asseoir, que ce nuage qui passait au dessus de lui, que cette buse qui planait doucement, les ailes largement étalées en croix."
"Devant eux s’étalait l’espace des Cévennes. C’était un espace sauvage, désert, gigantesque… mais humain.

La mer est devant lui, et il la voit dans ses serres et valats plus belle qu'il ne peut se l'imaginer :

"Les serres immémoriaux, à la barbe de mousse et de lichens, à la vêture de lande rugueuse où pendaient les cosses des genêts rudes, émergeaient lentement des brouillards, comme les échines puissantes et arrondies d’un immense troupeau de cétacés patrouillant au-dessus d’un Océan de nuages.
Il n’y manquait même pas les grondements sourds des échos du vent, répercutés par les gongs caverneux des valats où couvaient des conques de brumes et d’ombres. Cela ressemblait au bruit de l’immense ressac que faisaient ces vagues perpétuelles de serres battant lentement les murs de l’éternité."

Ces descriptions sont des chefs-d’œuvre d'amour !

Merci Alain, c'est splendide !





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Sansef Alafin

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MessageSujet: Re: "L'homme qui ne voulait pas voir la mer" (Prose)   "L'homme qui ne voulait pas voir la mer" (Prose) EmptyDim 14 Fév - 11:43

Merci infiniment.
Je suis très touché que tu me comprennes si bien.

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