Ce texte est le début de mon dernier livre intitulé La Voyeuse. Le thème.
Une femme s'installe dans ce bar et va observer les gens qui évoluent sous ses yeux.
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Tout a commencé ce matin là...
JOUR 1. Mon ami de l'onde
Le ciel est triste ce matin, il pleut doucement. Il a décidé de pleurer parce qu'il ne fait pas beau. C'eût été dommage de mêler les gouttes de la pluie aux doux rayons de soleil. Quoi qu'un bel arc-en-ciel aurait alors couronné le jour et ébloui nos yeux.
Devant les larmes de la pluie, je pénètre dans le bar et vais m'asseoir un peu à l'écart. La porte s'ouvre sur un client qui aussitôt attire mon attention. Il ne ressemble en rien aux autres. Qui êtes-vous, Monsieur ? J'observe
Vous entrez dans le café, sans doute pour vous abriter un instant, attendre au chaud que l'averse cesse. Mais qu' importe le pourquoi, vous entrez. En homme bien élevé, vous ôtez votre chapeau et vous le secouez délicatement, comme un chiot qui s'ébroue, pour en faire tomber les quelques perles qui s'y sont accrochées. Votre regard a déjà fait le tour des occupants des lieux. Incisif sans être trop appuyé, il vous a permis de jauger les présents. Votre choix se porte sur un couple qui discute à voix basse, sans s'intéresser au reste des clients. Ils sont dans leur bulle comme isolés du monde. Vous choisissez une table non loin d'eux.
Qui êtes-vous, Monsieur ? Un écrivain en quête de personnages, un poète pour une histoire d'amour ou un reporter écrivant un papier sur les Hommes et leur comportement ? Vous venez de vous poser sur les berges du temps. Il vient de se suspendre aux paroles d'un homme et d'une femme. Chabadabada, chabadabada....!
Je décide de vous observer à mon tour et vous baptise : Mon ami de l'onde.
-- Un café, avez-vous demandé au serveur qui s'avançait. Et s’il vous plaît, pouvez-vous me prêter un stylo ?
-- Bien sûr, Monsieur, a-t-il répondu, en vous tendant le sien.
De mon coin, près de la grande vitre embuée du bar, je continue mon observation. Qu'allez-vous faire de ce stylo? Je vois bien que votre oreille indiscrète se tend vers ce duo qui semble vous fasciner. A juste les écouter, je vois que vous avez déjà perçu leurs personnalités, leurs émotions, leurs envies ou leurs peurs. Voilà que vous vous mettez à écrire, à griffonner sur la nappe blanche devant vous.
Ce jeu me fait penser à Jacques Prévert qui écrivait ainsi ses poèmes dans certains bistrots parisiens. D'où l'utilité du stylo.
Ils ne se sont aperçus de rien, ils poursuivent leur discussion. Une sonnerie stridente explose près d'eux. C'est le portable de la jeune femme. Elle décroche, pâlit, se lève brusquement et quitte la table. Au passage vous lui tendez le morceau de la nappe que vous avez noirci de quelques mots. Dehors, sa lecture faite et après un regard vers vous, elle le jette au vent qui passe.
Qu'avez-vous entendu ? Qu'avez-vous écrit ? Un numéro de téléphone, une adresse, un compliment, un mot de soutien ? Sans aucun doute cette jeune femme aura éveillé en vous un sentiment particulier et seuls, la jeune femme, Éole et vous, connaissez la teneur du petit mot griffonné un jour de pluie sur un coin de table, au bar du marché.
Je vous ai longuement observé, mais, blottie dans mon coin. vous ne m'avez pas aperçue.
La pluie a cessé. Sur les fils électriques de la place, les hirondelles, en habit de gala, jouent leur dernier concerto. Vous vous levez, remettez votre chapeau et disparaissez dans les dernières gouttes de pluie.
Un ange est passé.
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