L'étrangère

L'étrangère


Couchite et basanée, mais c’était la plus belle, aux
Yeux de ce Moïse en homme qui l’aima,
Parmi tant d’égéries, il ne désira qu’elle ;
Opprimée des Hébreux qui ne l’estimaient pas,
Rendue dans la Cité dont le peuple était fier,
Au pays des élus, c’était une étrangère.

Je la comprends si bien, cette femme, cette autre,
Car j’ai eu, moi aussi, un acide destin,
Arrivant d’un pays, pour vivre dans un autre,
Ses enfants ignorants n’ont pas tendu la main…

…Mon prénom et le sien ont cet étrange augure :
Il n’était pas écrit, dans les plis de ma main,
Pas plus qu’on ne voyait, au milieu d’ma figure,
Que j’n’étais pas d’ici… que je venais de loin.

Que je les ai haïs ! Mon Dieu qu’ils étaient bêtes !
Ils n’avaient pas compris que je leur apportais
Un peu de mon pays, dans mon cœur, dans ma tête,
Et mon égo d’enfant de l’amour attendait.

Et j’ai grandi avec, au cœur, une blessure,
Qui, malgré les années, a mûri avec moi ;
Quand je sentais mes yeux se mouiller, la brûlure
De ce temps révolu était alors en moi.

Il a fallu, qu’un jour, ce vide se referme,
Et que j’arrête, enfin, de penser au passé,
L’amour de mes enfants seul y a mis un terme,
Et je vis à présent dans la félicité !