PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LES VERS RHOPALIQUES
Du Grec
"ropalon" qui signifie
"massue". Cette forme de vers est très ancienne puisqu'elle existait déjà en grec et en latin. Le jeu consiste à écrire une suite de mots dont chacun comprend une syllabe de plus que le mot précédent.
Sur ce modèle, le terme s'applique à des vers français construits de manière croissante, ou décroissante. À cela s'ajoute, bien entendu, la rime caractéristique de la versification française, ce qui complique l'exercice tout en le rendant à la fois ludique et délicat. Ces vers sont dits "en massue" étant donné que le travail faisant image s'épaissit ou s'amincit d'une extrémité à l'autre.
On les appelle encore vers pyramidaux à cause de la forme particulière du poème quand les vers ne sont que croissants ; ou encore vers boule de neige parce qu'on ajoute syllabe après syllabe, comme poignée à poignée.
De nombreux poètes, et non des moindres, ce sont laissés tenter par l'exercice car les vers rhopaliques constituent une curiosité technique pour tous les versificateurs aimant la fantaisie d'écriture, et, parfois, la satire comme ceux du
"Parnassiculet" qui raillèrent l'attirance des Parnassiens pour l'Antiquité.
Je donne, ci-dessous deux exemples :
Tous
Jaloux
Sont les fous
Que je blâme :
Fi d'une flamme
Qui nous ronge l'âme !
Fais, mon cher, comme moi
Pour braver la loi
D'une amante
Changeante
Chante,
Bois.
Charles-François PANARD (XVIIIe siècle.)
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Pan-Tho Mètre
Écrit sur les sables de Gizeh, au pied de
la grande pyramide.
Ô
Tho !
Ô Cybèle
Féconde et belle !
Ô Terre, élément
Du divin mouvement !
Ô Globe, à l'ardente course
Circumvolant, sous la grande Ourse !
Ô sol, qui vit le Mammouth géant
Naître avant l'homme et rentrer au néant !
Rase le Chéops, du sommet à la base,
Ô Sol, ô Globe, ô Temps, ô Cybèle, ô Tho ! -Rase -
Ou sinon les rayons - Tho ! - des grands soleils futurs
Dissoudrons en vapeurs, - ô Tho ! - ses granits gris et durs.
Jean du BOY, in "Le parnassiculet contemporain". (1872)
Certains poèmes des calligrammes sont apparentés aux vers rhopaliques. Pour conclure, il est n'est pas inutile de signaler que cette tradition ancienne, comme je l'ai souligné au début de cet article, remonte, en fait, à THÉOCRITE et aux poètes alexandrins. Elle s'est ensuite poursuivie aux premières heures du christianisme pour ressurgir avec les humanistes de la Renaissance. On peut dire que ces vers figurés, d'abord d'inspiration mystique, ont fini, de nos jours, par correspondre plus à un amusement intellectuel qu'à de la poésie..